AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente janvier mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller de BOUILLANE de LACOSTE, les observations de Me CAPRON et de Me RAVANEL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
X... Alain, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 20° chambre B, en date du 14 décembre 1990 qui, dans la procédure suivie contre Jamaa OUDAALI du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 320 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; d
"en ce que l'arrêt attaqué liquide à 450 000 francs l'indemnité à laquelle Alain X... a droit du fait de l'incapacité permanente partielle qu'il a subie à la suite de l'accident dont Jamaa Oudaali a été reconnu responsable ;
"aux motifs qu'"âgé de 39 ans au moment de l'accident, Alain X... est fondé à demander réparation de son préjudice physiologique ; qu'en ce qui concerne l'incidence professionnelle, avant son accident Alain X... a travaillé, de 1967 à décembre 1981, comme homme d'entretien, puis chef d'équipe mécanicien ; qu'il n'a pas exercé d'emploi depuis janvier 1982 à l'exception d'une courte période ; que le deuxième rapport d'expertise du 23 décembre 1986 qualifie le retentissement professionnel de très important, et qu'il ressort des constatations de l'expert que les séquelles de l'accident se traduisent par une station debout prolongée impossible, par des troubles de la marche avec boiterie et recours à une canne au minimum ; qu'Alain X... ne peut donc plus exercer la profession de mécanicien, qui nécessite de disposer pleinement de ses moyens physiques ; qu'il apparaît aussi que l'accident a entraîné des conséquences professionnelles ; que, toutefois, depuis plus de trois ans avant l'accident, Alain X... a connu une période de chômage et a souffert d'un état de santé altéré par une dépression ; que le docteur Y..., médecin personnel d'Alain X..., indique, dans un certificat du 16 octobre 1985, que ce dernier a présenté une hernie des muscles de la paroi abdominale opérée en décembre 1981, responsable d'un état dépressif et empêchant les efforts ; que cette inaptitude est confirmée par une lettre de la Cramif du 25 mai 1988 qui expose que, s'il n'avait pas été accidenté le 14 janvier 1985, Alain X... aurait pu prétendre à une pension d'invalidité de première catégorie ; qu'ainsi, il apparaît que les séquelles imputables à l'accident ne constituent qu'une part de l'état actuel d'Alain X..., puisqu'auparavant, il ne pouvait déjà plus exercer son emploi de mécanicien ; qu'en conséquence, il n'est pas possible de prendre en compte la demande d'Alain X... d'évaluer son préjudice professionnel en se fondant sur son dernier emploi ; qu'en revanche, l'aggravation de l'état de santé de la victime a réduit ses possibilités de stages de formation et a limité les emplois qu'elle
peut effectivement occuper, ainsi qu'il résulte des pièces du dossier" (cf. arrêt attaqué, p. 8 et 9) ;
d "1°/ alors que l'auteur d'une infraction a l'obligation de réparer en totalité le dommage qui en est résulté, sans pouvoir invoquer l'état préexistant de la victime ; qu'en énonçant, pour réduire la réparation qu'elle alloue à Alain X..., qu'avant l'accident, il ne pouvait plus exercer son emploi de mécanicien, sans même justifier que cette impossibilité, dont elle n'explique pas si elle est due à une hernie des muscles de la paroi abdominale ou à un état dépressif, était définitive, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
"2°/ alors que, dans ses conclusions d'appel (p. 9 attendus n° 4, 5 et 6) Alain X... faisait valoir que, comme il résulte du rapport de l'expert judiciaire, il n'était pas définitivement inapte, avant l'accident, à l'emploi de mécanicien, et qu'il avait, après l'opération de sa hernie, occupé, avec l'accord de son médecin traitant, un emploi temporaire dans cette qualification ; qu'en ne répondant pas à ses conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motifs" ;
Attendu qu'en fixant à 450 000 francs, par les motifs repris au moyen, le montant du préjudice résultant pour Alain X... de son incapacité permanente de travail, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, et qui a légitimement tenu compte de l'état de santé de la victime antérieur à l'accident dès lors que cet état n'avait été ni provoqué, ni révélé par celuici, n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans les limites des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. de Bouillane de Lacoste conseiller rapporteur, MM. d Jean Simon, Blin, Carlioz, Jorda conseillers de la chambre, MM. Louise, Maron, Mmes Batut, Ferrari, M. Echappé conseillers référendaires, M. Robert avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ;