AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Y... "Le Comptoir aux occasions", demeurant à Nantes (Loire-Atlantique), ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 10 janvier 1991 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre sociale), au profit de M. Mohamed X..., demeurant à Nantes (Loire-Atlantique), ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 16 janvier 1992, où étaient présents : M. Waquet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Bèque, conseiller rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, Mlle Sant, Mme Marie, conseillers référendaires, M. Kessous, avocat général, Mme Molle-de Hédouville greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Bèque, les observations de Me Blanc, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., engagé par M. Y... le 1er janvier 1984 à temps partiel en qualité de manutentionnaire, puis affecté à partir du 1er avril 1985 à plein temps au poste de vendeur-livreur, a été licencié par lettre du 19 juin 1987 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 10 janvier 1991) de l'avoir condamné à payer au salarié des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen, d'une part, que seuls les faits compris dans les avertissements adressés au salarié ne peuvent être ultérieurement invoqués à l'appui du licenciement ; que, parmi les griefs adressés à M. X... dans la lettre du 10 juin, un incident chez un client lors du montage d'une table de jardin, son incompétence lors de livraisons et son incorrection envers les clients n'avaient pas donné lieu aux avertissements, que la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-3 du Code du travail ; alors, d'autre part, qu'un avertissement ne s'oppose pas à ce que les faits dénoncés soient invoqués ultérieurement à l'appui du licenciement si cet avertissement a été présenté par l'employeur comme un simple avis ou une mesure provisoire dans l'attente d'une décision définitive ; qu'en l'espèce, dès son premier avertissement du 14 mai 1987, l'employeur avait annoncé au salarié : "une décision sera prise ultérieurement à votre sujet" ; alors enfin, que les faits ayant fait l'objet d'un avertissement peuvent encore être invoqués à l'appui du licenciement si de nouveaux griefs sont apparus ; qu'en l'espèce, M. Y... avait invoqué l'incident du montage de la table de jardin survenu le 10 juin 1987 et la tentative de M. X..., le 23 juillet 1987, de vendre pour son propre compte des produits chimiques dangereux appartenant à son employeur ;
Mais attendu que s'agissant d'un licenciement disciplinaire, l'article L. 122-14-2 du Code du travail, dans sa rédaction alors applicable, fait obligation à l'employeur d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement, faute de quoi le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse ;
Et attendu que la cour d'appel a relevé que la lettre de licenciement adressée au salarié n'énonçait aucun grief ; que par ce seul motif elle a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y..., envers M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt sept février mil neuf cent quatre vingt douze.