LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°) la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT, dont le siège est ...,
2°) M. Marc Y..., SA Bull, ... (Essonne),
3°) M. François A..., SA Bull, rue Jean-Jaurès, Les Clayes-sous-Bois (Yvelines),
en cassation d'un jugement rendu le 15 mars 1991 par le tribunal d'instance de Puteaux, au profit :
1°) de la Compagnie des machines Bull, dont le siège est ... (16e),
2°) de la société Bull SA, dont le siège est ... (16e),
3°) de la société Bull international SA, dont le siège est ... (16e),
4°) de la société BULL XS, dont le siège est ... (Essonne),
5°) de la société Zénith Data systems, dont le siège est ... (Hauts-de-Seine),
6°) de la société BULL CP8, dont le siège est ... (Yvelines),
7°) de la société Bull ingénierie, dont le siège est ..., Le Pecq (Yvelines),
8°) de la société Prologue, dont le siège est ..., ZA de Courtaboeuf, Les Ulis (Essonne),
9°) de la société Compuprint, dont le siège est ... (Yvelines),
défenderesses à la cassation ; LA COUR, en l'audience publique du 11 mars 1992, où étaient présents :
M. Cochard, président, Mme Pams-Tatu, conseiller référendaire rapporteur, MM. D..., B..., C..., X..., Z..., Pierre, Boubli, conseillers, MM. Bonnet, Laurent-Atthalin, Mmes Bignon, Kermina, conseillers référendaires, M. Picca, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Pams-Tatu, conseiller référendaire, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT et de MM. Y... et A..., de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Zénith Data systems, de la SCP Desaché et Gatineau, avocat de la SA Bull, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Prologue, de Me Blondel, avocat de la société Compagnie des machines Bull, de Me Choucroy, avocat de la société Bull ingénierie, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Bull CP8, de Me Blanc, avocat de la société Bull XS, de Me Delvolvé, avocat de la société Compuprint, les conclusions de M. Picca, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
! Sur le moyen unique :
Attendu qu'un accord du 24 février 1986 a décidé la constitution d'un comité d'entreprise commun de quatre sociétés françaises du groupe Bull :
Compagnie des machines Bull, Bull SA, CII HB Systèmes, Bull CP8 ; que le même jour a été signé un avenant à un protocole du 30 août 1984 relatif à l'exercice du droit syndical dans les sociétés du groupe, accordant aux organisations syndicales représentatives le droit de désigner deux délégués syndicaux centraux ; que cet avenant était lié à la durée de validité de l'accord du 24 février 1986 ; qu'un accord du 22 mars 1988 instituant un comité d'entreprise commun s'est substitué dans tous ses effets à celui du 24 février 1986, puis a été dénoncé par la direction du groupe, le 2 juillet 1990 ; que le 5 juillet suivant, le syndicat CFDT a désigné MM. Y... et A... en qualité de délégués syndicaux centraux de l'unité économique et sociale, constituée, selon le syndicat, entre neuf sociétés du Groupe Bull ; Attendu qu'il est fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance de Puteaux, 15 mars 1991) d'avoir décidé que les sociétés CMG, BUll SA, Bull international SA, BULL XS, Zenith Data systems, Bull CP8, Bull ingénierie, Prologue, Compuprint ne constituaient pas une unité économique et sociale et en conséquence d'avoir annulé les désignations litigieuses, alors, selon le pourvoi, qu'il est ainsi constaté par le tribunal "une multiplicité" d'accords conclus avec les organisations syndicales prévoyant, notamment, tant la création d'un comité central d'entreprise pour les sociétés françaises du groupe Bull que l'exercice du droit syndical dans lesdites sociétés et la possibilité pour chaque syndicat de désigner deux délégués syndicaux centraux, solution épousant, selon les termes du tribunal étroitement les modifications juridiques et les contraintes économiques ; que ces constatations, contrairement aux énonciations du tribunal, emportent reconnaissance certaine de l'unité économique et sociale relativement à la délégation syndicale dont se prévalaient les syndicats, qu'il incombait donc aux sociétés demanderesses à l'action de prouver les modifications intervenues d'où serait découlée la disparition de cette unité économique et sociale, sans qu'il fût nécessaire de remettre en discussion tous les éléments de cette unité ; que, par suite, en imputant aux
syndicats la charge de la preuve de l'existence de cette unité économique et sociale, le tribunal a violé les articles L. 412-12 du Code du travail et 1315 du Code civil ; alors, surtout, qu'à cet égard, la seule affirmation d'une restructuration en conséquence de la prise de contrôle des activités d'une société américaine par le groupe composé déjà de deux ensembles internationaux et d'une politique de restructuration qui avait eu lieu lors de l'internationalisation du groupe ces dernières années allant dans le sens de l'autonomie de ces sociétés, sans plus de
précision, ne saurait caractériser de telles modifications lors de la dénonciation des accords conclus du 2 juillet 1990 ; que, de ce chef, le tribunal n'a pas, en tous cas, mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle et n'a pas légalement justifié sa décision au regard dudit article L. 412-12 ; alors, au demeurant, qu'en relevant que la preuve était rapportée par les syndicats de "certains éléments qui font partie de ceux qui sont nécessaires pour l'existence d'une unité économique et sociale mais sont impropres à faire la preuve exigée de l'existence de cette unité économique et sociale", sans autre précision, et en exigeant des syndicats la preuve d'une identité totale de statuts entre le personnel des différentes sociétés, le tribunal n'a pas, en toute hypothèse, légalement justifié sa décision au regard des dispositions précitées ; et alors que, à cet égard, le tribunal ne pouvait, sans se contredire, constater l'existence d'un accord signé le 24 octobre 1986 relatif à la mobilité du personnel dans le Groupe Bull pour contribuer à une utilisation adaptée du potentiel humain, et affirmer ensuite que les syndicats n'apportaient pas la preuve que les travailleurs constituent un personnel interchangeable d'une société à l'autre ; que; de ce chef, il a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu, d'une part, que le tribunal d'instance a exactement retenu que les conventions entre les parties n'avaient pas institué d'unité économique et sociale entre quatre sociétés du groupe, en matière de délégation syndicale, et qu'il appartenait au syndicat auteur des désignations de rapporter la preuve d'une unité économique et sociale entre neuf des sociétés de ce groupe ; Attendu, d'autre part, que le juge du fond a relevé que chacune des neuf sociétés avait conservé une part importante d'autonomie sur le plan économique et
social, que la complémentarité de leurs activités était limitée à certains produits et qu'il n'existait pas de gestion commune ni de permutabilité du personnel ; qu'il a ainsi justifié sa décision, hors toute contradiction ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;