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21/04/1992 | FRANCE | N°90-15389

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 avril 1992, 90-15389


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Laurent Y..., exerçant le commerce du magasin "Mannequins", demeurant ... (Charente-Maritime),

en cassation d'un arrêt rendu le 8 mars 1990 par la cour d'appel de Paris (4e chambre, section B), au profit de :

1°) la société anonyme Chanel, dont le siège social est ... à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine),

2°) la société Rosatex Select Diffusion, dont le siège social est ... (3e),

3°) la sociÃ

©té Sunset, dont le siège est ... à La Baule (Loire-Atlantique),

4°) M. Brunel X..., pris en sa q...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Laurent Y..., exerçant le commerce du magasin "Mannequins", demeurant ... (Charente-Maritime),

en cassation d'un arrêt rendu le 8 mars 1990 par la cour d'appel de Paris (4e chambre, section B), au profit de :

1°) la société anonyme Chanel, dont le siège social est ... à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine),

2°) la société Rosatex Select Diffusion, dont le siège social est ... (3e),

3°) la société Sunset, dont le siège est ... à La Baule (Loire-Atlantique),

4°) M. Brunel X..., pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Sunset, demeurant ... à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique),

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 11 mars 1992, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Gomez, conseiller rapporteur, M. Hatoux, Mme Loreau, MM. Vigneron, Leclercq, Dumas, Léonnet, conseillers, M. Lacan, Mme Geerssen, conseillers référendaires, Mme le Foyer de Costil, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Gomez, les observations de Me Ryziger, avocat de M. Y..., de Me Thomas-Raquin, avocat de la société Chanel, les conclusions de Mme le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à M. Y... de ce qu'il s'est désisté de son pourvoi en tant que dirigé contre la société Sunset et M. Brunel X... ès qualités de mandataire liquidateur de celle-ci ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 8 mars 1990) que la société Chanel, titulaire de la marque dénominative déposée sous le numéro 1223099 et de la marque figurative, constituée de deux "C" majuscules entrecroisées et en sens contraire, déposée sous le numéro 1330490, toutes deux désignant, dans la classe 25, des vêtements et tous articles d'habillement, après avoir fait procéder à une saisie-contrefaçon dans deux magasins appartenant à M. Y..., a, les 3 et 13 août 1987, assigné en contrefaçon la société Rosatex Select Diffusion (société Rosatex) et la société Sunset et en concurrence déloyale la société Sunset ; que M. Y... est volontairement intervenu à l'instance ; que la cour d'appel a annulés les demandes de la société Chanel ;

Sur le premier moyen pris en ses trois branches :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la contrefaçon des marques, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'action civile résultant d'un délit peut être exercée

soit devant la juridiction répressive en même temps que l'action publique, soit séparément de l'action publique devant la juridiction civile ; que lorsque l'action civile est exercée devant la

juridiction civile séparément de l'action répressive, le juge civil ne peut entrer en condamnation que dans la mesure où les éléments du délit sont constitués ; qu'en faisant une distinction, entre l'action civile exercée devant une juridiction répressive et l'action civile en contrefaçon exercée devant la juridiction civile, et en déclarant que devant la juridiction civile la bonne foi est inopérante en matière d'atteinte à la marque, la décision méconnait le fait que l'action en contrefaçon devant la juridiction civile n'est que l'action civile exercée séparément de l'action publique pour obtenir réparation du préjudice causé par un délit, et que lorsque le prévenu poursuivi pour contrefaçon devant la juridiction répressive démontre sa bonne foi, il doit être relaxé par la juridiction répressive, le délit n'étant pas constitué ; que, dès lors, la cour d'appel a violé les articles 3 et 4 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 422 1° du Code pénal ; alors, d'autre part, que le fait d'offrir à la vente et de vendre des "tee-shirts" portant une marque contrefaite n'est pas constitutif du délit de contrefaçon, mais du délit de vente ou mise en vente de produits ou services sous une marque contrefaite ; que ce délit est un délit intentionnel prévu et réprimé par l'article 422 3° du Code pénal ; de telle sorte qu'en condamnant M. Y... pour contrefaçon et en affirmant que devant les juridictions civiles la bonne foi est inopérante en matière d'atteinte à la marque, la cour d'appel a violé l'article 422 3° du Code pénal, ensemble les articles 4 du Code de procédure pénale et 1382 du Code civil ; alors, enfin, que le délit de vente ou mise en vente d'un produit revêtu d'une marque contrefaite n'étant constitué que pour autant que l'auteur de la vente a agi sciemment, c'est au demandeur à rapporter la preuve de ce que le défendeur a agi sciemment ; qu'en rejetant en l'espèce les conclusions de M. Y... invoquant sa bonne foi par le motif non seulement que devant la juridiction civile la bonne foi est inopérante en matière d'atteinte à la marque mais qu'au demeurant force est d'observer qu'aucune pièce n'a été mise aux débats pour donner quelque crédibilité à ses protestations de bonne foi,

la décision attaquée a interverti la charge de la preuve et par là-même violé les articles 422 3° du Code pénal, 1315 et 1382 du Code civil, l'article 4 du Code de procédure pénale ;

