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18/02/1992 | FRANCE | N°87-12844

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 février 1992, 87-12844


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Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux X..., exploitants d'une station-service, ont conclu, avec la société Compagnie de raffinage et de distribution Total France (société Total), un contrat d'approvisionnement exclusif de carburant, dit RM7, spécifiant que lorsque les livraisons successives auraient atteint une quantité déterminée de produits, le contrat prendrait fin, le concessionnaire devant alors restituer au concédant le matériel de stockage prêté par ce dernier et installé dans le sous-sol de la station ; que les quantités stipulées ont été atteintes

en mai 1983, mais que les parties ont poursuivi leurs relations commercia...

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Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux X..., exploitants d'une station-service, ont conclu, avec la société Compagnie de raffinage et de distribution Total France (société Total), un contrat d'approvisionnement exclusif de carburant, dit RM7, spécifiant que lorsque les livraisons successives auraient atteint une quantité déterminée de produits, le contrat prendrait fin, le concessionnaire devant alors restituer au concédant le matériel de stockage prêté par ce dernier et installé dans le sous-sol de la station ; que les quantités stipulées ont été atteintes en mai 1983, mais que les parties ont poursuivi leurs relations commerciales jusqu'au 20 juin 1984, date à laquelle les époux X... ont informé la société Total de leur intention de ne pas renouveler la convention, mais ont refusé la restitution du matériel en offrant d'en payer la valeur résiduelle ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les époux X... reprochent encore à la cour d'appel d'avoit statué comme elle a fait, alors, selon le pourvoi, qu'en vertu de l'article 9, paragraphe 3, du règlement n° 17 du 6 février 1962 du Conseil de la Communauté économique européenne, violé par l'arrêt, une juridiction nationale est incompétente pour appliquer les dispositions des articles 85 et 86 du traité instituant la Communauté économique européenne, dès lors que la partie qui les invoque apporte la justification qu'une procédure est engagée devant les instances communautaires ;

Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit que la restriction résultant du paragraphe 3 de l'article 9 du règlement n° 17 du 6 février 1962 du Conseil de la Communauté économique européenne ne s'applique pas à la cour d'appel, statuant sur un recours formé contre un jugement du tribunal de commerce, qui ne constitue pas une " autorité d'un Etat membre " au sens dudit règlement ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Mais sur la seconde branche du troisième moyen :

Vu l'article 50, alinéa 1er, de l'ordonnance du 30 juin 1945, applicable en la cause ;

Attendu qu'en vertu de ce texte, les conventions, sous quelque forme et pour quelque cause que ce soit, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, sont nulles ;

Attendu que, pour débouter les époux X... de leur demande de nullité de la clause de restitution en nature du matériel d'installation, la cour d'appel a retenu que c'était à juste titre que la société Total poursuivait l'exécution de la clause contractuelle de restitution, sans laquelle une marque concurrente, dispensée des investissements et travaux que la compagnie a dû supporter pour la vente de ses carburants, bénéficierait d'un avantage injustifié ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'obligation de restitution en nature du matériel impose des travaux coûteux au revendeur de carburant, non justifiés par des nécessités techniques en raison de la durée de vie des cuves, et qu'elle est susceptible de le dissuader de traiter avec un autre fournisseur ; qu'elle est ainsi disproportionnée avec la fonction qui lui a été fixée de faire respecter l'exclusivité d'achat du carburant et constitue un frein à la concurrence d'autres fournisseurs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 1987, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 87-12844
Date de la décision : 18/02/1992
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Libre concurrence - Compétence judiciaire - Cour d'appel - Assimilation à une autorité d'un Etat membre (non).

1° Une cour d'appel statuant sur un recours formé contre un jugement du tribunal de commerce ne constitue pas une " autorité d'un Etat membre " au sens du règlement n° 17 du 6 février 1962 du conseil de la Communauté économique européenne.

2° REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Concurrence - Ordonnance du 30 juin 1945 - Entente - Conditions - Entrave à la concurrence - Appréciation - Pratique illicite - Accords de distribution - Contrat d'approvisionnement exclusif - Carburant - Clause de restitution en nature du matériel d'installation.

2° PETROLE - Produits pétroliers - Distribution - Carburants et lubrifiants - Contrat d'exclusivité conclu avec une société pétrolière - Cessation - Utilisation des cuves de stockage par le concessionnaire - Demande en nullité de la clause de restitution en nature - Clause contraire au droit de la concurrence.

2° En vertu de l'article 50, alinéa 1er, de l'ordonnance du 30 juin 1945, applicable en la cause, les conventions, sous quelque forme et pour quelque cause que ce soit, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, sont nulles. Viole ce texte la cour d'appel qui, pour débouter les exploitants d'une station-service de leur demande en nullité de la clause de restitution en nature du matériel d'installation stipulée au contrat d'approvisionnement exclusif conclu avec un fournisseur de produits pétroliers et résilié par les exploitants, retient que le fournisseur poursuit à juste titre l'exécution d'une telle clause sans laquelle une marque concurrente, dispensée des investissements et travaux que la compagnie a dû supporter pour la vente de ses carburants, bénéficierait d'un avantage injustifié, alors que l'obligation de restitution en nature du matériel impose des travaux coûteux au revendeur de carburant, non justifiés par des nécessités techniques en raison de la durée de vie des cuves, et qu'elle est susceptible de le dissuader de traiter avec un autre fournisseur, de sorte qu'elle est disproportionnée avec la fonction qui lui a été fixée de faire respecter l'exclusivité d'achat de carburant et constitue un frein à la concurrence d'autres fournisseurs.


Références :

Ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945 art. 50 al. 1
Règlement n° 17 du 06 février 1962 CONSEIL

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 janvier 1987


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 fév. 1992, pourvoi n°87-12844, Bull. civ. 1992 IV N° 78 p. 56
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1992 IV N° 78 p. 56

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard
Avocat général : Avocat général :M. Raynaud
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Bézard
Avocat(s) : Avocats :la SCP Lesourd et Baudin, la SCP Peignot et Garreau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:87.12844
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