LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze avril mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MILLEVILLE, les observations de Me FOUSSARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ; Statuant sur le pourvoi formé par :
X... Pierre, K
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre correctionnelle, en date du 16 janvier 1990, qui, pour infraction à l'article L. 221-5 du Code du travail, l'a condamné à cinq amendes de 500 francs chacune et a prononcé sur l'action civile ; Vu le mémoire produit ; Sur le premier moyen de cassation pris de la violation du principe de l'égalité devant la loi, du d principe de la liberté de conscience, des articles L. 221-5, L. 221-9, R. 262-1 du Code du travail, 9 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'avoir omis de donner le repos hebdomadaire du dimanche à cinq salariés ; "aux motifs que si X... fait valoir que le pourcentage du chiffre d'affaires pour la location de chaises, de moyens de locomotion et de chauffage est de 54,22 %, ce chiffre implique, même en le retenant, que l'activité du dimanche n'est pas réservée à ces trois pôles d'activités et que le magasin est ouvert aussi pour répondre aux autres besoins de la clientèle ; que conscient de ces difficultés, X... a sollicité du préfet une demande de dérogation le 1er juin 1985 ; que l'Administration ne lui a pas répondu, ce qui équivaut à son rejet ; que par ailleurs, les sociétés Euroto, Hertz et Lourdel, ouverts le dimanche de 9 heures 30 à 12 heures 30, exercent une activité principale de location de moyens de locomotion en conformité avec les dispositions de l'article L. 221-9 , 10ème du Code du travail et qu'en l'absence d'activités identiques entre ces sociétés, d'une part, et la société Kiloutou, gérée par X..., d'autre part, il n'est pas porté atteinte au principe d'égalité devant la loi ; "alors que, d'une part, les règles imposant le repos hebdomadaire le dimanche et instituant des dérogations au bénéfice d'entreprises poursuivant certaines activités, contraires au principe d'égalité devant la loi, résultant de l'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958, ont été implicitement abrogées ; qu'elles ne pouvaient servir de base à la condamnation pénale de
M. X... ; "alors que, deuxièmement, les règles imposant le repos obligatoire le dimanche et instituant des dérogations à cette obligation, contraires au principe de la liberté de conscience prévue par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ont été implicitement abrogées ; qu'elles ne pouvaient ainsi servir de base aux condamnations pénales prononcées à l'encontre de X... ; "alors que, troisièmement, les règles imposant le repos hebdomadaire le dimanche et instituant des d dérogations à cette obligation, contraires au principe de la liberté religieuse consacré par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne pouvaient servir de base à une condamnation pénale prononcée à l'encontre de X..." ; Attendu que les textes relatifs au repos hebdomadaire, ayant valeur législative, s'imposent aux juridictions de l'ordre judiciaire, lesquelles ne sont pas juges de leur constitutionnalité ; que, par ailleurs, ces textes ne sont nullement contraires à l'article 9, alinéa 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'ils instituent "des mesures nécessaires, dans une société démocratique,... à la protection des droits et des libertés", telles que le prévoit ledit article en son alinéa 2 ; D'où il suit que le moyen ne peut être qu'écarté ; Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles L. 221-5, L. 221-9, R. 262-1 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'avoir omis de donner le repos hebdomadaire le dimanche à cinq salariés ; "aux motifs que si X... fait valoir que le pourcentage du chiffre d'affaires pour la location de chaises, de moyens de locomotion et de chauffage est de 54,22 %, ce chiffre implique, même en le retenant, que l'activité du dimanche n'est pas réservée à ces trois pôles d'activités et que le magasin est ouvert aussi pour répondre aux autres besoins de la clientèle, que conscient de ces difficultés, X... a sollicité du préfet une demande de dérogation le 1er juin 1985 ; que l'Administration ne lui a pas répondu, ce qui équivaut à son rejet ; que par ailleurs, les sociétés Euroto, Hertz et Lourdel, ouvertes le dimanche de 9 heures 30 à 12 heures 30, exercent une activité principale de location de moyens de locomotion en conformité avec les dispositions de l'article L. 221-9, 10ème du Code du travail et qu'en l'absence d'activités identiques entre ces sociétés, d'une part, et la société Kiloutou, géré par X..., d'autre part, il n'est pas porté atteinte au principe d'égalité devant la loi ;
d "alors que, bénéficient de la dérogation à la règle selon laquelle le repos hebdomadaire doit être donné aux salariés le dimanche, les entreprises dont l'activité principale est au nombre de celles énumérées par l'article L. 221-9 du Code du travail ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait refuser de faire bénéficier X... des dérogations en retenant qu'une partie accesoire des activités de la société ne correspondait pas aux hypothèses visées par le texte précité" ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du procès-verbal de l'inspection du travail, base de la poursuite, que, le dimanche 1er mars 1987, à Sainte-Geneviève-des-Bois, il a été constaté, dans le magasin de la société "Kiloutou", entreprise de location de matériel, que cinq salariés à savoir, le directeur adjoint, deux hôtesses d'accueil et deux mécaniciens étaient occupés à des travaux de leur profession ; que le directeur de la société, Pierre X..., a alors été poursuivi pour infraction à l'article L. 221-5 du Code du travail ; Attendu que le prévenu a sollicité sa relaxe en soutenant que sa société bénéficiait des dérogations permanentes prévues, tant par l'article L. 221-9, 10°, du Code du travail, qui dispose que sont admises, de plein droit, à donner le repos hebdomadaire par roulement, les entreprises de "location de chaises ou de moyens de locomotion", que par l'article R. 221-4 du même Code, prévoyant des dispositions identiques à l'égard d'autres établissements, parmi lesquels figurent les entreprises de chauffage, et pour certaines activités seulement ; qu'au soutien de sa demande, X... a fait valoir que la part des immobilisations réalisées pour la location de chaises et de moyens de locomotion ainsi que pour le chauffage représentait 54,22 % du chiffre d'affaires, ce qui en faisait la branche "d'activité principale" de l'entreprise ; Attendu que, pour écarter cette argumentation et dire la prévention établie, la cour d'appel énonce que ce chiffre de 54,22 % "implique que l'activité du dimanche n'est pas réservée à ces trois pôles d'activité et que le magasin est ouvert aussi pour répondre aux autres besoins de la clientèle" ; Attendu que si les juges du fond ont, à tort, affirmé la nécessité d'exercer à titre exclusif l'une des activités prévues par l'article L. 221-9 du Code du travail, leur décision n'en est pas moins justifiée, dès lors que le prévenu, qui invoquait également le bénéfice d de l'article R. 221-4 dudit Code, n'a pas apporté ni d'apporter la preuve qui lui incombait, de la participation des salariés en cause à l'une des activités énumérées par ce texte ; Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents :
M. Zambeaux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Milleville conseiller rapporteur, MM. Dardel, Dumont, Fontaine, Alphand, Guerder, Jorda conseillers de la chambre, Mmes Batut, Ferrari conseillers référendaires, M. Libouban avocat général, Mme Ely greffier de chambre ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;