AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
I Sur le pourvoi n° M 90-13.112 formé par :
1°/ Mme Liliane Z..., épouse Niez,
2°/ M. X... Niez,
demeurant ensemble à Villeneuve de Berg (Ardèche), chemin de Saint-Jean,
en cassation d'un arrêt rendu le 4 octobre 1989 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre), au profit de :
1°/ le Groupe d'assurances GAN-Vie, dont le siège social est à Paris (9e), ...,
2°/ la société VAG financement, dont le siège social est à Paris (8e), ...,
3°/ l'Union de crédit pour le bâtiment (UCB) (CFEC Rhône-Auvergne), dont le siège social est ...,
défendeurs à la cassation ;
II Sur le pourvoi n° S 90-16.843 formé par :
1°/ Mme Z..., épouse Niez,
2°/ M. X... Niez,
en cassation d'un arrêt rendu le 4 avril 1990 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre), au profit de la société VAG financement ;
défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi n° M 90-13.112, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt et à l'appui de leur pourvoi n° S 90-16.843, le moyen unique de cassation, également annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 25 mars 1992, où étaient présents : M. Viennois, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Pinochet, conseiller rapporteur, MM. Lesec, Kuhnmunch, Fouret, Mmes Lescure, Delaroche, conseillers, Mme Crédeville, conseiller référendaire, M. Gaunet, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Pinochet, les observations de Me Henry, avocat des époux Y..., de Me Baraduc-Benabent, avocat du GAN-Vie, de Me Guinard, avocat de la société VAG financement, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de l'Union de crédit pour le bâtiment, les conclusions de M. Gaunet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Joint, en raison de leur connexité, les pourvois n°s M 90-13.112 et S 90-16.843 ;
Mets hors de cause, sur sa demande, la société VAG financement dans le pourvoi n° M 90-13.112 ;
Attendu que Mme Y... a, le 2 octobre 1984, souscrit auprès de la société Volkswagen France, aux droits de laquelle vient la société Volkswagen financement (VAG) un contrat de location avec promesse de vente d'un véhicule automobile, en adhérant à deux contrats d'assurance de groupe, conclus entre la société et le Groupe des assurances nationales-vie (GAN), garantissant le règlement des loyers, l'un en cas d'incapacité temporaire totale de travail, l'autre en cas de chômage du preneur ; que, dans le même acte, M. Y... s'est porté caution solidaire de son épouse à concurrence de 84 950 francs ; que, à la date précitée, Mme Y... a obtenu un financement de l'Union de crédit pour le bâtiment (UCB), en adhérant
au contrat d'assurance de groupe souscrit par cet organisme auprès du GAN pour garantir le paiement des échéances en cas d'incapacité temporaire totale de travail de l'emprunteur ; qu'ayant dû cesser son travail par suite de maladie, Mme Y... a demandé la garantie du GAN pour le paiement des loyers et des échéances ; qu'après avoir un certain temps assumé cette charge, le GAN a prétendu que Mme Y... ne pouvait bénéficier de sa garantie parce qu'elle ne justifiait pas d'une impossibilité absolue d'exercer une activité professionnelle quelconque ; que Mme Y... a alors assigné cet assureur, ainsi que VAG et UCB, pour être garantie du paiement des loyers et des échéances pendant son arrêt de travail ; qu'elle a en outre fait valoir qu'elle avait été licenciée le 27 décembre 1985 et inscrite aux ASSEDIC le 16 mars 1988, demandant à bénéficier, à compter de cette date, de la garantie prévue en cas de chômage par le second des contrats d'assurance de groupe souscrits par VAG ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° M 90-13.112 formé par les époux Y... contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes le 4 octobre 1989 :
Attendu qu'il est fait grief à cet arrêt d'avoir décidé que Mme Y... ne pouvait bénéficier de la garantie incapacité de travail prévue par le contrat souscrit auprès du GAN par VAG, alors que, en considérant que la notion d'incapacité de travail, qui n'était pas définie expressément, était éclairée par la rubrique "déclarations à faire par l'assuré", d'où il résultait que la garantie ne devait jouer que dans la mesure où l'assuré était dans l'entière incapacité d'exercer non seulement son travail antérieur, mais tout travail, la cour d'appel aurait dénaturé l'article 5 de la convention ;
