AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Caisse mutuelle d'assurance et de prévoyance (CMAP) dont le siège social est ... (8e),
en cassation d'un arrêt rendu le 29 novembre 1989 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile, section 1), au profit :
1°/ de Mme Vinka B..., veuve E..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de tutrice de sa fille Sanja E...,
2°/ de M. Goran E...,
demeurant tous trois à Nogent-sur-Vernisson (Loiret),
3° de M. Miljoko B...,
4°/ de Mme Emilija Z... épouse B...,
demeurant tous deux F... Kremici 36344 à Baljevac (Yougoslavie),
5°/ de Mme Lucie C..., veuve Y..., demeurant ... à Antony (Hauts-de-Seine),
6°/ de la compagnie d'assurances la Garantie mutuelle des fonctionnaires (GMF), dont le siège social est ... (17e),
7°/ de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Loiret, dont le siège social est ...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 11 décembre 1991, où étaient présents : M. Dutheillet-Lamonthézie, président, M. Michaud, conseiller rapporteur, MM. Chabrand, Deroure, Burgelin, Mme Dieuzeide, conseillers, MM. Bonnet, Mucchielli, conseillers référendaires, M. Monnet, avocat général, Mme Lagardère, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Michaud, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la CMAP, les conclusions de M. Monnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la CMAP de ce qu'elle s'est désistée de son pourvoi en tant que dirigé contre les époux B... ;
Donne défaut contre les consorts E..., D...
Y..., la GMF et la CPAM du Loiret ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 29 novembre 1989), qu'une collision s'est produite entre l'automobile de M. E... et celle de M. Y... ; que ceux-ci ont été mortellement blessés ; que Mme E..., en son nom et au nom de ses enfants mineurs, a demandé réparation de son préjudice à Mme Y... et à son assureur, la Garantie mutuelle des fonctionnaires (GMF) sur le fondement de l'article 1384 du Code civil ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné Mme Y... à réparer "in solidum" avec son assureur, la GMF, la totalité du préjudice subi par les ayants droit de l'autre victime directe de l'accident, alors que les juges du fond ne pouvaient pas tout à la fois, d'un côté, constater que l'accident avait entraîné la mort des deux conducteurs, Mijograd E... et Jean Y..., et des deux
passagers de Mijograd E..., Miograd A... et Slavoljub B..., ainsi que des blessures à Mme Y..., passagère du véhicule de son mari, et des blessures à M. Stavislav X..., tiers transporté dans le véhicule de Mijograd E..., ce qui excluait que Mme E... eût été passager transporté et blessé dans l'accident, et, de l'autre, affirmer qu'en sa qualité de tiers transporté, Mme E... ne pouvait se voir opposer aucune faute ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel se serait contredite en méconnaissance des exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que Mme E... demandait seulement la réparation du préjudice résultant pour elle et pour ses enfants du décès de son mari ; que le fait qu'elle ait été tiers transporté, comme le relève à tort l'arrêt, était sans influence sur la décision de la cour d'appel devant laquelle aucune faute de M. E... n'était invoquée ; que, par suite, le moyen est inopérant ;
Sur le second moyen, pris en ses diverses branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la Caisse mutuelle d'assurance et de prévoyance (CMAP), assureur de Mijograd E..., coauteur et victime directe de l'accident, à garantir à concurrence de la moitié l'assureur, la GMF, de la seconde victime directe, Jean Y..., coresponsable de l'accident, des condamnations prononcées au profit des ayants droit de la première : les consorts E..., alors que, d'une part, aucune des parties n'avait conclu contre la CMAP et, en particulier, ni les ayants droit de l'autre coresponsable de l'accident, ni son assureur n'avaient formé appel en garantie ; qu'en déclarant que la CMAP devrait garantir à concurrence de la moitié les condamnations prononcées contre l'assureur de son adversaire au profit des ayants droit de son assuré, la cour d'appel aurait méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du nouveau
Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, la loi ne crée à la charge de la victime d'un accident ou de sa succession aucune obligation envers ceux qui ont souffert un préjudice personnel du fait de son décès, même si par sa faute elle a concouru à la réalisation de l'accident ; qu'en retenant la responsabilité de l'une des deux victimes directes, assurée auprès de la CMAP, envers ses proches pour faire naître une obligation à garantie au profit de l'assureur de l'autre coauteur de l'accident, la cour d'appel aurait violé les articles 1382 et 1834 du Code civil ; alors qu'en outre, en condamnant l'assureur de l'une des victimes directes, contre laquelle aucune faute n'a été constatée, à garantir pour moitié l'assureur de l'autre victime directe du chef de l'indemnisation des préjudices subis par les ayants droit de la première, la cour d'appel aurait violé l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ; alors qu'enfin, avant la loi du 7 janvier 1981, l'assurance de responsabilité obligatoire en matière d'automobile ne couvrait ni l'assurée, ni les membres de sa famille transportés ; qu'en retenant la garantie de la CMAP du chef des dommages subis par le conjoint transporté de son assuré, la cour d'appel aurait violé les articles R. 211-6 et R. 211-8 du Code des assurances dans leur rédaction antérieure à la loi du 7 janvier 1981 et au décret du 9 juin 1983 ;
Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs non critiqués, que la
CMAP soutenait dans ses conclusions qu'elle n'était tenue que de la moitié des sommes allouées ;
Et attendu qu'en énonçant que les condamnations devaient être partagées par moitié entre les deux assureurs, la cour d'appel ne s'est pas prononcée sur ce qui n'était pas demandé ;
Attendu, enfin, que la CMAP n'est pas recevable à présenter un moyen contraire à ses conclusions ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
! Condamne la CMAP, envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;