LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze juin mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire de A... de MASSIAC, les observations de la société civile professionnelle DESACHE et GATINEAU et de Me PRADO, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ; Statuant sur le pourvoi formé par :
Z... Pierre, K
contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 15 mars 1991, qui, dans les poursuites exercées contre lui du chef d'abus de confiance, a prononcé sur les intérêts civils ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le moyen unique de cassation pris de la d violation des articles 408 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, 1134 et 1984 et suivants du Code civil, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Pierre Z... à restituer à la succession de Samuel Z... la somme de 850 000 francs ; "aux motifs que Pierre Z... ne conteste pas avoir reçu sur son compte en trois virements la somme de 850 000 francs provenant de son oncle Samuel Z... ni avoir reçu un mandat de gestion générale sur le compte de celui-ci ; que Pierre Z... ne peut rapporter la preuve du don manuel qu'il invoque en faisant état de l'intention de son oncle de l'instituer légataire universel, intention qui n'a d'ailleurs été formalisée par aucun document officiel ; qu'aucun élément ne figure à la procédure permettant de dire que l'exemplaire de l'ordre de virement était destiné à Samuel Z... et que la mention "selon vos instructions" concernait les instructions téléphoniques données par ce dernier à l'employé de banque ; qu'il résulte des déclarations de Pierre Z... que l'expression "selon vos instructions" si elle émane réellement des services de la banque concerne les instructions données par Pierre Z... qui ne peut se prévaloir d'un document aussi incertain pour prouver l'intention libérale de l'oncle ; que Pierre Z... est ainsi rentré en possession de la somme de 850 000 francs grâce à la procuration qu'il détenait sur le compte de Samuel Z... ; qu'il s'est volontairement abstenu de révéler à ses cohéritiers qu'il détenait des fonds appartenant à son mandant ; "alors, d'une part, que l'intention libérale du mandant permettant
au mandataire de disposer à son profit des fonds de ce dernier peut être prouvée par tous moyens ; qu'en l'espèce, Pierre Z..., titulaire d'une procuration sur les comptes bancaires de son oncle, faisait valoir que l'intention libérale de ce dernier à son égard était établie tant par le testament du 1er juin 1985 avantageant son neveu en lui attribuant sa propriété d'Aix-en-Provence que par le projet dactylographié devant être authentifié par notaire le 12 septembre 1985, exprimant la volonté de Samuel Z... de faire de son neveu son légataire universel ; que ces actes étaient corroborés par diverses attestations établies par Melle X..., M. Y... et André Z... confirmant l'ntention libérale de Samuel Z... envers Pierre Z... et relatant même la décision prise par l'oncle de laisser d dans l'immédiat son neveu disposer des fonds disponibles sur ses comptes bancaires (cf. témoignage d'André Z...) ; que, pour retenir l'existence d'un détournement de fonds à l'encontre de Pierre Z..., l'arrêt a considéré que ni le projet de legs ni l'ordre de virement du 16 août 1985 ne constituaient des écrits susceptibles d'établir l'existence d'un don manuel ; qu'en statuant ainsi l'arrêt qui n'a pas tenu compte de l'ensemble des éléments de preuve invoqués par Pierre Z... et notamment des attestations déterminantes produites par lui pour établir l'autorisation donnée par son oncle de prélever les fonds pour son propre compte a privé sa décision de base légale ; "alors, d'autre part, que les juges du fond sont tenus de répondre aux moyens péremptoires des conclusions ; qu'en l'espèce, le demandeur faisait valoir dans ses conclusions que les témoignages de Melle X..., M. Y... et André Z... confirmaient le commencement de preuve fourni par le projet de testament de Samuel Z... établissant que les sommes déposées sur les comptes de ce dernier lui avaient été remises à titre de don manuel ; qu'en s'abstenant de tenir compte de l'ensemble des preuves fournies par le demandeur et en particulier des témoignages attestant de l'intention libérale de Samuel Z... à son égard, l'arrêt a laissé sans réponse les conclusions précitées et violé ainsi les textes visés au moyen ; "alors enfin que la preuve de l'intention libérale peut être rapportée par tout moyen ; que cette intention de gratifier peut être rapportée par l'intention par ailleurs exprimée de faire du donataire son légataire universel ; que posant en principe que la preuve de l'animus donandi ne pouvait résulter d'un testament au motif inopérant que l'objet d'un legs est différent de celui d'une donation, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ; Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Pierre Z... a reçu en mai 1985, de la part de son oncle Samuel, procurations pour effectuer toutes opérations sur les comptes bancaires de celui-ci ;
qu'usant de ces procurations, Pierre Z... a ordonné en juillet et août 1985, le virement de 850 000 francs des comptes de son oncle vers son compte personnel ; qu'à l'ouverture de la succession intervenue quelque temps après, son oncle étant décédé le 24 septembre 1985, Pierre Z... a dissimulé aux autres cohéritiers l'existence de ces fonds ; qu'à la d suite de la plainte de l'un d'eux, Pierre Z... a été poursuivi du chef d'abus de confiance ; Attendu que, pour le reconnaître responsable des faits reprochés et le condamner à restituer à la succession les 850 000 francs conservés par devers lui, la cour d'appel retient que Pierre Z... ne peut prétendre justifier la détention de ces fonds par l'existence d'une libéralité de la part de son oncle dont la réalité serait attestée par différents témoignages et un projet de testament le faisant légataire universel ; qu'elle souligne qu'il existe une différence entre un don manuel et un legs et que le prévenu ne peut prétendre prouver l'existence de l'un par l'autre ; qu'elle constate que ce dernier s'est abstenu volontairement de révéler à ses cohéritiers qu'il détenait des fonds appartenant à son mandant, afin de ne pas avoir à les représenter ; Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a, sans encourir les griefs allégués, justifié sa décision ; Que, dès lors, le moyen doit être écarté ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Condamne le demandeur aux dépens ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents :
M. Tacchella conseiller doyen faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. de A... de Massiac conseiller rapporteur, MM. Gondre, Hébrard, Hecquard, Culié, Pinsseau conseillers de la chambre, M. Bayet conseiller référendaire, M. Robert avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;