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15/06/1992 | FRANCE | N°91-81892

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 juin 1992, 91-81892


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze juin mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller HECQUARD, les observations de la société civile professionnelle LESOURD et BAUDIN et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ;

Statuant sur les pourvois formés par :

LA SARL Y...,

Y... Robert,

LA SOCIETE CESIM,

part

ies civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, en date du 1er ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze juin mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller HECQUARD, les observations de la société civile professionnelle LESOURD et BAUDIN et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ;

Statuant sur les pourvois formés par :

LA SARL Y...,

Y... Robert,

LA SOCIETE CESIM,

parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, en date du 1er mars 1991, qui, dans une procédure suivie contre Michel Z..., des chefs d'escroquerie, infraction à la législation sur les sociétés et banqueroute, a relaxé le prévenu et prononcé sur les intérêts civils ; d

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire commun aux trois demandeurs ;

Vu le mémoire en défense ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 1er de la loi n° 66-455 du 2 juillet 1966 relative aux entreprises pratiquant le crédit-bail, des articles 169 à 172 du Code des douanes, de l'article 405 du Code pénal, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Z... du chef d'escroquerie et a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile de Robert Y..., de la SARL Y... et de la société CESIM ;

"aux motifs, d'une part, qu'en novembre 1976, le cabinet d'expertise-comptable
Y...
avait passé commande à la SARL Ceris Informatique dont le directeur général était Michel Z... d'une unité centrale informatique apte à traiter la comptabilité assortie de terminaux vendus à ses clients ; que très rapidement tant l'unité centrale que les terminaux commandés par les usagers, la société CESIM notamment, se révélaient non conformes pour l'unité centrale, pour livrés en partie seulement pour les terminaux et pour une valeur inférieure aux acomptes versés ; que de plus fort ces matériels ayant été achetés en leasing devaient être réglés par les acheteurs malgré leurs inaptitudes ;

"aux motifs, d'autre part, qu'il devait s'avérer que l'unité centrale livrée au cabinet Y... n'avait pas été dédouanée et était revendiquée par la société ELBIS comme vendue par elle à M. A... représentant le centre informatique du Haut Comptat ; que si les formalités de dédouanement d'une marchandise étrangère ne sont pas d'exigence stricte pour ce qui concerne la consécration d'un droit de propriété, elles conditionnent nécessairement et en préalable toute transaction commerciale sur le territoire national en ce que le matériel non dédouané n'a, par essence, aucune vocation à être objet de commerce en France ; qu'il pourrait donc en être tiré la conséquence, le matériel d vendu n'étant pas au temps de la

transaction dans le commerce, comme simplement placé en dépôt chez Ceris par un importateur, qu'il y a eu escroquerie ; mais que le cabinet Y... a traité très rapidement l'affaire et n'a nullement ignoré que le matériel livré ne l'était qu'à titre provisoire ; qu'en effet, il a été constaté que le bordereau de commande et le contrat de financement avait été signé en blanc par Y... ; qu'en conséquence, Y... ne peut établir que le matériel livré ne correspondait pas à ses commandes ; qu'en outre, il résulte d'une correspondance de Y... qu'il n'ignorait pas que la marchandise livrée l'était à titre de dépôt provisoire en raison de l'urgence ;

"alors, de première part, qu'il résulte de la procédure que les premiers juges avaient annulé l'ordonnance du magistrat instructeur, en date du 9 juillet 1985, ordonnant une expertise, annulé la procédure subséquente et constaté la prescription de l'action publique ; que sur appel des parties civiles, la Cour de Nîmes, statuant dans une formation différente de celle qui a rendu la décision attaquée, a, par arrêt du 3 juin 1988, confirmé la décision déférée en ce qu'elle avait annulé l'ordonnance de commission d'experts du 9 juillet 1985, infirmant pour le surplus, a dit la prescription non acquise et la procédure régulière, avant dire droit au fond, a ordonné une expertise confiée à André X... et Renaud B... aux fins notamment de rechercher et déterminer les conditions dans lesquelles avait été passée la commande auprès de la Ceris, d'un matériel informatique destiné à traiter la comptabilité des membres du centre informatique rhodanien, et de donner toutes indications quant au matériel commandé et effectivement reçu, notamment comment celui-ci a été réglé -s'il était dédouané, était ou non en leasing etc..., que ces experts ont déposé leur volumineux rapport le 11 décembre 1989 ; que dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la Cour le 18 janvier 1991, les parties civiles se référaient expressément aux conclusions de ce rapport pour soutenir que Z... avait vendu et installé chez M. Y..., un système central qui n'était pas sa propriété ; que cependant la cour d'appel, non seulement n'a pas répondu expressément à ce chef péremptoire des conclusions des demandeurs, mais n'a à aucun moment fait mention de sa précédente décision du 3 juin 1988 ni de l'existence du rapport des experts du 11 décembre 1989 ; qu'il en résulte que la Cour a manifestement omis d'examiner une partie essentielle du dossier et par conséquent des éléments de preuve et que dès lors, la cassation est d encourue pour défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions et violation du principe du procès équitable au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"alors, de seconde part, que l'arrêt ne pouvait sans contradiction relever que le matériel vendu n'était pas dans le commerce et déclarer le délit d'escroquerie non établi à l'encontre du prévenu en se référant à la considération que l'acheteur ayant signé le bon de commande et le contrat de financement en blanc, il ne pouvait établir que le matériel livré ne correspondait pas à sa commande ; qu'en effet, l'imprudence de l'acheteur, à la supposer établie, n'est pas en elle-même de nature à écarter le délit d'escroquerie lorsque, comme en l'espèce, les faits relevés par l'arrêt démontrent plus qu'à suffire que le prévenu a abusé de sa qualité vraie de

