LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Paris, dont le siège est ... (Seine-Saint-Denis),
en cassation d'un arrêt rendu le 3 octobre 1988 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, au profit de la société Fiduciaire George V, société anonyme, dont le siège social est à Paris (8ème), ...,
défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 23 janvier 1992, où étaient présents :
M. Cochard, président, Mme Bignon, conseiller référendaire rapporteur, MM. Y..., X..., Hanne, Berthéas, Lesage, Pierre, conseillers, Mmes Barrairon, Chaussade, Kermina, conseillers référendaires, M. Kessous, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Bignon, les observations de la SCP Desaché et Gatineau, avocat de l'URSSAF de Paris, de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la société Fiduciaire George V, les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le premier moyen ; Attendu qu'à la suite d'un contrôle, l'URSSAF a réintégré notamment dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale dues au titre de la période de novembre 1983 au 31 décembre 1985 par la société Fiduciaire Georges V, le montant des cotisations dues à l'ordre des experts comptables qu'elle avait prises en charge pour le compte d'un de ses experts comptables salariés ; que l'URSSAF fait grief au jugement attaqué d'avoir annulé ce redressement, alors que les cotisations dues par un expert comptable à son ordre ne constituent pas des frais professionnels au sens de l'arrêté du 26 mai 1975 car le paiement de ces cotisations n'est pas une charge "de caractère spécial inhérente à la fonction ou à l'emploi" mais une obligation légale née de la profession et permettant d'utiliser un titre ; que la prise en charge par l'employeur des cotisations dues à son ordre par un salarié expert comptable constitue donc un avantage en argent qui doit être intégré dans l'assiette des cotisations ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal a violé l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale et l'article 1er de l'arrêté du 26 mai 1975 ; Mais attendu que les frais professionnels s'entendent des sommes destinées à couvrir les travailleurs salariés des charges de caractère spécial inhérentes à leur fonction ou à leur emploi ; qu'en retenant que les cotisations à l'ordre des experts comptables dues par un expert comptable employé en qualité de collaborateur salarié par une société anonyme d'expertise comptable constituaient des charges de cette nature dès lors que l'appartenance de l'intéressé à l'ordre, sans être motivée par le respect des règles
légales régissant la composition d'une telle société, était liée à son activité salariée, le tribunal a fait une exacte application du texte précité ; Mais sur le second moyen :
Vu les articles L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, et 1° de l'arrêté interministériel du 26 mai 1975 ; Attendu que pour annuler partie du redressement effectué par l'URSSAF ayant réintégré dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale pour la période du mois de novembre 1983 au 31 décembre 1985 les cotisations, prises en charge par la société Fiduciaire Georges V, dues par un de ses experts comptables salariés à la caisse d'allocations vieillesse des experts comptables (CAVEC), la décision attaquée énonce essentiellement que si ces cotisations n'ont pas la nature de frais professionnels autorisant une exonération, les cotisations des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite ou de prévoyance sont exclues de l'assiette des cotisations dans la limite du plafond de la sécurité sociale ; Attendu cependant que la prise en charge de la cotisation à la CAVEC, cotisation d'assurance vieillesse du régime des travailleurs non salariés, dont est personnellement redevable, en vertu de l'article 27 bis de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, un expert comptable employé par une société d'expertise comptable, n'est pas assimilable à la contribution de l'employeur au financement de prestation complémentaire de retraite ou de prévoyance entrant dans les prévisions de l'article L. 242-1, alinéa 4, du Code de la sécurité sociale ; D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS ; CASSE ET ANNULE, mais seulement du chef de la prise en charge des cotisations à la CAVEC, le jugement rendu le 3 octobre 1988, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre ; Laisse à chaque partie la charge respective de ses propres dépens ; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, en marge ou à la suite du jugement partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du cinq mars mil neuf cent quatre vingt douze.