LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Sur le pourvoi formé par la société d'Exploitation des établissements Barth Hemry "SEBH", dont le siège social est ... au Perreux-Sur-Marne (Val-de-Marne), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés audit siège,
en cassation d'un arrêt rendu le 29 mai 1990 par la cour d'appel de Paris (16e chambre, section A), au profit de la société à responsabilité limitée Cotrex, dont le siège social est ... (19ème),
défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 11 février 1991, où étaient présents : M. Senselme, président, M. Beauvois, conseiller rapporteur, MM. Chevreau, Valdès, Capoulade, Deville, Darbon, Mme Giannotti, M. Aydalot, Mlle Fossereau, M. Chemin, conseillers, M. Chapron, conseiller référendaire, M. Vernette, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Beauvois, les observations de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la SEBH, de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de la société Cotrex, les conclusions de M. Vernette, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique, pris en ses deux dernières branches : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 mai 1990), que la société Cotrex, entrepreneur principal, chargée par la société Symtex, maître de l'ouvrage, de la réalisation de travaux, a sous traité ceux-ci à la société d'exploitation des établissements Barth Hemry (SEBH) ; que cette société ayant assigné l'entrepreneur principal en paiement du solde de ses travaux, la société Cotrex a prétendu retenir, sur ce solde, le coût des pénalités de retard qu'elle avait du verser au maître de l'ouvrage, ainsi que le prix de travaux de reprise rendus nécessaires par des inexécutions ou des malfaçons ; Attendu que la SEBH fait grief à l'arrêt de déduire ce prix de sa créance, alors, selon le moyen, 1°) qu'en cas d'inexécution, le créancier ne peut prétendre au remboursement des dépenses qu'il a faites à la place de son débiteur, s'il n'a pas préalablement obtenu l'autorisation d'y procéder ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1144 du Code civil ; 2°) qu'en s'abstenant, en toute hypothèse, de rechercher si le sous-traitant avait été mis en demeure d'effectuer les travaux facturés par d'autres sous-traitants, la cour d'appel a privé sa
décision de toute base légale au regard de l'article 1146 du Code civil ; Mais attendu, d'une part, que la SEBH n'ayant pas invoqué, dans ses conclusions d'appel, l'absence d'autorisation de l'entrepreneur principal pour procéder aux travaux de reprise, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable de ce chef ; Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que le bon de commande adressé le 15 juillet 1986 par la société Cotrex à la SEBH indiquait que les travaux devaient commencer immédiatement et être terminés pour le 15 septembre 1986, que le 29 août 1986, la société Cotrex avait transmis à son sous-traitant une mise en demeure, dans laquelle l'architecte du maître de l'ouvrage se plaignait de la non exécution de certains
travaux et de l'insuffisance de personnel sur le chantier, que malgré cette mise en demeure, la SEBH ne justifiait d'aucune mesure prise à cette occasion, qu'une nouvelle mise en demeure, envoyée à la société Cotrex le 27 octobre, exigeait l'exécution des travaux pour le 31 octobre et que le procès-verbal de réception du 18 novembre 1986 contenait, sur les travaux dont SEBH avait la charge, un certain nombre de réserves, la cour d'appel, qui a ainsi relevé que cette entreprise avait laissé passer le temps dans lequel elle pouvait accomplir ses obligations, a légalement justifié sa décision de ce chef ; Mais sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches : Vu l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu que pour reconnaître à la société Cotrex le droit d'imputer sur la somme restant due à la SEBH le montant des indemnités de retard versées au maître de l'ouvrage, l'arrêt énonce que l'importance du retard, comme les multiples avis antérieurement donnés à la société SEBH, engage la responsabilité de celle-ci, même en l'absence de stipulation précise du bon de commande, alors que celui-ci indiquait clairement l'urgence des travaux et le délai imparti pour les accomplir ; Qu'en statuant ainsi, alors que la demande de la société Cotrex reposait sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le fondement juridique retenu, n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a reconnu à la société Cotrex le droit d'imputer le montant des indemnités de retard sur les sommes dues à la SEBH, l'arrêt rendu le 29 mai 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;
Condamne la société Cotrex, envers la société SEBH, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du onze mars mil neuf cent quatre vingt douze.