LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. F... Sui Kay, demeurant ... (Réunion),
en cassation d'un arrêt rendu le 7 octobre 1987 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (Chambre sociale), au profit de la société Cyclo, société à responsabilité limitée dont le siège social est ... (Réunion),
défenderesse à la cassation ; LA COUR, en l'audience publique du 3 mars 1992, où étaient présents :
M. Cochard, président, M. Monboisse, conseiller rapporteur, MM. D..., H..., J..., B..., G... Ride, MM. Carmet, Merlin, conseillers, Mme A..., M. X..., Mme Y..., Mlle I..., MM. C..., Z...
E... de Janvry, conseillers référendaires, M. Graziani, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Monboisse, les observations de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde, avocat de M. F... Sui Kay, de Me Choucroy, avocat de la société Cyclo, les conclusions de M. Graziani, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le second moyen :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué et la procédure, la société Cyclo a engagé M. F... Sui Kay en qualité de chef cuisinier, pour une durée de deux ans renouvelable, à partir du 1er novembre 1984 ; que, le 11 janvier 1986, M. F... Sui Kay a été licencié pour faute grave ; qu'après son licenciement, M. F... Sui Kay a trouvé un emploi similaire dans l'établissement "Le Palais du mandarin" ; que la société Cyclo a saisi la juridiction prud'homale aux fins de condamnation de M. F... Sui Kay à respecter la clause de non-concurrence et à payer des dommages-intérêts ; que, reconventionnellement, M. F... Sui Kay, estimant que son licenciement était abusif, a sollicité la condamnation de l'employeur au paiement de différentes sommes ; Attendu que M. F... Sui Kay fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes en paiement d'indemnité de préavis et de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que, dans ses conclusions, M. F... Sui Kay avait fait valoir que le soir "Le Montreuil" est un petit bar géré par sa concubine et que c'était après la fin de ses heures de travail, en fin de soirée, qu'il allait rejoindre celle-ci, laquelle ne tardait pas alors à fermer son établissement ; qu'il était significatif que la société Cyclo ne lui ait adressé avant le licenciement aucun avertissement destiné à mettre fin à la situation ;
que son licenciement n'apparaissait pas justifié par un motif réel et sérieux et que l'examen du livre d'embauche établirait que ladite société avait coutume de licencier chaque année son cuisinier chinois avant la fin du contrat de deux ans qu'elle lui avait consenti ; qu'en se dispensant de répondre à ces conclusions, qui étaient de nature à démontrer le caractère abusif du licenciement, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu, d'une part, que la rupture du contrat à durée déterminée n'ouvre pas la possibilité de percevoir une indemnité de préavis, en l'absence de disposition particulière dans le contrat ; Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a constaté, par motifs adoptés, que M. F... Sui Kay avait exercé à plusieurs reprises une activité professionnelle au bar "Le Montreuil", violant ainsi l'article 4 du contrat prévoyant que le salarié devait consacrer tout son temps et toute son activité au service de la société Cyclo ; que le juge du fond a pu en déduire que M. F... Sui Kay avait commis une faute grave justifiant la rupture du contrat à durée déterminée sans dommages-intérêts ; que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1134 du Code civil ; Attendu que, pour condamner M. F... Sui Kay à payer la somme de un franc à titre de dommages-intérêts à la société Cyclo pour violation de la clause de non-concurrence et lui ordonner, sous astreinte, de résilier le contrat de travail le liant avec son nouvel employeur, la cour d'appel a énoncé que cette clause devait être appliquée telle que le prévoyait le contrat de travail ; que, cependant, dans le contrat, la clause était seulement prévue pour le cas où M. F... Sui Kay viendrait à rompre le contrat, ce dont il résultait qu'elle ne devait recevoir application qu'en cas de départ volontaire du salarié ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS :
d CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. F... Sui Kay à payer un franc de dommages-intérêts à la société Cyclo, lui a ordonné, sous astreinte, de résilier le contrat de travail le liant à l'établissement "Le Palais du mandarin" et dit que la clause s'appliquerait telle que prévue par le contrat de travail, l'arrêt rendu le 7 octobre 1987, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, quant à ce, la
cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit
arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion autrement composée ; Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du premier avril mil neuf cent quatre vingt douze.