LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le neuf avril mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BATUT, les observations de Me X... et de la société civile professionnelle GUIGUET, BACHELIER et POTIER de la VARDE, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général PRADAIN ; Statuant sur le pourvoi formé par :
Z... Georges, K
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 5 juillet 1991 qui, pour exercice illégal de la profession d'expertcomptable ou de comptable agréé, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 40 000 francs d'amende, ainsi qu'à des réparations civiles et a ordonné la publication de la décision dans différents journaux ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; d
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 56, 58, 94, 593 du Code de procédure pénale, L. 121 du Livre des procédures fiscales, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a écarté l'exception de nullité de la procédure soulevée par le prévenu ; "aux motifs qu'il résulte des pièces annexées à la plainte du 9 mai 1989 portée par l'ordre des experts-comptables et comptables agréés à l'encontre de Z... que l'attention de cet organisme avait été attirée dès l'année 1983 sur les agissements de l'intéressé et qu'en 1987, des investigations opérées par un représentant de celuici permettaient de soupçonner que le prévenu se livrait à des activités pouvant constituer l'exercice illégal de la profession d'expertcomptable ou de comptable agréé ; que le commissaire du gouvernement auprès du conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables agréés, organe de tutelle de cet ordre, sollicité par le président du conseil supérieur de lui fournir tout renseignement utile concernant les agissements de Z..., dans une correspondance du 3 mars 1989, exposait que l'intéressé, au cours d'une vérification fiscale, n'avait pas caché qu'il exécutait des travaux de comptabilité, fournissait divers renseignements et annexait à sa lettre une liste des clients de Z... identifiés au cours de la vérification ; qu'au regard de ces indications, l'Ordre des experts-comptables et des comptables agréés portait plainte et que le parquet faisait procéder à l'enquête préliminaire sur laquelle se fonde la présente poursuite ; que, contrairement aux affirmations de Z..., les investigations faites à la diligence du parquet trouvent leur origine dans les éléments de la plainte de l'Ordre faisant état de l'ensemble des
renseignements recueillis à la fois avant et après le contrôle fiscal et, en particulier, à la suite d'une correspondance de l'un des clients du prévenu, mécontent de ses prestations ; que, s'il est exact que la liste des clients de Z... a été établie lors du contrôle fiscal, dont les opérations sont étrangères à la présente poursuite et dont par ailleurs l'intéressé n'a pas contesté la régularité devant le juge de l'impôt compétent, la communication de cette liste à l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés rentrait dans les pouvoirs du commissaire du gouvernement conformément aux d dispositions de l'article L. 121 du livre des procédures fiscales ; "alors que la procédure d'investigation dérogatoire du droit commun prévue par l'article 94 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 n'est applicable qu'à la recherche et la constatation d'infractions limitativement définies par la législation fiscale ; que, par suite, les inspecteurs de police ne pouvaient procéder à l'audition de clients de Z..., en se fondant sur les éléments recueillis à l'occasion d'une perquisition fiscale pour tenter d'établir l'existence d'un délit d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable sans détourner la procédure de son but ; qu'ainsi la procédure est nulle" ; Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la procédure soulevée in limine litis par le prévenu, selon laquelle l'enquête préliminaire, fondement de la poursuite, trouverait son origine dans une vérification fiscale illégale effectuée dans ses locaux dans le but unique d'obtenir la liste de ses clients -ce qui a permis à la police d'entendre des témoins-, la cour d'appel énonce que les investigations faites à la diligence du parquet trouvent leur origine dans les éléments de la plainte de l'Ordre des experts-comptables et comptables agréés faisant état de l'ensemble des renseignements recueillis avant et après le contrôle fiscal et en particulier à la suite d'une correspondance de l'un des clients du prévenu, mécontent de ses prestations ; que les juges ajoutent que s'il est exact que la liste des clients de Georges Z... a été établie lors du contrôle fiscal dont l'intéressé n'a d'ailleurs pas contesté la régularité devant le juge compétent, la communication de cette liste à l'Ordre rentrait dans les pouvoirs du commissaire du gouvernement, conformément aux dispositions de l'article L. 121 du Livre des procédures fiscales ; Attendu qu'en cet état, la cour d'appel fait l'exacte application des textes susvisés, sans encourir les griefs allégués au moyen, lequel doit dès lors être écarté ; Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 8 et 20 de l'ordonnance N° 45.2138 du 19 septembre 1945, 259 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ; b "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable
