AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège social est à Paris (15e), ..., prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
en cassation d'un arrêt rendu le 21 mars 1990 par la cour d'appel de Paris (19e chambre A), au profit :
1°/ de M. André Y...,
2°/ de Mme Francine Z... épouse Y...,
demeurant ensemble à Marcoussis (Essonne), chemin du Poteau Blanc,
3°/ de la compagnie d'assurances La Préservatrice Foncière, dont le siège social est à Paris La Défense (Hauts-de-Seine), immeuble PFA cédex 43,
4°/ de la société Alfonso et Alves, dont le siège est à Breuillet (Essonne), ...,
5°/ de M. Bernard A..., pris en sa qualité de syndic du règlement judiciaire de la société Chicot Tuileries de Saint-Rémy, demeurant à Poitiers (Vienne), 44, boulevard Pont Achard,
6°/ de M. Michel X..., pris en sa qualité de syndic du règlement judiciaire de la société Chicot Tuileries de Saint-Rémy, demeurant à Poitiers (Vienne), ...,
7°/ de la société Chicot Tuileries de Saint-Rémy, dont le siège est à Saint-Rémy-sur-Creuse (Vienne),
8°/ de la société Lambert Industries, dont le siège est à Cormeilles-en-Parisis (Val-d'Oise), ..., devenue la société Platres Lambert,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 janvier 1992, où étaient présents : M. Viennois, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Lescure, conseiller rapporteur, M. Lesec, conseiller, M. Gaunet, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Lescure, les observations de Me Odent, avocat de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, de Me Le Prado, avocat des époux Y..., de la SCP Coutard et Mayer et de Me Roger, avocats de la compagnie d'assurance La Préservatrice Foncière, les conclusions de M. Gaunet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne défaut contre les sociétés Alfonso et Alves, Platres Lambert, Chicot Tuileries de Saint-Rémy et MM. A..., ès qualités, et X..., ès qualités ;
Met, sur leur demande, hors de cause les époux Y... ;
Attendu que suivant contrat du 5 mars 1977, les époux Y... ont confié à la société Alfonso et Alvez (société Alfonso), assurée par la compagnie la Foncière, aujourd'hui dénommée La Préservatrice foncière, la construction d'une maison individuelle d'habitation ; que des désordres sont apparus, après réception des travaux, dans la toiture réalisée avec des tuiles défectueuses, fournies par la société Chicot tuileries de Saint-Rémy, successivement assurée par
la compagnie Préservatrice foncière et par la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) ; que la cour d'appel a dit que les sociétés Alfonso et Chicot tuileries de Saint-Rémy étaient responsables "in solidum" des désordres affectant la toiture, que la responsabilité de ces désordres devait être supportée dans la proportion de 30 % par la société Alfonso et de 70 % par la société Chicot tuileries de Saint-Rémy, et a condamné la SMABTP à garantir la société Alfonso et la compagnie la Préservatrice foncière à concurrence de 70 % de la somme allouée au titre de la remise en état de la toiture ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SMABTP fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu sa garantie au motif que la date d'apparition des désordres se situait après la résiliation du contrat souscrit par la société Chicot tuileries de Saint-Rémy auprès de la compagnie la Foncière et entrait dans le champ d'application de la police conclue auprès de la SMABTP, alors qu'en se
bornant à cette motivation laconique, l'arrêt attaqué n'aurait pas répondu à ses conclusions invoquant l'apparition des premiers désordres, comme fait générateur de la responsabilité de l'assuré, antérieurement à la prise d'effet de la police ;
Mais attendu qu'en énonçant qu'il était établi que le désordre affectant les tuiles entrait dans le champ d'application de la police souscrite auprès de la SMABTP, la cour d'appel a, par là-même, retenu que ce désordre était apparu après le 1er janvier 1983 et répondu, en les écartant, aux conclusions invoquées ;
Mais sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Vu l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article R. 331-6 du Code des assurances ;
Attendu que pour décider que la SMABTP ne justifiait pas avoir, comme elle le soutenait, dépassé le plafond de la garantie à la date de la réclamation des époux Y..., la cour d'appel a retenu que cette compagnie d'assurances ne pouvait invoquer le montant total, à la dite date, des sommes réglées et de celles "mises en réserves", qui dépassait le plafond contractuel, dès lors que rien n'établissait que la SMABTP avait eu l'intention de régler les sommes qu'elle qualifiait à tort de "mises en réserves", lesquelles ne constituaient, en réalité, que des demandes d'indemnisation, et qu'il était démontré que toutes les sommes acquittées, les dernières en date d'août et septembre 1985, ne dépassaient que faiblement le plafond ;
Attendu, cependant, qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait que, selon les clauses des conditions particulières de la police, le montant garanti se réduisait et finalement s'épuisait automatiquement au fur et à mesure de réclamations dont l'assureur était saisi par les montants, des indemnités réglées ou "mises en réserves" par lui pour la réparation des dommages concernés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais uniquement en ce qu'il a condamné la SMABTP à garantir la société Alfonso Alves et la compagnie la Foncière à concurrence de 70 % de la somme allouée au titre de la remise en état de la toiture, l'arrêt rendu le 21 mars 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne la société d'assurances La Préservatrice Foncière et la société Alfonso et Alves, envers la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, aux dépens liquidés à la somme de trois cent soixante cinq francs soixante dix neuf centimes et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du onze février mil neuf cent quatre vingt douze.