AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le quinze juin mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller HECQUARD, les observations de la société civile professionnelle TIFFREAU et THOUIN-PALAT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
GRASSO Vénéra, épouse TOSCANO,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, chambre correctionnelle, en date du 27 mars 1991 qui, pour abus de confiance, l'a condamnée à 15 mois d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
d Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 408 du Code pénal, 485 et 512 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Vénéra Grasso, épouse Toscano, coupable d'abus de confiance ;
"aux motifs qu'il résulte de deux expertises médico-psychologiques qu'à la date des procurations litigieuses (24 mars, 30 mars et 11 avril 1988) et des deux testaments ultérieurement révoqués par lesquels il a gratifié Vénéra Toscano (31 mars et 14 avril 1988), M. X... était dans un état d'affaiblissement physique et mental avec troubles de la conscience et du caractère et instabilité d'humeur, tel que l'expression de sa volonté ne pouvait être considérée comme valable ; que les procurations consenties par M. X... à la prévenue sur ses comptes bancaires et d'épargne constituent de simples mandats ; qu'elles impliquaient l'obligation du mandataire de rendre compte et le cas échéant de restituer ce qu'il pouvait détenir au titre du contrat en question ; que l'on ne saurait en déduire l'intention de permettre à Vénéra Grasso de s'approprier l'avoir des comptes qu'elles concernaient ; que M. X... a expliqué lui-même que la prévenue lui a fait craindre qu'il ne fût mis sous tutelle et ne pût plus disposer de ses biens, et qu'il lui a donné procuration, en l'autorisant à transférer l'avoir de ses comptes sur les siens, pour prévenir cette éventualité ; que cette explication est parfaitement logique, cohérente et conforme à l'ensemble des éléments relatifs notamment à l'état de santé physique et mentale du malade, qui pouvait effectivement lui faire craindre d'être dessaisi de ses biens par une intervention judiciaire ; que Vénéra Grasso a donc transféré des comptes de M. X... sur les siens la somme globale de 238 360,24 francs en qualité de mandataire ; qu'elle a interverti en appropriation la détention précaire de cette somme en souscrivant des placements et en dissipant le surplus ; qu'elle a en outre refusé de la restituer lorsque M. X... la lui a réclamée verbalement, puis tout au long de la procédure ; que son intention frauduleuse est démontrée par le fait qu'elle a tenu à l'écart la famille et les amis de M. X... en vue de mieux assurer son emprise sur lui ;
"alors 1°/ que le détournement, élément essentiel du délit d'abus de confiance dont la preuve est à la charge du ministère public, résulte d'une utilisation à des fins étrangères à celles qui avaient été stipulées ; que la cour d'appel qui se borne à d retenir que M. X... avait autorisé Vénéra Grasso à transférer l'avoir de ses
comptes sur les siens pour prévenir l'éventualité d'une mise sous tutelle l'empêchant de disposer de ses biens, mais qui ne justifie pas de ce qu'il lui avait également imparti l'obligation d'avoir à lui restituer les fonds en question, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
"alors 2°/ qu'il résultait des propres énonciations de l'arrêt qu'à l'époque de l'établissement des procurations litigieuses, l'expression de la volonté de M. X... ne "pouvait être considérée comme valable" ; qu'en admettant néanmoins que M. X... avait pu dans le même temps valablement manifester à Vénéra Grasso la volonté de l'obliger à lui restituer les fonds qu'il l'avait autorisée à transférer sur ses comptes bancaires, la cour d'appel s'est nécessairement contredite" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et celles du jugement qu'il confirme, partiellement reprises au moyen, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les juges du fond ont caractérisé, sans insuffisance ni contradiction, en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'abus de confiance retenu contre la prévenue ;
Que le moyen qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause, soumis au débat contradictoire, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la demanderesse au dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Tacchella conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Hecquard conseiller rapporteur, MM. Gondre, Hébrard, Culié, Pinsseau conseillers de la chambre, MM. Bayet, de Mordant de Massiac conseillers b référendaires, M. Robert avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;