AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize juin mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller X..., les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
Y... Robert, partie civile,
Y... Catherine,
Y... Danielle,
Y... Sylvia,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, du 17 juin 1991, qui, dans la procédure suivie contre personne non dénommée, du chef d'abstention volontaire de porter secours à personne en péril, a confirmé l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction ;
Vu le mémoire produit ;
d Sur le pourvoi, en ce qu'il est formé par Catherine Y..., Danielle Y... et Sylvia Y... ;
Attendu que ces demanderesses n'ont pas relevé appel de l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction, et n'étaient pas parties à la cause devant la chambre d'accusation ; que dès lors, leur pourvoi est irrecevable, faute de qualité ;
Sur le pourvoi, en ce qu'il est formé par Robert Y... ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 3, 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde, 63 du Code pénal, 2, 186, 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la chambre d'accusation a confirmé l'ordonnance de non-lieu du 21 novembre 1990 intervenue sur la plainte avec constitution de partie civile des consorts Y... du chef de non-assistance à personne en danger ;
"aux motifs que Robert Y..., appelant, est seul recevable devant la chambre d'accusation à l'exclusion des autres consorts Y... ; que l'information est complète ; que la chambre d'accusation dispose de tous les éléments nécessaires à sa décision ; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner d'investigations complémentaires ; que Luc Y..., incarcéré le 4 juin 1989 à 21 heures, a été examiné dès le lendemain par un médecin qui a prescrit le traitement qu'il a jugé approprié au diagnostic établi ; qu'il a été soumis le 6 juin à des analyses sanguines en vue d'un bilan de santé ; qu'il a été conduit à deux reprises à l'infirmerie le premier jour de sa détention ; qu'il n'a lui même signalé aucun symptôme particulier et n'a pas sollicité l'intervention du médecin ; qu'aucune indication médicale ni aucun comportement n'a ainsi mis en évidence un danger grave, imminent, constant et ayant nécessité une intervention immédiate ; qu'il s'ensuit que n'est pas constitué le délit de refus de porter secours à personne en péril ; que les faits par ailleurs ne sont susceptibles d'aucune qualifiation pénale ;
"1°) alors que, d'une part, l'état de péril ne disparaît pas quand la victime, hors d'état de s'exprimer, n'a pu demander assistance ;
"2°) alors que, d'autre part, le péril persistant requiert également assistance ; que la d chambre d'accusation n'a pas examiné la période critique du 7 au 10 juin 1989 durant laquelle la victime,
laissée en cellule où elle est décédée, n'a bénéficié d'aucune assistance ;
"3°) alors, enfin, que la chambre d'accusation ne pouvait rejeter le complément d'instruction rendu nécesaire par la carence de l'information sur la période précitée du 7 au 10 juin durant laquelle la victime agonisante était, sans nouvel examen, considérée comme "apte sans réserve" par les médecins pénitentiaires" ;
Attendu que les termes de l'arrêt attaqué permettent à la Cour de Cassation de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d'accusation, après avoir exposé les faits,, objet de l'information, et répondu aux articulations essentielles du mémoire de la partie civile appelante, a énoncé les motifs dont elle a déduit que n'étaient pas réunis contre personne dénommée les éléments constitutifs du délit d'abstention volontaire de porter secours à personne en péril, et que les faits dénoncés n'étaient susceptibles d'aucune qualification pénale ;
Qu'aux termes de l'article 575 du Code de procédure pénale, la partie civile n'est pas admise à discuter la valeur de tels motifs, à l'appui de son seul pourvoi contre un arrêt de non-lieu ;
D'où il suit que le moyen qui allègue une insuffisance de motifs et une prétendue omission de statuer sur une partie des faits dénoncés, qui, à les supposer établies, priveraient l'arrêt attaqué des conditions essentielles de son existence légale, ne peut être accueilli ;
Et attendu qu'il n'est ainsi justifié d'aucun des griefs énumérés à l'article 575 précité, comme autorisant la partie civile à se pourvoir contre un arrêt de non-lieu, en l'absence de secours du ministère public ;
Déclare le pourvoi irrecevable ;
Condamne les demandeurs aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, d M. Fontaine conseiller rapporteur, MM. Zambeaux, Dardel, Dumont, Milleville, Alphand, Guerder conseillers de la chambre, Mme Batut conseiller référendaire, M. Robert avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;