AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société anonyme Maison Nationale Arménienne (MNA), ayant son siège ... (9e),
en cassation d'un arrêt rendu le 6 mars 1990 par la cour d'appel de Paris (25e chambre, section A), au profit de :
1°) M. Jean F..., demeurant ... (16e),
2°) M. Pedrouhi X..., demeurant 60, rue A. Guyot à Bois Colombes (Hauts-de-Seine),
3°) M. Edouard A..., demeurant ... (9e),
4°) Mme Anaid D..., demeurant 53, rue G. Sabd à Deuil la Barre (Val-d'Oise),
5°) Mme Dony E..., demeurant ... (12e),
6°) M. Kaik E..., demeurant ... (10e),
7°) Mme Hortense F..., née Z..., demeurant ... (16e),
8°) M. G..., en sa qualité d'administrateur et liquidateur de la société Maison Nationale Arménienne, demeurant ... (6e),
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 décembre 1991, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Loreau, conseiller rapporteur, M. Hatoux, conseiller, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Loreau, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la Maison Nationale Arménienne, de Me Choucroy, avocat de M. F..., de Me Barbey, avocat de M. G..., les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mars 1990), que les actionnaires de la société anonyme Maison Nationale Arménienne (la société MNA) ont, lors de l'assemblée générale extraordinaire du 28 décembre 1984, décidé, pour se conformer à la loi du 31 décembre 1981, de porter le capital social à 250 000 francs ; que le tribunal, saisi par MM. F..., A..., E... et B...
D..., Y..., E... et F... (les consorts F...), a dans un jugement du 13 janvier 1987, annulé les résolutions de l'assemblée générale du 28 décembre précité et désigné M. G..., administrateur judiciaire, aux fins de mettre en place la procédure légale d'augmentation du capital de la
société MNA, en précisant qu'à défaut de la régularisation de la situation de la société concernée dans le délai de six mois, celle-ci sera dissoute ; que le tribunal, saisi en juillet 1987 par la société MNA d'une demande de prorogation de la durée de la mission de l'administrateur judiciaire, a, dans un jugement du 10 juillet 1987, débouté la société de cette demande ; que la société MNA a fait appel de ces deux décisions ;
Sur le premier moyen pris en ses deux branches :
Attendu que la société MNA fait grief à l'arrêt d'avoir dit
irrecevable son appel formé contre le jugement rendu le 13 janvier 1987 aux motifs que la société MNA avait, par deux fois et sans réserves sur ce point, indiqué avoir accepté les termes de ce jugement alors selon le pourvoi que, d'une part, l'assignation incluant la déclaration d'acceptation par la société MAN du jugement du 13 janvier 1987 tendait à la prorogation du délai imparti par cette décision à l'administrateur judiciaire, d'où il résulte clairement et précisément que cet acquiescement exprès excluait la disposition fixant la durée de ce délai, qui en affirmant cependant, pour déclarer irrecevable l'appel de la société MNA tendant à la confirmation pour le surplus et à l'infirmation de ce jugement du seul chef de la durée dudit délai, que la société MNA avait par deux fois indiqué dans cet acte avoir accepté les termes du jugement sans réserve sur ce point, la cour d'appel s'est livrée à une extension arbitraire de la portée de l'acquiescement exprès qu'il comportait et y ajoutant, au mépris de la volonté claire et dépourvue d'équivoque qui en résultait, la renonciation à interjeter appel du chef de la durée du délai ; qu'en dénaturant ainsi cet acte, la cour d'appel a violé les articles 4 et 409 du nouveau Code de procédure civile et 1134 du Code civil ; et alors que, d'autre part et subsidiairement, le libellé de cette assignation ne manifestait pas clairement, à tout le moins, la volonté non équivoque de la société MNA d'acquiescer à l'entier dispositif du jugement du 13 janvier 1987 et de renoncer à en interjeter appel du chef de la durée dudit délai ; qu'en retenant l'acquiescement esprès de la société MNA sans réserve sur ce point, la cour
d'appel a, en tout état de cause, dénaturé cet acte et violé les textes susvisés ;
