AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°) M. Sadia X..., demeurant ... à Saint-Fons (Rhône),
2°) la société à responsabilité limitée Benson, société en formation dont le siège social est à Lyon (6e) (Rhône), ... d'Or,
en cassation d'un arrêt rendu le 15 décembre 1988 par la cour d'appel de Lyon (1re Chambre civile), au profit :
1°) de M. Z..., pris ès qualités de syndic de la liquidation des biens de la société à responsabilité limitée Whisky club, demeurant ... (2e) (Rhône),
2°) de Mme Anays Y..., ayant élection de domicile au siège de la société La Régie Pitance, ... (3e) (Rhône),
défendeurs à la cassation ;
En présence de la société Le Français, Cinéma Le Ritz, dont le siège est à Lyon (6e) (Rhône), 31, Cours Vitton ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 7 janvier 1992, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Pasturel, conseiller rapporteur, M. Hatoux, conseiller, M. Jeol, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Pasturel, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. X... et de la société Benson, de la SCP Defrenois et Lévis, avocat de Mme Y..., de Me Thomas-Raquin, avocat de la société Le Français, Cinéma Le Ritz, les conclusions de M. Jeol, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
! Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 décembre 1988), qu'après la mise en liquidation des biens de la société Le Whisky club, M. X... a offert de se porter acquéreur du fonds de commerce exploité par la débitrice dans un local donné à bail par Mme Y..., l'acquisition étant suspendue à la double condition de l'obtention du transfert de la licence et de l'octroi d'un prêt d'un certain montant ; que la cession a été autorisée par le juge-commissaire mais que, la propriétaire ayant manifesté son opposition à la vente envisagée, le syndic, par lettre du 30 mars 1983, a mis M. X... en demeure de passer l'acte de vente dans les huit jours ou de restituer les clefs qu'il lui avait confiées contre le versement d'un acompte ; qu'après avoir procédé à cette restitution le 18 avril 1983, M. X... a assigné le syndic et la propriétaire du local pour qu'il soit jugé que la vente était parfaite et que Mme Y... était tenue de lui consentir un nouveau bail ; que la société Le Français, cinéma Le Ritz, à qui le fonds avait été finalement cédé, a été appelée en intervention forcée ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la
renonciation à un droit ne se présume pas mais doit résulter d'actes manifestant sans équivoque la volonté de la part de son auteur d'y renoncer ; que le fait pour M. X... d'avoir restitué les clefs du local commercial après que le syndic l'eut informé du refus de la propriétaire de l'immeuble de l'admettre comme locataire n'impliquait pas de sa part la renonciation à l'acquisition du fonds de commerce, et ce d'autant moins qu'il n'a pas été constaté que M. X... eût su que le refus de la propriétaire était illégitime et qu'il était possible d'y passer outre tandis qu'il avait peu après manifesté de façon expresse une volonté contraire en saisissant le tribunal pour voir constater que la vente avait été parfaite ; qu'en déclarant qu'en restituant les clefs, M. X... avait manifesté qu'il était dans l'impossibilité de satisfaire à ses obligations contractuelles et qu'il n'avait pas l'intention de réaliser la vente, c'est-à-dire qu'il y aurait renoncé, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que, par lettre du 30 mars 1986 adressée au conseil de M. X..., le syndic avait mis en demeure ce dernier de réaliser l'acte sous huit jours ou de restituer les clefs du local ; que, par une lettre postérieure du 31 mars 1983, il était revenu sur cette décision en avisant M. X... que la propriétaire des murs avait refusé de l'admettre comme nouveau locataire et que ce refus lui semblait rendre impossible la cession à moins d'un accord entre lui et elle ; qu'en décidant que, devant l'opposition à la vente par la propriétaire des murs, le syndic avait sommé l'acquéreur potentiel de régulariser l'acte dans les huit jours ou de lui restituer les clefs dès lors qu'au contraire l'opposition de la propriétaire des murs avait conduit le syndic à informer M. X... que la cession était impossible, la cour d'appel a dénaturé les lettres des 30 et 31 mars 1983, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, que M. X... avait fait valoir qu'il résultait de deux pièces versées par lui aux débats que la première condition suspensive, celle de l'obtention d'un prêt, avait été accomplie le 10 novembre 1982 et la seconde portant sur le transfert de la licence réalisée dès le 7 mars 1983 ; qu'en relevant que l'on ignorait si les
conditions suspensives avaient été ou non réalisées sans répondre à ces conclusions déterminantes dès lors que l'accomplissement de la condition suspensive rend la vente parfaite avec effet rétroactif au jour où l'engagement a été contracté, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient que M. X..., qui avait la possibilité de passer outre au refus de la propriétaire en demandant, s'il l'estimait infondé, une autorisation de justice, n'en a rien fait et qu'à la suite de la sommation de régulariser la cession, adressée par le syndic dans sa lettre du 30 mars 1983, il n'a pas exprimé l'intention de réaliser la vente en règlant ou en proposant le prix convenu et sur lequel il n'avait versé qu'un modeste acompte, mais a procédé à la restitution des clefs, manifestant par là-même qu'il était dans l'impossibilité de remplir ses obligations contractuelles ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, exemptes de dénaturation, la cour d'appel a pu estimer que M. X... n'avait plus l'intention d'acquérir le
fonds de commerce ; qu'elle a, ainsi, abstraction faite des motifs surabondants que critique la troisième branche, justifié légalement sa décision ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et la société Benson, envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix huit février mil neuf cent quatre vingt douze.