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26/02/1992 | FRANCE | N°90-40761

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 février 1992, 90-40761


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,

a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Koenig levage manutention, société anonyme, ayant son siège social ... (Haut-Rhin), en liquidation des biens, représentée par son syndic Me Y..., demeurant ... (Haut-Rhin),

en cassation d'un arrêt rendu le 23 novembre 1989 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale), au profit de Mme Liliane X..., demeurant ... (Bas-Rhin),

défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 28 janvier 1992, où éta

ient présents : M. Cochard, président, M. Waquet, conseiller rapporteur, MM. Saintoyant, Lecante,...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,

a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Koenig levage manutention, société anonyme, ayant son siège social ... (Haut-Rhin), en liquidation des biens, représentée par son syndic Me Y..., demeurant ... (Haut-Rhin),

en cassation d'un arrêt rendu le 23 novembre 1989 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale), au profit de Mme Liliane X..., demeurant ... (Bas-Rhin),

défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 28 janvier 1992, où étaient présents : M. Cochard, président, M. Waquet, conseiller rapporteur, MM. Saintoyant, Lecante, Renard-Payen, Boittiaux, Bèque, Pierre, Boubli, conseillers, Mme Béraudo, M. Bonnet, Mme Marie, M. Laurent-Atthalin, Mme Kermina, M. Choppin de Janvry, conseillers référendaires, M. Graziani, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Waquet, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de la société Koenig Levage manutention, de Me Vincent, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Graziani, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que la société Koening Levage Manutention (KLM) possède un établissement secondaire à Illkirch ; que les salariés de cet établissement, dont les salaires du mois de mai 1985 n'étaient pas payés, se sont mis en grève au début du mois de juillet 1985 ; que cette grève a pris fin par un protocole d'accord signé,en présence de l'inspecteur du travail, le 19 juillet 1985 ; que l'employeur n'ayant pas tenu les engagements qu'il avait pris et privant leur établissement des moyens de travailler, les salariés ont de nouveau cessé le travail le 18 septembre 1985 ; que se considérant comme licenciés en raison de la modification substantielle de leur contrat de travail, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir diverses sommes à titre de salaires, indemnités et dommages intérêts ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société fait grief à la cour d'appel d'avoir reconnu aux salariés le droit à une indemnité de préavis, à une indemnité de licenciement et à des dommages intérêts pour licenciement abusif alors que, selon le moyen, le fait imputé à des salariés grévistes d'occuper les locaux de l'entreprise et de séquestrer le matériel nécessaire à la poursuite de l'activité constitue une faute lourde ; que la cour d'appel s'est bornée à relever que l'employeur se serait contredit en indiquant d'une part qu'il n'y avait plus de travail et d'autre part que l'occupation de l'usine avait fait perdre de l'argent à l'entreprise ; que cette constatation n'infirmait nullement l'existence de l'occupation des locaux avec la sequestration du matériel qui constituent des fautes lourdes privatives de toute indemnité ; qu'en faisant néanmoins droit à la demande des salariés, la cour d'appel a violé les articles L. 122-8, L. 122-9, L. 122-14-4 et L. 521-1 du code du travail ;

Mais attendu que les juges du fond ont constaté que l'occupation

n'avait eu qu'un caractère symbolique et qu'aucune entrave n'avait été apportée par les grévistes à la liberté du travail ; qu'ils ont, dès lors, écarté à bon droit la faute lourde invoquée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société reproche encore à la cour d'appel d'avoir alloué aux salariés une indemnité au titre du repos compensateur alors que, selon le moyen d'une part, seules les heures de travail effectives sont à retenir pour le calcul du repos compensateur, ce qui exclut les périodes d'inaction de trajet ou les pauses autorisées même si elles sont rémunérées en heures de travail ; qu'en refusant de prendre en considération les périodes de repos et de les exclure du calcul des repos compensateurs, ce qui aurait démontré que les salariés n'avaient aucun droit à ce titre, la cour d'appel a violé les articles L. 212-4 et L. 212-5-1 du Code du travail ; alors que, d'autre part, le salarié s'était borné dans ses conclusions d'appel à invoquer l'existence d'un accord intervenu le 20 août 1985 avec l'employeur lequel se serait engagé à opérer une régularisation ; qu'en relevant d'office le moyen tiré du défaut d'information régulière par l'employeur du droit des salariés au bénéfice du repos compensateur, sans ordonner la réouverture des débats pour provoquer les explications des parties, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, enfin, la renonciation à un droit ne se présume pas ; que la cour d'appel, par appropriation des motifs du jugement, a relevé que le paiement des repos compensateurs par la société KLM était l'un des points règlés par la transaction du 19 juillet 1985 ; que faute d'avoir constaté que par la signature de cet accord l'employeur avait renoncé à se prévaloir des dispositions légales relatives au repos compensateur qui n'est attribué qu'en raison d'heures effectives de travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté qu'elle avait la justification des heures supplémentaires effectuées et que l'employeur n'opposait aucun argument de fait au calcul effectué par les premiers juges ; que par ces seuls motifs, elle a légalement justifié sa décision ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu enfin qu'il est reproché à la cour d'appel d'avoir alloué aux salariés le paiement des jours de grève alors que, selon le moyen, le salaire n'est dû par l'employeur qu'en contrepartie d'un travail effectif du salarié ; que la grève suspendant

l'exécution du contrat de travail, aucun salaire n'est dû pendant la durée de l'arrêt de travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 521-1 du Code du travail ;

Mais attendu que les juges du fond ont relevé que la société KLM avait totalement abandonné l'exécution de l'accord conclu avec les salariés à l'issue de la précédente grève déclenchée en juillet 1985, qu'elle avait enlevé les moyens permettant à l'établissement d'Illkirch de fonctionner normalement et qu'elle s'était dérobée à ses obligations essentielles en privant ses salariés des moyens d'accomplir leur prestation de travail ; qu'en l'état de ces constatations, ils ont caractérisé la situation

contraignante, dans laquelle les salariés se sont trouvés, les obligeant à cesser le travail pour revendiquer le respect de leurs droits essentiels directement lésés par le manquement grave et délibéré de l'employeur à ses obligations et ils ont, à bon droit, condamné la société à indemniser les grévistes de la perte de leurs salaires ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 35 de la loi du 13 juillet 1967 applicable en la cause ;

Attendu que l'arrêt condamne la société KLM en liquidation des biens, représentée par son syndic, à payer à la salariée un montant réparti ainsi qu'il suit : 38 841,09 F à titre de créance dans la masse, 44 420,54 francs F à titre de créance contre la masse ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle pouvait seulement, pour la partie constituant une créance dans la masse, décider de l'admission de la créance et de son montant, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé ;

Vu l'article 327 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la cassation limitée à ce chef du dispositif, n'implique pas qu'il soit à nouveau statué, les faits, tels qu'ils ont été souverainement

constatés et appréciés par les juges du fond permettant à la Cour de Cassation d'appliquer la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société KLM et son syndic à payer la somme de 38 841,09 francs, l'arrêt rendu le 23 novembre 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Fixe à 38 841,09 francs la créance de Mme X... ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Colmar, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt six février mil neuf cent quatre vingt douze.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 90-40761
Date de la décision : 26/02/1992
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (chambre sociale), 23 novembre 1989


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 fév. 1992, pourvoi n°90-40761


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:90.40761
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