AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Société albigeoise du magasin Printania-Prisunic, société anonyme dont le siège est 7, place du Vigan à Albi (Tarn),
en cassation de deux arrêts rendus les 10 janvier 1986 et 17 Juin 1988 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre sociale), au profit de :
1°/ Mme Monique X..., demeurant à Buffaute, Castelnau-de-Lévis, Marssac-sur-Tarn (Tarn),
2°/ Mme Danièle Y..., demeurant ... à Saint-Juéry (Tarn),
3°/ Mme Nicole Z..., demeurant ... (Tarn) ci-devant, et actuellement ... à Marssac-sur-Tarn (Tarn),
4°/ M. Jean-Louis B..., demeurant ... (Tarn),
5°/ Mme Suzanne Bros, demeurant ..., demeurant à Albi (Tarn),
6°/ M. Robert A..., demeurant ... (Tarn) ci-devant, et actuellement ... (Tarn),
7°/ Mme Fabienne D..., demeurant à Saucenac à Valderies (Tarn),
8°/ Mme Josiane E..., demeurant à La Campalauzie Terssac, Marssac-sur-Tarn (Tarn),
9°/ Mme Irène G..., demeurant ..., appartement 45 à Albi (Tarn),
10°/ M. Christian I..., demeurant à La Vigne Bas-Puygouzon, Albi (Tarn),
11°/ M. Michel J..., demeurant ... à Saint-Juéry (Tarn),
12°/ Mme Martine M..., demeurant ... (Tarn),
13°/ M. Jacques N..., demeurant ... (Tarn),
14°/ M. Yves H..., demeurant ... à Saint-Juéry (Tarn),
15°/ Mme Nadine L..., demeurant ..., appartement 3656 à Cantepau, Albi (Tarn) ci-devant, et actuellement ... (Tarn),
16°/ Mme Christiane K..., demeurant ... (Tarn) ci-devant, et actuellement avenue du Maréchal Juin, bâtiment G2, appartement 2586 à Albi (Tarn),
17°/ Mme Liliane F..., demeurant 14, cité du Port à Castelnau-de-Lévis, Marssac-sur-Tarn (Tarn),
18°/ M. Richard O..., demeurant à Taix, Cagnac-les-Mines (Tarn),
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 avril 1992, où étaient présents : M. Cochard, président, M. Monboisse, conseiller rapporteur, MM. Guermann, Saintoyant, Vigroux, Zakine, Ferrieu, Mme Ride, MM. Carmet, Merlin, conseillers, M. Aragon-Brunet, Mme Blohorn-Brenneur, Mlle Sant, MM. Fontanaud, Choppin Haudry de Janvry, conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Monboisse, les observations de
la SCP Célice et Blancpain, avocat de la Société albigeoise du magasin Printania-Prisunic, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de Mmes X..., Y..., Z..., de M. B..., de Mme C..., de M. A..., de Mmes D..., E..., G..., de MM. I..., J..., de Mme M..., de MM. N..., H..., de Mmes L..., K..., F... et de M. O..., les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
! Sur le pourvoi en tant qu'il est formé à l'encontre de l'arrêt du 10 janvier 1986 :
Vu les articles 604 et 589 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que le mémoire ne comporte aucune critique à l'encontre de l'arrêt du 10 janvier 1986 ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 10 janvier 1986 ;
Sur le pourvoi en tant qu'il est formé à l'encontre de l'arrêt du 17 juin 1988 :
Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 17 juin 1988) et la procédure, certains salariés de la Société albigeoise du magasin Printania-Prisunic bénéficiaient d'une prime ; qu'à partir du mois de novembre 1982, au moment où a été appliquée à cette société la convention collective des magasins populaires, cette prime a été intégrée dans le salaire ; que les salariés ont saisi la juridiction prud'homale aux fins de condamnation de la société au rétablissement de cette prime ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les dix-huit salariés du magasin Prisunic d'Albi sont en droit de recevoir le SMIG (SMIC), plus la prime dont ils bénéficiaient en 1982, et que, dans la mesure où la rémunération reçue, déduction faite de la prime, est inférieure au SMIG (SMIC), la Société albigeoise du magasin Printania doit leur verser la différence, pour la période au cours de laquelle cette situation a existé, et d'avoir condamné la société à verser à chacun des salariés, outre cette différence, une indemnité de 200 francs sur la base de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, alors, selon le pourvoi, d'une part, que manque de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 121-1 et suivants du Code du travail, l'arrêt attaqué qui fonde sa solution sur le postulat "qu'avant novembre 1982, les salariés du magasin Prisunic d'Albi percevaient en plus du SMIG (erreur matérielle pour SMIC) une prime qui a été intégrée à ce moment dans le salaire", en l'état des constatations de fait de l'expert ignorées par la cour d'appel, faisant ressortir que, avant novembre 1982, la prime litigieuse s'ajoutait -non au SMIC- mais à "un salaire de base" supérieur au SMIC et donc différent de celui-ci, et du moyen des conclusions d'appel de la société invoquant l'existence d'augmentations conventionnelles du salaire et de la prime litigieuse, lesquelles n'auraient eu aucune raison d'être si la rémunération des intéressés avait été composée du SMIC accompagné de ladite prime ; alors que, d'autre part, procède par simple affirmation, en violation des dispositions de
