AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les pourvois n° 89-14.889 et n° 89-16.136 formés par la société anonyme Constructions Mécaniques de Précision de la Loire (CMPL), dont le siège est ... à Saint-Priest en Jarez (Loire),
en cassation de deux arrêts rendus le 24 févier 1989 et le 26 mai 1989 par la cour d'appel de Lyon (3e chambre), au profit de :
1°) la société anonyme Colmant Wemex, dont le siège est ... (Val-d'Oise),
2°) M. X..., demeurant ..., pris en sa qualité de syndic de la liquidation des biens des Etablissements Murat et Compagnie,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi n° 89-14.889, un moyen unique de cassation et à l'appui de son pourvoi n° 89-16.136, deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 28 février 1992, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Edin, conseiller rapporteur, M. Hatoux, conseiller, Mme Le Foyer de Costil, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Edin, les observations de Me Foussard, avocat de la société Construction Mécaniques de Précision de la Loire, de Me Brouchot, avocat de M. X..., les conclusions de Mme Le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Joint en raison de leur connexité le pourvoi n° 89-14.889 formé par la société Constructions mécaniques de précision de la Loire contre l'arrêt rendu le 24 février 1989 par la cour d'appel de Lyon, et le pourvoi n° 89-16.136 formé par la même société contre l'arrêt rendu le 26 mai 1989 par la même cour d'appel ;
Donne défaut contre la société Colmant-Wemex ;
Attendu, selon l'arrêt du 24 février 1989, que la société Colmant-Wemex ayant, par contrat du 16 mars 1977, mis une fraiseuse à la disposition de la société Murat et Cie (la société Murat), a demandé, après la mise en règlement judiciaire de cette dernière, la restitution de la machine ; que la société Murat et le syndic s'y sont opposés en prétendant que la convention constituait une vente à crédit ; que, par acte du 5 octobre 1983, la société Murat, assistée du syndic, a cédé son fonds de commerce, comprenant le matériel et l'outillage, à la société Constructions Mécaniques de précision de la Loire (la société CMPL) ; qu'il était stipulé qu'au cas où, à l'issue du procès
en cours entre les sociétés Colmant-Wemex et Murat, la machine litigieuse serait, par décision définitive, considérée comme louée et non vendue, sa valeur resterait incluse, pour la part déjà payée, dans le prix de cession du matériel ; qu'un arrêt du 28 février 1985 a jugé que le contrat du 16 mars 1977 était une location, a condamné la société Murat à restituer la fraiseuse à la société Colmant-Wemex et à lui payer une indemnité pour l'utilisation de la machine après l'expiration de la location ; que le règlement judiciaire de la société Murat ayant été converti en liquidation des biens, le syndic
a assigné la société CMPL en vue d'être garanti par celle-ci de la condamnation au paiement de l'indemnité, pour la période comprise entre la date à laquelle la société CMPL était entrée en jouissance de la machine et la date de sa restitution ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° 89-14.889, pris en sa première branche, et le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° 89-16.136, tous deux dirigés contre l'arrêt du 24 février 1989 :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que, pour accueillir en son principe la demande du syndic, l'arrêt retient que la société CMPL, informée de la revendication exercée par la société Colmant-Wemex, ne pouvait ignorer que celle-ci serait en droit, si son action était jugée fondée, de réclamer une indemnité d'utilisation ; qu'en acceptant dans ces conditions d'avoir la jouissance de la machine, la société CMPL a, au moins implicitement, assumé le risque d'une telle indemnité et qu'elle ne peut que s'en prendre à elle-même si elle n'a pas mesuré l'ampleur de ce risque, ni les faibles chances de succès des prétentions soutenues par la société Murat ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la convention liant la société Murat et la société CMPL ne stipulait d'autre obligation pour cette dernière, dans le cas de restitution de la machine litigieuse à la société Colmant-Wemex, que celle d'abandonner à la société Murat la partie du prix correspondant à la valeur de ce matériel, la cour d'appel a méconnu la loi du contrat ;
Et sur le second moyen du pourvoi n° 89-16.136, dirigé contre l'arrêt du 26 mai 1989 :
Attendu que cet arrêt, statuant après la réouverture des débats ordonnée par l'arrêt du 24 février 1989, a fixé au 2 mai 1983 la date d'entrée en jouissance de la machine par la société CMPL ;
Attendu qu'aux termes de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile, la cassation entraîne, sur les points qu'elle atteint, et sans qu'il y ait lieu à nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que l'arrêt du 26 mai 1989 étant la suite de l'arrêt du 24 février précédent, lequel est cassé par le présent arrêt, il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi en ce que celui-ci est dirigé contre l'arrêt subséquent ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi n° 89-14.889 ni sur la seconde branche du premier moyen du pourvoi n° 89-16.136 :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 24 février 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Dit n'y avoir lieu de statuer sur le pourvoi n° 89-16.136 en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 26 mai 1989 ; Condamne les défendeurs, envers la société Constructions Mécaniques de Précision de la Loire, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Lyon, en marge ou à la suite de
l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du trente-et-un mars mil neuf cent quatre vingt douze.