LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Matal, Froid industriel, société anonyme, dont le siège social est ... (Loire-Atlantique),
en cassation d'un arrêt rendu le 10 janvier 1991 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre), au profit de :
1°) M. Maurice X..., demeurant ...,
2°) l'Association pour l'Emploi dans l'Industrie et le Commerce (ASSEDIC Atlantique-Anjou), ayant ses bureaux ... (Maine-et-Loire),
défendeurs à la cassation ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 30 janvier 1992, où étaient présents :
M. Waquet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Bèque, conseiller rapporteur, M. Pierre, conseiller, Mmes Sant, Bignon, Kermina, conseillers référendaires, M. Picca, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Bèque, les observations de la SCP Desaché et Gatineau, avocat de la société Matal, de Me Boullez, avocat des ASSEDIC Atlantique-Anjou, les conclusions de M. Picca, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le premier moyen :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Rennes 10 janvier 1991) que M. X..., engagé le 10 octobre 1983 par la société Matal en qualité d'ingénieur technico-commercial export, a été licencié pour motif économique par lettre du 5 janvier 1987 ; Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement pour motif économique du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné la société Matal au paiement de six mois de salaire à titre de dommages et intérêts ainsi qu'au remboursement des indemnités de chômage aux organismes concernés dans la limite de six mois ; alors selon le moyen d'une part, qu'il n'est pas contesté que la société Matal a enregistré en 1985-1986 une chute brutale de son chiffre d'affaires et que pour supprimer le déficit d'exploitation, la société a dû procéder en mai 1986 à une compression des effectifs et à un réaménagement de ses services ; que pour décider néanmoins que le licenciement en décembre 1986 de M. X... était dépourvu de cause économique, l'arrêt attaqué a retenu que le service export auquel appartenait ce salarié était maintenu dans son intégralité et que son licenciement était sans lien avec la réduction d'effectifs de mai 1986 ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme l'y invitait la société
dans ses conclusions d'appel, si l'emploi de M. X..., dont les fonctions devaient après son départ être réparties entre deux salariés déjà présents dans l'entreprise, n'avait pas été supprimé dans le cadre d'une nouvelle série de licenciements économiques intervenus fin 1986 début 1987, destinés à alléger les charges de l'entreprise et ayant atteint le serviceexport dont faisait partie M. X..., la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article L. 321-1 du Code du travail ; alors d'autre part que l'employeur est, sauf détournement de pouvoir, seul juge de l'opportunité des mesures à prendre en vue de remédier aux difficultés économiques de l'entreprise ; qu'en estimant d'une part qu'il aurait suffi en l'espèce de ne pas remplacer Courtonne par Daniaud, "de ne pas exiger de M. X... qu'il mette au courant ses propres remplaçants" et en énonçant d'autre part que les déficits d'exploitation constatés sur les exercices 1984-1985 et 1985-1986 ne justifiaient absolument pas la cause économique prétendue être celle du licenciement de M. X..., les juges du fond ont substitué à celle de la société leur appréciation de l'opportunité du licenciement de M. X... et ont violé l'article L. 321-1 du Code du travail ; alors enfin qu'en estimant que le compte rendu de l'entretien préalable du 18 décembre 1986 "laisserait apparaitre que le société entendait se séparer de M. X... pour d'autres raisons qu'elle n'a pas invoquées, et dont rien ne permet de dire qu'elles étaient réelles et sérieuses", la cour d'appel a déduit un motif dubitatif insusceptible d'établir que le licenciement était intervenu pour un motif fallacieux inhérent à la personne du salarié, et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-4 et L. 321-1 du Code du travail ; Mais attendu que la cour d'appel, abstraction faite de tous autres motifs, a constaté, par des motifs dénués de tout caractère dubitatif que la cause réelle du licenciement était inhérente à la personne de salarié ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt d'avoir assorti la condamnation au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de celle du versement des intérêts légaux
à compter du 4 septembre 1987, date de la demande en justice, sans caractériser l'existence d'un préjudice distinct du simple retard alors, selon le moyen, que les intérêts moratoires afférents au montant de la condamnation à l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ont pour point de départ le jour du prononcé de la décision fixant le montant de la condamnation ; qu'en faisant courir de la date de la demande les intérêts légaux afférents à la condamnation au paiement de l'indemnité pour rupture injustifiée, sans caractériser l'existence d'un préjudice distinct du simple retard, l'arrêt a violé l'article 1153 du Code civil ; Mais attendu qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 1153-1 du Code civil dans sa rédaction de la loi du 5 juillet 1985 applicable Ã
la cause, le juge d'appel peut toujours déroger à la règle selon laquele les intérêts de l'indemnité courent de la date de sa décision ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;