AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société anonyme Crédit du Nord sise ... (9ème),
en cassation d'un arrêt rendu le 27 avril 1990 par la cour d'appel de Rouen (2ème chambre), au profit :
1°) de la société anonyme Brasserie d'Evin X... sise ..., à Evin X... (Pas-de-Calais),
2°) de la société anonyme Entrepôts Hebert, sise ... (Seine-Maritime),
3°) de M. Y... Barrat, demeurant ... (Pas-de-Calais), pris en sa qualité de syndic du règlement judiciaire de la société anonyme d'Evin X...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 mars 1992, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Dumas, conseiller rapporteur, M. Hatoux, Mme Loreau, MM. Vigneron, Leclercq, Gomez, Léonnet, conseillers, M. Lacan, Mme Geerssen, conseillers référendaires, Mme Le Foyer de Costil, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Dumas, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Crédit du Nord, de Me Choucroy, avocat de la société Entrepôts Hebert, de Me Vincent, avocat de M. Y... Barrat ès qualités, les conclusions de Mme Le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt déféré que le Crédit du Nord (la banque) a pris à l'escompte, d'une part trois lettres de change, dont les montants respectifs étaient de 135 145, 188 019 et 47 363,60 francs, tirées par la société Entrepôts Hébert (société Hébert) sur la société Brasserie Evin X... (société BEM), à échéances du 5 novembre 1978 pour les deux premières et du 5 décembre 1978 pour la troisième, d'autre part deux lettres de change, dont les montants respectifs étaient de 91 187 et 240 921,59 francs, tirées par la société BEM sur la société Hébert, à échéances du 5 décembre 1978 ; que, le 13 juillet 1983, la banque a assigné cette dernière société en paiement des cinq effets ; que, le 9 octobre 1984, le syndic de la société BEM, déclarée en règlement judiciaire le 13 décembre 1978, a réglé à la banque le montant des effets, à l'exception de celui de 47 363,60 francs ; que le tribunal de commerce a condamné la société Hébert à payer à la banque des sommes correspondant à la valeur de trois des effets, soit 135 145 francs, 188 019 francs et 240 921,59 francs, déduction devant être faite, par ce dernier, d'un acompte de 5 000 francs, ainsi que les intérêts au taux
légal sur ces sommes depuis les échéances des effets concernés jusqu'au paiement ; que la cour d'appel a débouté la banque de ses
demandes, condamné, en conséquence, celle-ci à restituer les sommmes qui lui auraient été réglées par l'effet de l'exécution provisoire du jugement et dit "que les intérêts de ces sommes ne sont dus qu'entre le 13 juillet 1983 date de l'assignation en paiement et le 9 octobre 1984 date du réglement" ;
Attendu qu'après avoir retenu qu'il résulte des documents versés aux débats, des écritures des entrepôts Hebert, de la BEM et de son syndic, et de celles mêmes du Crédit du Nord qui ne méconnaît pas avoir reçu de ce syndic un chèque en règlement le 9 octobre 1984 que les effets rappelés ci-dessus, objet de la demande du Crédit du Nord, qui les avait escomptés, ont été réglés à l'exception de celui de 47 363 francs tiré par les entrepôts Hebert mais non accepté par BEM, l'arrêt décide "en conséquence que le Crédit du Nord doit être débouté de ses prétentions tendant au paiement de ces sommes et condamné à restituer celles qui lui auraient été réglées par l'effet de l'exécution provisoire ; que les intérêts de ces sommes ne sont dûs qu'entre le 13 juillet 1983 date de l'assignation en paiement et le 9 octobre 1984 date du règlement ; que les sommes à restituer doivent être calculées en fonction de ces données et sous déduction de la somme de 47 363 francs, montant d'une traite des entrepôts Hebert qui ne rapporte pas la preuve de son règlement" et que la société Entrepôts Hebert sera tenue de restituer à la société BEM et au syndic ès qualités la valeur de l'effet de 240 921 francs lorsqu'elle aura elle-même été remboursée par le Crédit du Nord ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, qui ne mettent pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 avril 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne les défendeurs, envers la société Crédit du Nord, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Rouen, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt et un avril mil neuf cent quatre vingt douze.