commerçant en matériel informatique en livrant du matériel qui n'était pas dans le commerce à seule fin de se faire remettre des fonds dans le cadre d'un contrat de leasing ;

"alors, de troisième part, que, dans ces conclusions régulièrement déposées à l'audience le 18 janvier 1991, la société CESIM faisait valoir qu'au mois d'octobre 1977, malgré la non-conformité du matériel livré, Z... avait obtenu de la société Foncia Crédit, en qualité de vendeur dans le cadre du contrat de leasing dont il a été le seul intermédiaire, la remise d'une somme d'argent de 162 565,54 francs à son bénéfice et au préjudice des parties civiles et qu'en ne s'expliquant pas, fût-ce pour le rejeter, sur ce chef péremptoire des conclusions de la partie civile d'où il résultait que les manoeuvres frauduleuses avaient été déterminantes de la remise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"alors, de quatrième part, qu'il en est d'autant plus ainsi que la cour d'appel avait l'obligation, conformément aux dispositions de la loi du 2 juillet 1966, relatives au crédit-bail, de se placer pour apprécier si le délit d'escroquerie était ou non constitué, à la date où les fonds avaient été débloqués et ne pouvait faire état d'une prétendue impossibilité d'exécution définitive du contrat par le vendeur à une date hypothétique mais en tous cas postérieure à la remise des fonds, et en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

d "alors, de cinquième part, qu'il résulte des termes de l'article 171 du Code des douanes que la prorogation de séjour des marchandises placées sous le régime de l'admission temporaire au-delà de la durée de séjour primitivement impartie (celle-ci au maximum de 2 ans) n'est accordée qu'à titre exceptionnel et que dès lors le défaut de prorogation par l'administration des Douanes ne saurait constituer, au bénéfice du vendeur professionnel ayant livré des matériels non dédouanés, une circonstance de nature à écarter le délit d'escroquerie ;

"alors, de sixième part, que la cour d'appel qui constatait que le prévenu avait agi en qualité de directeur général de la société venderesse, société anonyme avec directoire, ne pouvait sans contradiction et sans insuffisance fonder sa décision de relaxe sur la circonstance -considérée par elle comme un cas de force majeure- que cette société avait déposé son bilan, cette circonstance dont la Cour constatait qu'elle était rendue impérative par l'état du passif de la société étant au contraire de nature à renforcer l'abus de qualité vraie de directeur général d'une société apte à fournir à ses clients du matériel informatique adéquat, prise par le prévenu ;

"alors enfin qu'il appartient aux juges correctionnels d'ordonner les mesures d'information qu'ils constatent avoir été omises et qu'ils considèrent implicitement comme utiles à la manifestation de la vérité et que la décision de relaxe intervenue qui est au moins pour partie fondée sur une série de motifs hypothétiques déduits d'une information lacunaire, a violé l'obligation susvisée" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que pour relaxer Michel Z..., la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre mieux qu'elle l'a fait aux conclusions dont elle était saisie, a, sans insuffisance ni contradiction, exposé les motifs, partiellement repris au moyen, dont elle a déduit que les faits reprochés au prévenu ne

caractérisaient pas l'escroquerie dénoncée par les parties civiles, seule infraction remise en cause par ces dernières ;

Que, dès lors, le moyen, qui remet en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de fait et de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;

d Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Condamne les demandeurs aux dépens ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Tacchella conseiller doyen faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Hecquard conseiller rapporteur, MM. Gondre, Hébrard, Culié, Pinsseau conseillers de la chambre, MM. Bayet, de Mordant de Massiac conseillers référendaires, M. Robert avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 91-81892
Date de la décision : 15/06/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, 01 mars 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 jui. 1992, pourvoi n°91-81892


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:91.81892
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