l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui, sans faire référence à la moindre pièce du dossier, fonde sa
solution sur la déclaration "qu'il est constant qu'avant novembre 1982, les salariés du magasin Prisunic d'Albi percevaient en plus du SMIG (SMIC) une prime qui a été intégrée à ce moment-là dans le salaire" ; alors qu'en outre, si la société faisait valoir que l'intégration de la prime litigieuse dans le salaire était intervenue au moment de l'application de la convention collective des magasins populaires à l'entreprise, parce que les classifications professionnelles détaillées de cette convention collective réglent un problème de classification que l'instauration de la prime avait eu pour objet de réaliser, la Société albigeoise du magasin Printania-Prisunic n'affirmait nullement que ladite convention collective aurait prévu cette intégration de la prime au salaire car la convention collective était absolument muette sur ce point, comme l'avait d'ailleurs relevé l'expert dans son rapport, de sorte que viole cette convention collective l'arrêt attaqué qui, pour faire application à l'espèce de l'article 3 de ladite convention concernant le respect des avantages acquis, affirme la prévision par la convention collective de "l'intégration de la prime au salaire" ; alors qu'encore, subsidiairement, à supposer qu'avant novembre 1982, les salariés du magasin Prisunic d'Albi aient perçu une prime s'ajoutant au SMIC, laquelle avait alors été intégrée dans le salaire au moment de l'application à l'entreprise de la convention collective des magasins populaires et qu'ait été applicable à l'espèce l'article 3 de cette convention collective énonçant : "la présente convention collective ne peut être l'occasion d'une réduction des avantages acquis", une telle règle signifiait le respect à la date de l'application de ladite convention collective des avantages acquis par les salariés ; qu'en conséquence, manque de base légale au regard de cette règle de la convention collective l'arrêt attaqué qui considère que les avantages acquis par les salariés de la société n'auraient pas été respectés du fait de l'intégration de la prime litigieuse dans le salaire, sans tenir compte du fait que, dans son rapport, l'expert avait constaté qu'au moment de l'intégration de la prime dans le salaire, en novembre 1982, même si l'on retranchait la prime litigieuse (de 146 francs), le salaire résiduel (d'un montant de 3 652 francs) s'avérait toujours supérieur
au SMIC qui s'élevait à l'époque à la somme de 3 319,16 francs ; et alors, enfin, que l'intégration de la prime litigieuse au salaire étant survenue en novembre 1982 et les salariés ayant perçu leur rémunération selon cette nouvelle modalité, sans protestation, jusqu'au 29 juillet 1983, date de la saisine du conseil de prud'hommes d'Albi, manque de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil l'arrêt attaqué qui omet de rechercher si le défaut de protestation immédiate des intéressés n'impliquait pas de leur part une acceptation de la modification ;
Mais attendu que, d'une part, l'acceptation par les salariés de la modification de leur rémunération ne pouvait résulter de la seule poursuite du travail, sans protestation ; que, d'autre part, la cour d'appel, appréciant les éléments de preuve et de fait qui lui étaient soumis, a constaté qu'avant novembre 1982, les salariés percevaient une prime en plus du salaire minimum et que l'intégration de la prime dans le salaire intervenue au moment de l'entrée en vigueur de la convention collective avait eu pour effet
d'entraîner une réduction du montant de la prime ; qu'en l'état de ces constatations, elle a justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi en tant qu'il est formé à l'encontre de l'arrêt du 10 janvier 1986 ;
REJETTE le pourvoi en tant qu'il est formé à l'encontre de l'arrêt du 17 juin 1988 ;
Condamne la Société albigeoise du magasin Printania-Prisunic, envers le trésorier payeur général, aux dépens concernant Mmes K..., M... et E..., et envers les autres défendeurs aux dépens les concernant, ainsi qu'aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-sept mai mil neuf cent quatre vingt douze.