d'exercice illégal de la profession d'expertcomptable ou de comptable agréé ; "aux motifs que, dans des circulaires publicitaires envoyées par le prévenu dans le courant de l'année 1987, Z... énonçait qu'il se proposait de s'occuper de la gestion comptable et financière de ses clients (grand livre comptable, libre journal général, déclarations fiscales et sociales, bilan) ; que l'exposant ne conteste pas qu'il a apposé sur certaines des déclarations souscrites par ses clients un cachet humide portant son nom et son adresse, ainsi que la mention "assistance et conseil en gestion administrativecomptablefinancière" ; que les témoins Colomer épouse Biras, Manuel Y..., B... Fernandez, clients de Z... durant la période de temps visée par la prévention, ont tous déclaré que l'intéressé avait tenu la comptabilité de leurs établissements commerciaux alors qu'eux-mêmes lui remettaient pour ce faire les relevés des recettes, les factures d'achat, le livre de caisse et d'autres éléments au vu desquels le prévenu se servait les livres ou documents prévus par le Code de commerce ou les dispositions adéquates du Code général des impôts ; qu'interrogé lors de l'enquête préliminaire, Z... s'est exprimé ainsi :
"mon travail consistait aussi bien à tenir la comptabilité que d'établir les fiches de paie, passer les écritures" et sur la question de l'enquêteur, "qu'entendezvous par tenir la comptabilité ?" il a répondu :
"J'entends par tenir la comptabilité dans tous les détails qui sont nécessaires, obligatoires au régime du forfait et au régime simplifié, c'est-à-dire, ouvrir, arrêter les livres et voire même les surveiller, j'entends les livres journal d'écritures et le grand livre, ces deux journaux étant obligatoires dans la comptabilité régime simplifié" ; que, devant la Cour, expliquant en quoi consistait la siaisie informatique des données de comptabilité de ses clients, Z... a précisé qu'au vu des éléments fournis par ceuxci, il introduisait lesdits éléments dans le système informatique dont il était le propriétaire en respectant les prescriptions du plan comptable général prévu par l'arrêté ministériel du 27 avril 1982 et en procédant à la vérification des comptes selon leur nature permettant ainsi l'établissement de balances et de bilans ; que ces circonstances démontrent que Z..., contrairement à ses affirmations, se livraient en réalité en son propre nom et sous sa responsabilité, de manière habituelle et sans être inscrit au tableau de l'ordre à des travaux d prévus par les articles 2 e 8 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, c'est-à-dire qu'il révisait, appréciait et organisait les comptabilités des entreprises et tenait, centralisait, ouvrait, arrêtait et surveillait lesdites comptabilités ; "alors qu'exerce illégalement la profession d'expert-comptable agréé celui qui, sans être inscrit à l'ordre, exécute habituellement en son propre nom et sous sa responsabilité les actes de la profession de telle sorte que, en s'abstenant de répondre au chef péremptoire des conclusions de l'exposant qui faisait précisément valoir que son rôle
consistait essentiellement dans une aide matérielle, s'agissant de la saisie informatique des données comptables transmises par ses clients, sous leur responsabilité ; que ce sont les clients qui signaient leurs déclarations après avoir vérifié la conformité de la saisie à leurs instructions, la cour d'appel a entaché l'arrêt attaqué d'une insuffisance de motifs caractérisée" ; Attendu que, pour déclarer Georges Z... coupable d'exercice illégal de la profession de comptable agréé ou d'expert-comptable, la cour d'appel énonce que, dans des circulaires à caractère publicitaire, le prévenu proposait de s'occuper de la gestion comptable et financière de ses clients ; qu'il n'a pas contesté avoir apposé sur certaines des déclarations souscrites par ces derniers un cachet humide portant son nom et son adresse ; qu'il a précisé qu'il tenait la comptabilité de diverses entreprises ; qu'enfin, il introduisait les différentes données de comptabilité de ses clients dans le système informatique dont il était le propriétaire et procédait à la vérification des comptes permettant ainsi l'établissement de balances et de bilans ; que les juges en déduisent que, contrairement à ses affirmations, Georges Z... se livrait, en son propre nom et sous sa responsabilité de manière habituelle et sans être inscrit au tableau de l'Ordre, à des travaux prévus par les articles 2 et 8 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, "c'est-à-dire qu'il révisait, appréciait et organisait les comptabilités des entreprises et tenait, centralisait, ouvrait, arrêtait et surveillait lesdites comptabilités" ; Attendu qu'en l'état de ces énonciations, fondées sur l'appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de preuve qui leur étaient soumis et qui, répondant aux conclusions dont ils étaient saisis, d caractérisent en tous ses éléments le délit reproché au prévenu, la cour d'appel a justifié sa décision ; Qu'ainsi le moyen doit être écarté ; et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Condamne le demandeur aux dépens ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents :
M. Le Gunehec président, Mme Batut conseiller rapporteur, MM. Jean C..., Blin, Carlioz, Jorda conseillers de la chambre, MM. A..., Maron, Mme Ferrari conseillers référendaires, Mme Pradain avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;