LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf février mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller GUTH, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ et de Me RAVANEL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GALAND ; Statuant sur le pourvoi formé par :
Z... Jean, K
contre l'arrêt de la cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, en date du 7 mars 1991 qui, pour violation de domicile et vol, l'a condamné à la peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis et à celle de 5 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; d Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 184 du Code pénal, 1134 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable de violation de domicile et l'a en conséquence condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 francs d'amende ainsi qu'à des réparations civiles ; "aux motifs adoptés que, pour se disculper d'avoir pénétré le 19 mars 1985, en forçant la porte, dans l'immeuble qu'il avait vendu à X... en se réservant le droit de continuer à l'occuper jusqu'à une certaine date, Delahaye, qui avait déménagé le 6 mars de ce domicile dont il n'avait qu'un usage précaire, "argue d'un accord qui serait intervenu entre "lui et X... aux termes duquel l'occupation précaire de son fait était prorogée jusqu'au 31 mars 1985 ; mais que si un protocole d'accord en ce sens a été établi par les conseils des parties, il paraît n'avoir finalement jamais obtenu leur agrément et fait l'objet d'un accord définitif et signé" ; qu'en outre, en déménageant le 6 mars 1985, il avait abandonné l'usage précaire du domicile en cause ; "alors que, d'une part, l'incertitude dans les motifs d'un jugement équivaut à leur insuffisance et entraîne la nullité de la décision ; que la cour d'appel, qui, pour retenir à l'encontre du prévenu le délit de violation de domicile, énonce que si un protocole d'accord a été établi par les conseils des parties pour lui permettre d'occuper les lieux, "il paraît "n'avoir pas obtenu leur agrément, statue par des motifs dubitatifs et prive sa décision de base légale ; "alors que, d'autre part, en soumettant la validité du protocole litigieux à la condition qu'il fût signé par les partie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, en ajoutant à l'article 1134 du Code civil une condition qu'il ne comporte pas ; "et alors enfin que, en ne s'expliquant pas sur le moyen tiré de ce que la partie civile avait assigné le prévenu en référé pour faire procéder à la reprise des lieux le lendemain des faits, d'où il résultait qu'elle admettait qu'à cette date il occupait encore les lieux, constitutifs dès lors de son propre domicile, au moins de fait, la Cour a violé l'article 593 du Code de procédure pénale" ; d
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, que Delahaye a vendu son immeuble aux époux X... le 22 juin 1984 ; que Delahaye s'est maintenu dans les lieux jusqu'au 6 mars 1985, date de son déménagement, constaté par huissier le 14 mars 1985, à la requête de X... ; que néanmoins Delahaye s'est introduit à nouveau dans l'immeuble le 19 mars 1985, après avoir fait appel à un serrurier, qui a dû forcer la serrure posée par X... ; Attendu que les juges du second degré ont, d'une part, ainsi caractérisé sans aucune insuffisance, le délit de violation de domicile retenu à la charge de Delahaye et n'ont pas méconnu les dispositions de l'article 1134 du Code civil ; que, d'autre part, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre le demandeur dans le détail de son argumentation, a répondu aux chefs péremptoires de ses conclusions, qui se bornaient à faire allusion à une procédure de référé, concomitante ou postérieure, au délit de violation de domicile, mais sans incidence sur l'existence de cette infraction ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 379 du Code pénal, 525 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable de vol et l'a en conséquence condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 francs d'amende ainsi qu'à des réparations civiles ; "aux motifs qu'"il ressort notamment des photographies contenues dans le rapport d'expertise joint au dossier et des déclarations des parties que les meubles enlevés faisaient partie d'un ensemble ; que, notamment, le comptoir était encastré dans le carrelage de telle manière que son enlèvement détériorerait ce carrelage et nécessiterait une réfection partielle, voire totale, de celui-ci ; que le fait que ces éléments constituaient un ensemble et certains d'entre eux présentaient, de par leur fixation (comptoir) une adhérence apparente et durable révélant l'intention du propriétaire de l'attacher à perpétuelle demeure, démontre que ces meubles étaient devenus des immeubles par destination ; ce qui est d'ailleurs corroboré par le d fait que le propre vendeur de Delahaye lui avait cédé la maison avec ces meubles de cuisine et que, lors de la mise en vente par Delahaye, les agents immobiliers avaient été chargés par Delahaye de la vente de l'immeuble avec cuisine équipée et que si l'inventaire établi par la suite ne fait pas mention des éléments litigieux, c'est uniquement, comme l'a indiqué Mme Y..., agent ayant procédé à la vente, que les éléments scellés aux murs n'y sont pas inclus" ; "alors que des éléments préfabriqués de cuisine ne peuvent être compris parmi les meubles attachés a perpétuelle demeure, même si leur enlèvement nécessite au besoin quelques travaux de carrelage ; que la cour d'appel, qui relève que les éléments de cuisine étaient simplement "encastrés" et qu'un seul élément nécessiterait d'éventuels travaux de réfection du carrelage, ne pouvait juger qu'ils avaient été attachés à perpétuelle demeure, sans violer
l'article 525 du Code civil et en déduire qu'ils constituaient la chose d'autrui pour avoir été vendue par le prévenu à la partie civile avec l'immeuble, en violation de l'article 379 du Code pénal ; "et alors que, en toute hypothèse, la circonstance qu'il puisse exister un doute à cet égard eût dû commander aux juges du fond de s'interroger sur l'intention coupable" ; Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, reproduites pour partie au moyen, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance, caractérisé en tous ses éléments le délit de vol dont elle a déclaré coupable le demandeur ; Que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Condamne le demandeur aux dépens ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; d
Où étaient présents :
M. Le Gunehec président, M. Guth conseiller rapporteur, MM. Diémer, Malibert, Guilloux, Massé, Fabre, Pinsseau conseillers de la chambre, M. B..., Mme A..., M. Echappé conseillers référendaires, M. Galand avocat général, Mme Ely greffier de chambre ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;