Mais attendu que le contrat d'assurance de groupe souscrit par VAG stipule, dans son article 5, que, si l'assuré se trouve en arrêt de travail par suite de maladie ou d'accident, le GAN verse à la société, à partir du 61e jour suivant la cessation du travail et tant que l'activité n'est pas reprise, les loyers venant à échoir pendant l'interruption du travail ; que si l'assuré n'a pas repris son travail au terme d'un délai de 90 jours suivant la date d'arrêt de travail, il est tenu de fournir un certificat médical attestant qu'il est toujours dans l'incapacité d'exercer toute activité professionnelle, l'envoi de cette pièce devant être renouvelé tous les trente jours jusqu'à la reprise du travail ;
Attendu, ensuite, que l'arrêt attaqué a relevé que, selon l'avis du médecin expert désigné par les parties, Mme Y... n'était pas dans l'impossibilité physique d'exercer une quelconque profession et qu'il n'existait aucune justification d'une incapacité totale de travail depuis le 22 mai 1985, l'intéressée ayant pu reprendre une activité professionnelle au moins partielle depuis une précédente expertise ;
Attendu, ainsi, que la cour d'appel a pu en déduire, sans dénaturer le contrat d'assurance, que Mme Y... ne remplissait pas la condition d'incapacité de travail exigée par cette convention pour bénéficier de la garantie du GAN ;
D'où il suit que le premier moyen ne peut être accueilli ;
Le rejette ;
Mais sur le second moyen du même pourvoi :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour débouter Mme Y... de sa demande tendant à la prise
en charge par le GAN des échéances de remboursement de l'emprunt contracté auprès de l'UCB, pour la période comprise entre le 22 mai 1985 et le 16 mars 1988, l'arrêt attaqué a retenu que, selon la rédaction du contrat d'assurance de groupe souscrit par cet organisme de crédit, il était mécessaire que l'assuré soit dans l'impossibilité complète d'exercer une quelconque activité professionnelle, ce qui était exclu par le rapport du médecin expert désigné par les parties ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'article 20 du contrat d'assurance de groupe souscrit par l'UCB auprès du GAN, ainsi que la notice d'information remise à Mme Y... lors de son adhésion, stipulent que l'assuré est réputé en incapacité temporaire de travail s'il se trouve, par suite de maladie et d'accident, dans l'incapacité physique complète, constatée médicalement, de continuer son travail ou d'exercer une activité professionnelle ; que les indemnités sont versées par la compagnie à compter du soixante et unième jour suivant la date de cessation du travail et tant que l'activité n'est pas reprise, la cour d'appel a dénaturé les clauses claires et précises dudit contrat d'assurance ;
Et sur le moyen unique du pourvoi n° S 90-16.843, formé par les époux Y... contre l'arrêt rendu par la même cour d'appel le 4 avril 1990 :
Vu l'article L. 114-1 du Code des assurances ;
Attendu que pour déclarer prescrite la demande de Mme Y... tendant à être garantie du paiement des loyers depuis le 16 mars 1988, date à laquelle elle avait été inscrite aux ASSEDIC, l'arrêt attaqué a retenu que la situation de l'intéressée vis-à-vis de la sécurité sociale était distincte de ses liens contractuels avec l'organisme de financement et qu'ainsi, l'évènement ayant fait courir le délai de la prescription biennale avait consisté, non dans la suppression des indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie, mais dans la mesure de licenciement prononcée en 1985 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans préciser quelle stipulation de la notice d'information remise à Mme Y... lors de son adhésion au contrat d'assurance de groupe souscrit par la société VAG auprès du GAN, pour garantir le paiement des loyers en cas de chômage de l'adhérent, imposait que le sinistre fût déclaré à la date de la mesure de licenciement, alors que les garanties dont peut se prévaloir l'adhérent à un contrat d'assurance de groupe sont celles que définissent les documents qui lui ont été remis lors de son adhésion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions concernant les rapports entre Mme Y..., l'UCB et le GAN, l'arrêt rendu le 4 octobre 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Et CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 1990, entre les parties, par la même cour d'appel ;
Remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne le GAN et l'UCB aux dépens du pourvoi n° M 9013.112, liquidés à la somme de cent onze francs vingt deux centimes et aux
frais d'exécution du présent arrêt ;
Condamne la société VAG financement aux dépens du pourvoi n° S 9016.843 et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Nîmes, en marge ou à la suite des arrêts annulés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix neuf mai mil neuf cent quatre vingt douze.