LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Leluan frères, société anonyme, Entreprise de maçonnerie, dont le siège social est sis à Valognes (Manche), ...,
en cassation d'un jugement rendu le 28 septembre 1988 par le conseil de prud'hommes de Cherbourg (section industrie), au profit de M. Maurice X..., demeurant à Montebourg (Manche), ...,
défendeur à la cassation ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 février 1992, où étaient présents :
M. Cochard, président, M. Vigroux, conseiller rapporteur, M. Monboisse, conseiller, Mlle Y..., M. Laurent-Atthalin, conseillers référendaires, M. Picca, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Vigroux, les observations de Me Choucroy, avocat de la société Leluan frères, les conclusions de M. Picca, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! - Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Cherbourg, 28 septembre 1988) et les pièces de la procédure, qu'à la suite de son licenciement le 29 novembre 1986 pour inaptitude physique consécutive à un accident du travail, M. X... a réclamé à la société Leluan frères, son ancien employeur, un complément à l'indemnité spéciale de licenciement qu'il avait perçue, en soutenant que celle-ci devait être calculée en tenant compte de la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle qui prévoit une majoration de 1/15e de mois par année d'ancienneté au-delà de dix ans ; Attendu que la société fait grief au jugement d'avoir accueilli la demande du salarié alors, selon le moyen, d'une part, que ce n'est pas la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 mais celle n° 81-3 du 7 janvier 1981 (articles L. 122-32-1 et suivants du Code du travail) qui prévoit la possibilité pour l'employeur de licencier un salarié déclaré inapte à reprendre son emploi du fait d'un accident du travail lorsque ledit employeur justifie de l'impossibilité où il se trouve de proposer à l'intéressé un emploi approprié à ses capacités, de sorte que viole le premier de ces textes, le jugement attaqué qui déclare que M. X... ayant été inapte à reprendre son emploi après consolidation, "la société Leluan frères était en droit de procéder à son licenciement, faute de pouvoir lui trouver un reclassement pour cas de force majeure et ceci conformément à la loi du 19 janvier 1978" ; et alors, d'autre part, que l'article L. 122-32-6 du Code du travail
dispose que l'indemnité spéciale de
licenciement qu'il institue est égale, sauf disposition conventionnelle plus favorable, au double de l'indemnité de licenciement prévue par l'article L. 122-9 du même code et non au double de celle visée à la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978, qu'en outre l'indemnité de licenciement visée à la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 est d'un montant inférieur au double de l'indemnité prévue à l'article L. 122-9 du Code du travail, de sorte que viole ces textes, le jugement attaqué qui, pour le calcul de l'indemnité spéciale de licenciement due à M. X..., licencié du fait de son inaptitude à la suite d'un accident du travail et dont le reclassement dans l'entreprise était impossible, fait application de la loi du 19 janvier 1978 ; Mais attendu, en premier lieu, que le salarié ne contestant pas la régularité de son licenciement, le moyen en sa première branche est inopérant ; Attendu en second lieu que l'article L. 122-32-6 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 89-18 du 13 janvier 1989, dispose que l'indemnité spéciale de licenciement, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue à l'article L. 122-9 "ou par l'article 5 de l'accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977 annexé à la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle s'il remplit les conditions fixées pour bénéficier de cet accord" ; qu'en complétant, par la référence à l'article 5 de l'accord interprofessionnel annexé à la loi du 19 janvier 1978, l'article L. 122-32-6 du Code du travail dont la rédaction était susceptible de controverse, la loi du 13 janvier 1989, qui se borne à reconnaître un état de droit préexistant, revet un caractère interprétatif des dispositions anciennes ; qu'ainsi le jugement attaqué se trouve légalement justifié ; D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;