LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Société industrielle automobile de Provence (SIAP) Prado-Michelet, société anonyme dont le siège social est ..., boîte postale 14 à Marseille (8e) (Bouches-du-Rhône),
en cassation d'un arrêt rendu le 22 juin 1988 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (18e chambre sociale), au profit de M. Antoine Y...
C..., demeurant ... (10e) (Bouches-du-Rhône),
défendeur à la cassation ; LA COUR, en l'audience publique du 14 avril 1992, où étaient présents :
M. Cochard, président, M. Carmet, conseiller rapporteur, MM. A..., F..., G..., H..., Z..., E..., D... Ride, M. Merlin, conseillers, Mme X..., M. Choppin B... de Janvry, conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Carmet, les observations de la SCP Desaché et Gatineau, avocat de la Société industrielle automobile de Provence (SIAP) Prado-Michelet, de la SCP Tiffreau et Thouin-Palat, avocat de M. Di C..., les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué rendu après que le conseiller rapporteur ait tenu seul l'audience des plaidoiries d'avoir omis de préciser que ce magistrat en avait rendu compte à la cour d'appel lors de son délibéré, alors, selon le moyen, qu'aux termes des articles 786 et 945 du nouveau Code de procédure civile, le magistrat chargé du rapport peut tenir seul l'audience à condition d'en rendre compte à la Cour dans son délibéré ; que le respect de cette formalité substantielle ne résultant d'aucune des mentions de la décision, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 786 et 945 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que l'arrêt mentionne que le délibéré a eu lieu entre le président, un autre magistrat et le conseiller rapporteur ; qu'il en découle que celui-ci a rendu compte à la cour d'appel dans son délibéré ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le deuxième moyen :
Attendu, selon la procédure, que M. Di C..., au service depuis 1967 de la Société industrielle automobile de Provence Prado-Michelet (SIAP) en qualité de tôlier, de nombreuses fois absent
pour maladie, a été licencié le 27 août 1984 ; que,
contestant le bien-fondé de son licenciement au regard des dispositions de l'article 2-10-B de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle ainsi que des activités connexes, il a saisi la juridiction prud'homale ; Attendu que la société fait grief à l'arrêt confirmatif de l'avoir condamnée à payer à M. Di C... une somme pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que le licenciement de M. Di C... était fondé sur la perturbation causée au bon fonctionnement de l'entreprise par les absences fréquentes et répétées de ce salarié (73 jours en 1982, 84 jours en 1983 et 95 jours pour les huit premiers mois de l'année 1984) ; qu'ainsi les dispositions conventionnelles, exigeant la nécessité d'un remplacement en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié dont l'indisponibilité pour cause de maladie a persisté au-delà de 45 jours, n'étaient pas applicables au licenciement de M. Di C..., fondé sur une cause différente ; qu'en considérant néanmoins que la société SIAP ne pouvait licencier son salarié sans établir la nécessité de procéder à son remplacement, quand le licenciement était fondé sur la désorganisation de l'activité consécutive à la répétition des absences, et non sur l'absence prolongée du salarié pour cause de maladie, seule hypothèse envisagée par les dispositions conventionnelles, l'arrêt a violé l'article B 2-10 de l'avenant 5 et 6 de la convention collective du commerce et de la répération automobile et l'article L. 122-14-3 du Code du travail ; et alors que le jugement avait seulement constaté que M. Di C..., licencié pour raisons d'absences perturbant la bonne marche de l'entreprise, n'avait pas été remplacé ; que la cour d'appel a néanmoins relevé que le conseil de prud'hommes avait constaté "qu'il n'y avait pas eu de réelles perturbations du service", d'où elle a conclu au caractère abusif de la rupture ; qu'en statuant ainsi, l'arrêt a dénaturé le jugement et violé l'article 1134 du Code civil ; Mais attendu que la cour d'appel a exactement énoncé qu'en application de l'article 2-10 B de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle ainsi que des activités connexes, les absences
résultant de maladie ou d'accident ne constituent pas en soi une cause de rupture du contrat de travail, mais que si l'employeur est dans la nécessité de pourvoir au remplacement effectif du salarié dont l'indisponibilité persiste au-delà de 45 jours, il pourra envisager de rompre le contrat de travail ; qu'ayant constaté que la société n'avait ni allégué, ni établi qu'elle s'était trouvée dans la nécessité de remplacer le salarié absent, la cour d'appel a, à bon droit, décidé, abstraction faite du motif surabondant critiqué par le moyen, que le contrat de travail avait été rompu en violation de l'article précité ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le troisième moyen :
Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt d'avoir confirmé la décision de première instance ayant assorti la condamnation prononcée du paiement des intérêts au taux légal du jour de la demande, alors, selon le moyen, que les dommages-intérêts accordés par le juge ne peuvent en principe produire d'intérêts qu'à compter du jour de la décision de condamnation ; qu'ainsi, l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ne pouvait produire d'intérêts légaux qu'à compter de la date à laquelle son montant était constaté et fixé par le juge ; qu'en assortissant la condamnation prononcée du paiement des intérêts légaux à compter de la demande en justice, sans préciser qu'il s'agissait de dommages-intérêts accordés à titre compensatoire, et non d'intérêts moratoires, l'arrêt a violé l'article 1153 du Code civil ; Mais attendu que la cour d'appel, qui a fixé le point de départ des intérêts à une date antérieure au prononcé du jugement, n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article 1153-1 du Code civil ; Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ; Attendu que, pour condamner la société SIAP à payer à M. Di C... un reliquat de prime de fin d'année au titre de trois années antérieures, la cour
d'appel, en relevant par motifs adoptés, que lesdites primes n'étaient pas égales à un mois de salaire, a retenu que l'employeur ne pouvait revenir sur son engagement pris par note de service d'accorder un treizième mois de salaire susceptible d'abattement en cas d'absences répétées et non justifiées ; Qu'en statuant ainsi, sans vérifier, comme l'y invitait l'employeur, si les abattements n'obéissaient pas à d'autres critères, tels que la qualité du travail et la productivité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du quatrième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions ayant statué sur les primes de fin d'année, l'arrêt rendu le 22 juin 1988, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-sept mai mil neuf cent quatre vingt douze.