AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°) la société Serolatex, société à responsabilité limitée, dont le siège est ... (Nord),
2°) la société anonyme Fils Elastiques du Nord "FEN", dont le siège est ... (Nord),
en cassation d'un arrêt rendu le 31 janvier 1991 par la cour d'appel de Douai (5ème chambre sociale), au profit de M. Jacky X..., demeurant ... à Sainte-Foy-les-Lyon (Rhône),
défendeur à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 27 février 1992, où étaient présents : M. Waquet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Pierre, conseiller rapporteur, M. Bèque, conseiller, Mmes Sant, Bignon, Kermina, conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Pierre, les observations de Me Choucroy, avocat de la société Serolatex et la société Fils élastique du Nord "FEN", et de la SCP Desaché et Gatineau, avocat de M. X..., les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 321-1 du Code du travail ;
Attendu que dans le cadre de la cession des sociétés Sérolatex et Fils élastiques du Nord (F.E.N.) à une société Valmo, constituée entre MM. Y... et Molins, M. X..., directeur technique et commercial des sociétés cédées a été licencié par celles-ci pour motif économique le 22 décembre 1987, MM. Y... et Molins ayant décidé d'assurer eux-mêmes, en leur qualité de mandataires sociaux, les fonctions de direction jusqu'alors remplies par M. X... ; que le terme du contrat de travail de l'intéressé a été fixé au 31 mars 1988, M. X... étant dispensé de préavis, sous réserve d'avoir à répondre, jusqu'à cette date, à toute demande émanant de ses employeurs ;
Attendu que pour dire que le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner les deux sociétés au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt critiqué énonce que la réalité du motif économique invoqué par l'employeur s'apprécie à la date à laquelle le licenciement est
notifié au salarié et qu'en l'espèce le poste de directeur technique et commercial occupé jusqu'alors par M. X... n'a pu être supprimé au 22 décembre 1987, date du licenciement, puisque les nouveaux dirigeants n'ont été en mesure, du fait de leurs obligations à l'égard d'autres entreprises, de prendre effectivement la direction de la nouvelle société, que le 1er mars 1988 pour l'un et le 1er avril pour l'autre ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'est pas
contesté que les fonctions salariales de M. X... ont été effectivement reprises par les deux dirigeants de la société cessionnaire en leur qualité de mandataires sociaux, sans
embaucher de nouveau salarié pour tenir cet emploi, le 31 mars 1988, et que jusqu'à cette date, M. X..., bien que dispensé d'effectuer son préavis, devait se tenir à la disposition de ses employeurs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 janvier 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'Amiens ;
Condamne M. X..., envers les demandeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Douai, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du neuf avril mil neuf cent quatre vingt douze.