AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société anonyme Max Perles et cie, dont le siège est ... (Oise),
en cassation d'un arrêt rendu le 23 novembre 1989 par la cour d'appel d'Amiens (3e chambre civile), au profit :
1°/ de la société anonyme des Etablissements Fauvet Girel, dont le siège social est à Paris (8e), ...,
2°/ de la compagnie d'assurances l'Union des assurances de Paris (UAP), dont le siège social est ... (1er), ci-devant et actuellement ... (9e),
défenderesses à la cassation ;
La compagnie d'assurances UAP, défenderesse au pourvoi principal, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 31 mars 1992, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Apollis, conseiller rapporteur, M. Hatoux, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Apollis, les observations de Me Pradon, avocat de la société Max Perles et cie, de la SCP Boré et Xavier, avocat de la société des Etablissements Fauvet Girel, de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la compagnie d'assurances UAP, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 23 novembre 1989), que la société des Etablissements Fauvet Girel (le fabricant) a fabriqué pour le compte de la société Franco-Belge (le vendeur) 300 wagons citernes destinés aux chemins de fer allemands (l'acheteur) ; que pour le revêtement interne de ces wagons la société Max Perles et compagnie (la société Max Perles) a fourni le produit nécessaire, contrôlé la bonne exécution des travaux et garanti la bonne tenue du revêtement ; que des défauts de conformité du matériel livré et des incidents liés au décollement du revêtement étant apparus, l'acheteur a obtenu, dans le cadre d'une convention du vendeur et du fabricant, une indemnisation globale et forfaitaire ; que le fabricant invoquant la garantie qui lui serait due au titre des travaux de revêtement, a assigné en paiement la société Max Perles et l'assureur de celle-ci, la compagnie d'assurances l'Union des Assurances de Paris (l'UAP) ;
Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches tant du pourvoi incident de l'UAP que du pourvoi principal :
Attendu que la société Max Perles et l'UAP font grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande du fabricant, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résultait des constatations et conclusions de l'expert
sur lesquelles la cour d'appel fondait sa décision que si le
coefficient de dilatation linéaire de l'Epoxy était de cinq à dix fois supérieur à celui de l'acier, cette circonstance n'était évidemment pas de nature à entrainer les décollements de revêtement incriminés et n'était pas la cause du sinistre et que, dès l'instant où il n'existait aucun lien de cause à effet entre la différence des coefficients de dilatation et le sinistre, la cour d'appel ne pouvait retenir la responsabilité de la société Max Perles en raison d'un défaut de conformité du produit par rapport à la commande, circonstance étrangère à la cause du sinistre, qu'elle a donc violé les articles 1134, 1265 et 1630 du Code civil ; alors que, d'autre part, la cour d'appel constatant que le décollement du revêtement intérieur reproché à la société Max Perles avait une cause indéterminée comme pouvant provenir soit d'un défaut du produit et de son application, soit des fissurations constatées sur les longerons et les chassis ou des méplats des roues des wagons causes du sinistre imputables aux seules défaillances de la société Fauvet Girel, elle ne pouvait accorder réparation à cette dernière pour un préjudice dont la cause était indéterminée, sans violer les articles 1382 et 1630 du Code civil ; alors, qu'enfin, dès l'instant où elle constatait qu'il était impossible de déterminer la cause réelle du sinistre dont il était demandé réparation et la part qui était imputable à la société Max Perles et Cie, du fait de la carence exclusive de la société Fauvet Girel qui s'était abstenue de faire procéder aux vérifications par une expertise que le destinataire des wagons ne pouvait lui refuser, la cour d'appel ne pouvait allouer à la société Fauvet Girel une quelconque réparation au titre d'un préjudice dont la part de responsabilité incombant à la société Max Perles était reconnue indéterminée par la faute de la société Fauvet Girel à laquelle incombait la charge de la preuve, sans violer les règles de la preuve de l'article 1315 du Code civil ;
Mais attendu que, contrairement aux allégations de la société Max Perles et de l'UAP, l'arrêt retient souverainement des éléments de preuve qui lui ont été soumis que les désordres affectant les wagons citernes sont imputables à la société Max Perles en raison de la fourniture d'un produit non conforme à l'usage auquel il était destiné ainsi que de l'application défectueuse de ce produit que cette société avait contrôlée et garantie ; qu'il a ainsi, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ; que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche et sur le troisième moyen pris en ses deux branches tant du pourvoi incident de l'UAP que du pourvoi principal, réunis :
Attendu que la société Max Perles et l'UAP font encore grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi qu'il a fait, alors, d'une part, que la cour d'appel constatant que la société Max Perles et l'UAP avaient été tenues complètement à l'écart des vérifications et pourparlers qui avaient abouti à l'accord transactionnel du 14 avril 1977 entre la société Fauvet Girel et sa cliente de RDA, que ces sociétés n'avaient donc pu en aucune façon faire valoir leurs droits contradictoirement ni discuter de la cause du dommage réparé dans les termes de la transaction, ne pouvait, sans violer la règle du contradictoire de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile mettre à la charge de la société Max Perles et de l'UAP une partie
de la somme fixée au protocole transactionnel et à partir de l'évaluation d'indemnité résultant de ce protocole ; alors que, d'autre part, la cour d'appel, constatant que la société Fauvet Girel n'établissait pas quelle était la part du préjudice imputable à la société Max Perles, ne pouvait, sans violer les règles de la preuve prévues par l'article 1315 du Code civil, allouer à la demanderesse une quelconque indemnité ; et alors, qu'enfin, le montant de la réparation alloué au créancier devant être fixé en fonction du préjudice subi par celui-ci, dès l'instant où elle constatait que la société Fauvet Girel n'avait pas justifié de la répartition exacte de la somme versée à la RDA, faute d'avoir établi le départ entre les différentes causes du sinistre, la cour d'appel ne pouvait sans violer les articles 1382 et 1630 du Code civil fixer le montant de la réparation en se fondant sur des éléments indépendants du sinistre, à savoir le coût réel du marché, ou sur des éléments indéterminés ;
Mais attendu qu'ayant relevé, qu'en raison des défauts affectant le revêtement interne des wagons citernes le fabricant était tenu d'indemniser l'acheteur du montant des travaux de réfection, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que l'arrêt
se référant à la méthode et au mode de calcul qui lui ont paru le mieux appropriés, a fixé l'indemnité devant réparer le préjudice invoqué par ce fabricant au titre de ces défauts imputables à la société Max Perles et garantis par elle ; que c'est sans violer le principe de la contradiction que l'arrêt a ainsi légalement justifié sa décision ; que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;
! Condamne la société Max Perles et l'UAP, envers la société des Etablissements Fauvet Girel, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;