LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société à responsabilité limitée MIS, ayant son siège social à Asnières (Hauts-de-Seine), ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 14 juin 1990 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), au profit de :
1°/ M. Jean-Claude X...,
2°/ Mme Annick X...,
demeurant ensemble à Suresnes (Hauts-de-Seine), ...,
3°/ la société Franck Pascal, demeurant à Asnières (Hauts-de-Seine), ...,
4°/ M. Pascal Y..., demeurant à Asnières (Hauts-de-Seine), ...,
défendeurs à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 12 février 1992, où étaient présents :
M. Hatoux, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Leonnet, conseiller rapporteur, Mme A..., MM. Vigneron, Leclercq, Dumas, Gomez, conseillers, M. Z..., Mme Geerssen, conseillers référendaires, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Leonnet, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société MIS, de la SCP Hubert et Bruno Le Griel, avocat des époux X..., de Me Foussard, avocat de la société Franck Pascal et de M. Y..., les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Versailles, 14 juin 1990), que les époux X... ont vendu, le 31 mars 1987, à la société MIS un fonds de commerce de coiffure et parfumerie sis à Asnières ; que l'acte de vente contenait une clause de non rétablissement pendant trois ans et dans un rayon de mille mètres et une clause interdisant aux vendeurs d'employer pendant cinq ans et dans un rayon de deux mille mètres un membre du personnel attaché au fonds de commerce ; qu'au mois de juillet 1987, M. Pascal Y..., principal animateur salarié du fonds de commerce vendu, a démissionné et a constitué une société Frank Pascal ayant également pour objet les activités de coiffure et parfumerie ; que cette société a racheté à la société SICA un fonds de commerce de même nature situé également à Asnières à mille soixante mètres du
précédent fonds vendu ; prenant prétexte que les époux X... étaient les principaux porteurs de parts de la société SICA et qu'ils détenaient cinq pour cent des parts de la société Frank Pascal, la société MIS invoquant la violation de la clause de non rétablissement, a assigné, le 27 octobre 1987, les époux X..., la société Frank Pascal et M. Y... en dommages-intérêts pour le préjudice subi ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que la société MIS faisait valoir dans ses conclusions d'appel, que "l'obligation de garantie et de délivrance dont le vendeur d'un fonds de commerce est débiteur, emporte celle de non-concurrence à l'égard de l'acquéreur ; sans doute les parties contractantes ont-elles la possibilité de préciser dans l'acte les contours de cette garantie, mais les clauses contractuelles ne sont que l'expression d'une obligation générale qui s'impose au vendeur en l'absence même de volonté exprimée par les parties ; en d'autres termes, en présence d'une installation qui respecterait les clauses de limitation contractuelle, l'office du juge ne se trouve nullement limité à la constatation seulement arithmétique des obligations des parties, mais il lui appartient au contraire de contrôler au regard des règles générales le respect par chacune des parties de ses obligations..." ; que la société MIS invoquait ainsi clairement, outre la clause de non-concurrence insérée au contrat de cession du fonds de commerce, l'obligation légale du vendeur de garantir l'acquéreur contre tout détournement de clientèle ; qu'en affirmant que la société MIS invoquait exclusivement à l'encontre de ses vendeurs la violation de la clause contractuelle interdisant à ceux-ci de se réinstaller dans un délai de trois ans et dans un rayon de 1 000 mètres, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que s'étant abstenue de rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions précitées, si les époux X... n'avaient pas tenté, par leur comportement, de détourner la clientèle du fonds qu'ils avaient vendu à la société MIS, peu important que leurs agissements ne fussent pas contraires à la lettre du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1625 du Code civil ; et alors, qu'enfin, et en tout état de cause, la cour d'appel, qui a relevé que les agissements des débiteurs de l'obligation de non-rétablissement étaient tels que l'on pouvait considérer qu'ils avaient pour but d'éluder l'obligation de ne pas faire concurrence à l'autre partie, et qui a néanmoins jugé que ces agissements ne pouvaient être sanctionnés, n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui en découlaient et a violé les articles 1134 et 1145 du Code civil ; Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt, après avoir recherché si les faits reprochés aux époux X... constituaient une violation de la clause de non-rétablissement ou une violation de l'engagement pris par eux dans l'acte de vente, de ne pas employer un salarié du fonds de commerce, et après avoir répondu négativement, a également
constaté, effectuant ainsi la recherche concernant l'éventualité d'un détournement de clientèle au préjudice de la société MIS, que cette société n'établissait pas que la baisse de son chiffre d'affaires, au demeurant temporaire, fut "la conséquence d'actes de concurrence déloyale" ; Attendu, en second lieu, que contrairement aux allégations du pourvoi, l'arrêt n'a pas relevé que les agissements du débiteur de l'obligation de non-rétablissement étaient tels que l'on pouvait considérer qu'ils avaient pour but d'éluder leurs obligations ; Que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ; Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir rejeté la demande, alors, selon le pourvoi, qu'en s'abstenant de rechercher si M. Pascal Y... et la société Franck Pascal n'avaient pas, par leur comportement, tenté de détourner la clientèle du fonds vendu à la société MIS, et ne s'étaient pas ainsi rendus complices de la violation par les vendeurs de leurs obligations contractuelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; Mais attendu que n'étant pas saisie d'un moyen explicite sur la collusion frauduleuse ayant pu exister entre les époux X... et M. Y..., la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer la recherche prétendument omise ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de la société MIS, alors, selon le pourvoi, que la concomitance entre la baisse du chiffre d'affaires, fut-elle temporaire, et les agissements reprochés aux vendeurs et à M. Y..., étaient de nature à caractériser le lien de causalité entre la faute commise par ces derniers et le préjudice subi par la société MIS ; qu'en se bornant à affirmer que le lien de causalité n'était pas établi en l'espèce, la cour d'appel a privé sa décision de motif et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu qu'ayant constaté par une décision motivée qu'aucune faute ne pouvait être reprochée aux époux X... ou à M. Y..., la cour d'appel n'avait pas à s'expliquer sur le lien de causalité pouvant exister entre la prétendue faute et le préjudice invoqué par la société MIS ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;