Mais attendu que par motifs propres et adoptés, après avoir constaté que M. Y... avait commercialisé des produits portant la marque litigieuse reproduite, et avoir relevé qu'il ne produisait pas d'éléments faisant apparaître que sa bonne foi aurait pu être surprise, la cour d'appel a qualifié, pour le condamner au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé, de contrefaçon ces faits, distincts de la mise en vente de produits contrefaits ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas inversé la charge de la preuve et a fait l'exacte application des textes invoqués ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur les deuxième et troisième moyens, réunis :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale et par ceux de contrefaçon, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cassation invoquée sur la prétendue contrefaçon reprochée à M. Y... entraîne la

cassation par voie de conséquence du fait des actes de concurrence déloyale consistant à avoir utilisé la publicité de la société Chanel ; que, la faute civile suppose que celui qui est en l'auteur s'est comporté différemment de la façon dont se serait comporté un homme normalement diligent ; qu'en l'espèce actuelle ce n'est pas la preuve de la mauvaise foi de M. Y... , qui pourrait aboutir à faire considérer son comportement comme anormal et donc fautif ; que la décision attaquée est donc entachée de violation de l'article 1382 du Code civil ; alors, d'autre part, que le même préjudice ne peut être réparé qu'une seule fois ; que la décision attaquée ne pouvait, sous des qualifications différentes condamner à la fois M. Y... pour le préjudice qu'il aurait causé à la société Chanel en affaiblissant la marque Chanel en vendant des "tee-shirts" de mauvaise qualité portant sa marque contrefaite et avoir ainsi détourné la clientèle

de l'achat des produits Chanel ; pour avoir compromis la vente des produits Chanel en vendant une marchandise qui n'a rien à voir avec les produits Chanel, que ces deux préjudices sont identiques ; que la décision attaquée a ainsi violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a retenu que M. Y... avait apposé dans la vitrine de ses magasins une publicité que la société Chanel avait fait paraître dans divers journaux en la modifiant pour y faire figurer le prix des produits qu'il vendait, ajoutant d'autres affiches portant la mention "Chanel, à ce prix, j'achète" et a souverainement estimé que la vente, dans de telles conditions, de marchandises de qualité médiocre compromettait la commercialisation des produits de la société Chanel ; que la cour d'appel a pu décider qu'il avait soumis des fautes constitutives et de concurrence déloyale et génératrice d'un préjudice distinct de celui résultant de la contrefaçon ; d'où il suit que les deux moyens ne sont pas fondés ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de son action en garantie dirigée contre la société Rosatex, alors, selon le pourvoi, que l'action récursoire dirigée contre l'auteur d'un délit, et plus particulièrement d'un délit de contrefaçon par une personne qui a traité avec lui ne peut être écartée que si ce co-contractant a lui-même agi en toute connaissance de cause ; que l'action récursoire dirigée contre l'auteur de la contrefaçon par son contractant n'est donc irrecevable que dans le cas où ce dernier connaissait la contrefaçon lorsqu'il a contracté ; qu'en l'espèce actuelle la décision attaquée ne pouvait déclarer M. Y... irrecevable en son action contre la société Rosatex sans que la cour d'appel ait établi qu'il avait agi en toute connaissance de cause ; ce qui ne résulte pas de la décision des juges du fond qui ont du reste refusé de rechercher si M. Y... était ou non de bonne foi ; qu'ainsi l'arrêt est entaché de violation des articles 1382 et 1131 du Code civil et de la règle "nemo auditur propriam turpitudinem allegans" ;

Mais attendu que la cour d'appel, tant par motifs propres que par ceux adoptés des premiers juges, a relevé que M. Y... ne pouvait pas ignorer, en sa qualité de professionnel, que les vêtements contrefaits qu'il détenait et proposait à la vente, ne provenaient pas de la société Chanel et que ces marchandises n'avaient pas été

produites par celle-ci ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a fait apparaître que M. Y... ne pouvait pas soutenir que sa bonne foi avait été surprise par son fournisseur et l'a, à juste titre, débouté de son appel en garantie ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

! Condamne M. Y..., envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-et-un avril mil neuf cent quatre vingt douze.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 90-15389
Date de la décision : 21/04/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (4e chambre, section B), 08 mars 1990


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 avr. 1992, pourvoi n°90-15389


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:90.15389
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