LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par l'Association Memorial de Fleury, dont le siège social est à Paris (5e), ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 18 janvier 1989 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), au profit de :
1°/ la compagnie d'assurances GAN, société anonyme, dont le siège social est à Paris (9e), ...,
2°/ la Société industrielle de construction, dite SIC, société anonyme, dont le siège social est ..., prise en la personne de son liquidateur, M. Gilbert A...,
3°/ M. Z... du Y..., architecte, demeurant à Paris (6e), ..., mais ayant ses bureaux à Verdun (Meuse), ...,
défendeurs à la cassation ; M. Martin du Y... a formé un pourvoi provoqué contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy ; l'Association Memorial de Fleury, demanderesse au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; M. Martin du Y..., demandeur au pourvoi provoqué, invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation, également annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 11 février 1992, où étaient présents :
M. Viennois, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Fouret, conseiller rapporteur, MM. Lesec, Kuhnmunch, Pinochet, Mmes Lescure, Delaroche, conseillers, Mme X..., M. Charruault, conseillers référendaires, M. Sadon, premier avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Fouret, les observations de Me Roger, avocat de l'Association Memorial de Fleury, de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la compagnie d'assurances GAN, de Me Boulloche, avocat de M. Martin du Y..., les conclusions de M. Sadon, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu que l'Association Memorial de Fleury a chargé la Société industrielle de construction (SIC) de la réfection des terrasses et du dôme du bâtiment commémoratif qu'elle avait fait construire ; qu'elle a confié à M. Martin du Y..., architecte, la surveillance d'une partie des travaux ; que des infiltrations s'étant produites, elle a assigné en réparation de son dommage la SIC, la compagnie GAN incendie-accidents, assureur de cette société, ainsi que M. B... du
Y... ; que l'arrêt attaqué (Nancy, 18 janvier 1989), a condamné la SIC à payer différentes sommes à l'association et l'a condamnée, en outre, in solidum avec M. Martin du Y..., à payer d'autres sommes à titre de dommages-intérêts ; qu'enfin, elle a dit que le GAN n'était pas tenu de couvrir le sinistre et a débouté M. Martin du Y... des recours en garantie qu'il avait formé contre la SIC ; Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi principal de l'Association Memorial de Fleury et sur le premier moyen du pourvoi provoqué de M. Martin du Y..., qui sont identiques :
Attendu qu'il est reproché à la cour d'appel, qui a dit que le GAN ne devait pas sa garantie, d'une part, d'avoir privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du Code des assurances en ne recherchant pas si la clause d'exclusion invoquée par l'assureur n'avait pas pour conséquence d'annuler dans sa totalité la garantie stipulée et de vider de sa substance l'objet du contrat d'assurance et, d'autre part, d'avoir violé le même article en considérant que
l'objet de la garantie était la mise en oeuvre, sans aucune faute technique, du produit utilisé pour rendre étanches les terrasses et le dôme, alors que l'assureur peut seulement limiter mais non exclure la garantie des dommages causés par la faute de l'assuré ; Mais attendu que l'arrêt retient exactement que l'assurance souscrite par la SIC n'était pas une assurance couvrant la responsabilité professionnelle que l'assurée pouvait encourir en sa qualité d'entrepreneur ; qu'elle avait pour objet, selon les conditions particulières, de garantir la qualité d'un produit d'étanchéité et d'isolation fabriqué par la SIC et dont les procédés d'utilisation avaient été, à la demande de la société, définis et formulés dans un cahier des charges par un expert, le bureau Véritas, lequel avait, en outre, fait une "analyse de risque" limitée à l'utilisation du produit conforme à ces procédés ; qu'il était stipulé, sous le titre "modalités de fonctionnement de la garantie", que l'assuré devait observer, "sous peine de non-garantie, les clauses et conditions de la convention passée avec l'expert" et, sous le titre "exclusions spécifiques", qu'étaient exclus de la garantie "les désordres consécutifs à l'inobservation des consignes prévues dans le cahier des charges" ; que la cour d'appel, qui a procédé à la recherche qu'il lui est reproché d'avoir négligée, a retenu à juste titre que cette clause ne vidait pas de sa substance le contrat d'assurance ; que, par ces motifs qui rendent inopérant le second grief, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que les moyens ne peuvent donc être accueillis ; Sur le second moyen du pourvoi principal de l'Association Memorial de Fleury :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt attaqué, qui a retenu que le cahier des charges n'autorisait l'emploi du produit que sur
des pentes comprises entre 3 % et 15 % et par une témpérature comprise entre 18 et 30 degrés, d'en avoir dénaturé les stipulations qui précisaient seulement qu'il s'agissait là des normes idéales d'utilisation et qui autorisaient l'emploi du produit à une température se situant entre 5 et 40 degrés ; Mais attendu qu'au vu des conclusions de l'expert, la cour d'appel a relevé non seulement que le produit avait été appliqué sur des surfaces dont la pente était, pour les unes, très inférieure, pour les autres, très supérieure aux normes conseillées par le cahier des charges, mais encore qu'il avait été utilisé sur un "support humide" et par "un temps humide", alors que son emploi n'était recommandé que sur un "support sec" et par "temps sec" ; que, par suite, c'est sans dénaturer le cahier des charges que l'arrêt retient que le produit n'avait pas été utilisé conformément aux prescriptions de ce document ; que le moyen ne peut davantage être accueilli ; Mais sur le second moyen du pourvoi provoqué :
Vu l'article 1382 du Code civil ; Attendu que pour débouter M. Martin du Y... de son recours contre la SIC, l'arrêt attaqué énonce que nul ne peut se faire garantir des fautes qu'il a personnellement commises ; qu'il n'en demeure pas moins que dans l'hypothèse où l'association Memorial de Fleury réclamerait la totalité de son paiement à M. Martin du Y..., celui-ci aurait un recours contre la SIC à concurrence de 50 %, mais que cette possibilité n'a pas à figurer dans le dispositif de l'arrêt puisqu'elle lui appartiendrait de plein droit en vertu des dispositions des articles 1213 et 1214 du Code civil ; Attendu, cependant, qu'en évaluant à 50 % le recours possible de M. Martin du Y... contre la SIC, la cour d'appel a considéré, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que la responsabilité des dommages subis par le maître de l'ouvrage devait être répartie par moitié entre l'entrepreneur et l'architecte ; qu'il s'en déduisait nécessairement que la demande en garantie de M. Martin du Y... contre la SIC, représentée par son liquidateur, devait être accueillie à hauteur de la moitié des condamnations prononcées contre lui ; qu'en se déterminant comme elle a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ; Et attendu qu'il y a lieu, conformément à l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ; PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Martin du Y... de sa demande en garantie contre la Société
industrielle de construction, l'arrêt rendu le 18 janvier 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DIT que, dans les rapports entre la Société industrielle de construction et M. Martin du Y..., la charge définitive des condamnations prononcées contre eux, in solidum, est répartie entre eux à parts égales ;