AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Daniel X..., demeurant ... (Loiret),
en cassation d'un arrêt rendu le 26 avril 1990 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale), au profit de la société anonyme Point P, dont le siège ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 4 décembre 1991, où étaient présents : M. Waquet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Pierre conseiller rapporteur, M. Boittiaux, conseiller, Mmes Marie, Batut, conseillers référendaires, M. Graziani, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Pierre, les observations de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat de M. X..., de la SCP Boré et Xavier, avocat de la société Point P, les conclusions de M. Graziani, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 122-6 et L. 122-8 du Code du travail ;
Attendu que la faute visée par ces textes résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ;
Attendu que M. X..., engagé le 20 mars 1978 comme chauffeur-livreur poids lourds par la société Point P., a été licencié pour faute grave le 22 juillet 1987, l'employeur lui imputant des "négligences graves dans l'accomplissement du travail (et) une attitude anti-commerciale" ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt attaqué énonce essentiellement qu'en effectuant une livraison de matériaux de construction avec un camion-grue sans prendre la précaution d'assurer la stabilité de la grue et en faisant courir ainsi un risque à la marchandise déchargée et, plus encore, à l'environnement, M. X..., qui était un conducteur expérimenté, a commis une négligence grave de nature à porter un préjudice à son employeur et qui justifiait son licenciement immédiat ;
Qu'en statuant ainsi par ces seuls motifs desquels il ne résulte pas que le manquement commis par le salarié rendait impossible le maintien de celui-ci dans l'entreprise pendant la durée du préavis, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 avril 1990, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne la société Point P, envers le comptable direct du trésor, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour
de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel d'Orléans, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-et-un janvier mil neuf cent quatre vingt onze.