Mais attendu qu'il ressort de son assignation du 3 juillet 1987 que la société MNA a déclaré qu'elle avait "accepté cette décision" et, plus loin, qu'elle avait "accepté les termes du jugement du 13 janvier 1987" ; que c'est donc hors toute dénaturation que la cour d'appel a retenu que la décision litigieuse était irrévocable et décidé que l'appel formé contre elle était irrecevable ; que le moyen n'est fondé ni en l'une ni en l'autre de ses branches ;
Sur le second moyen pris en ses diverses branches :
Attendu que la société MNA fait encore grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de prorogation du délai imparti à l'administrateur judiciaire pour exécuter sa mission, alors selon le pourvoi, que, d'une part, en se bornant à énoncer que la société MNA a bénéficié d'une prorogation du délai légal tout à fait exceptionnelle du fait du jugement définitif du 13 janvier 1987, sans rechercher, comme il lui était demandé de le faire, si l'intérêt de la société ne commandait pas la prorogation de la mission du mandataire ad hoc, la cour d'appel, qui ne pouvait remettre en cause le principe, précédemment jugé de façon définitive, du délai accordé à la société pour
procéder à l'augmentation de son capital social, n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1832 et 1844-7 du Code civil ; alors que, d'autre part, la cour d'appel qui retient qu'il ressort tant du rapport que des écritures d'appel de l'administrateur judiciaire mandaté ad hoc que les difficultés par lui rencontrées tenant notamment à l'absence de dématérialisation
des titres et à la difficulté d'établir la liste exacte des actionnaires, ne pourraient être levées dans le nouveau délai sollicité, n'a pas répondu aux conclusions de la société MNA qui faisait valoir le caractère nominatif des actions de la société impliquant qu'elles étaient déjà dématérialisées en fait ; que la cour d'appel a
ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, qu'en outre, par ces mêmes énonciations, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de la société MNA qui faisait valoir que la liste des actionnaires arrêtée officiellement par M. C... en 1979 avait déjà été attaquée en nullité par M. F... à propos de la validité des assemblées tenues par cet administrateur judiciaire et qu'un arrêt de la cour de Paris du 23 septembre 1983, aujourd'hui définitif, l'en avait déboutée ; que la cour d'appel a ainsi derechef violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, qu'au surplus, l'auteur de la mésentente entre associés n'est pas admis à se prévaloir de cette cause de dissolution ; qu'en se bornant à relever, pour accueillir les prétentions des consorts F..., l'existence d'une profonde mésintelligence entre les associés, sans relever ni même rechercher si les consorts F..., comme il était soutenu, n'en étaient pas les seuls responsables, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1832 et 1844-7 du Code civil ; et alors qu'enfin, l'ordonnance en date du 3 août 1987 désignant M. G... en qualité de liquidateur de la société MNA a été rendue sur la requête des consorts F... en exécution provisoire et dès lors, à leurs risques et périls, des jugements du 13 janvier et 10 juillet 1987 ; qu'en retenant, pour refuser à la société MNA la prorogation de délai par elle sollicitée, de ladite ordonnance, la cour d'appel a violé les articles 514 et suivants du nouveau Code de procédure civile et n'a toujours pas justifié légalement sa décision ;
Mais attendu qu'ayant énoncé que la loi du 30 décembre 1981 avait accordé aux sociétés constituées antérieurement à la date de son entrée en vigueur un
délai jusqu'au ler janvier 1985 pour l'application des dispositions relatives au montant du capital social qui doit être de 250 000 francs au moins pour les sociétés anonymes ne faisant pas appel publiquement à l'épargne, la sanction du dépassement du délai étant la dissolution de plein droit de ces sociétés, et ayant constaté que, du fait du jugement du 13 janvier 1987, la société MNA avait bénéficié d'une prorogation du
délai légal tout à fait exceptionnelle pour procéder à l'augmentation de capital requise par la loi, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir qu'aucune prorogation de délai n'était permise par la loi, a, par ce seul motif, justifié légalement sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Maison Nationale Arménienne, envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-huit janvier mil neuf cent quatre vingt
douze.