AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Société anonyme d'économie mixte de construction du département de l'Ain (SEMCODA), dont le siège est sis hôtel du département à Bourg-en-Bresse (Ain), et les bureaux ..., boîte postale 1007 à Maginot, représentée par son président en exercice,
en cassation de l'arrêt n° 15 rendu le 14 juin 1990 par la cour d'appel de Paris (1re chambre, section B), au profit de :
1°/ La Caisse de retraite des notaires, dont le siège est ... (8e),
2°/ La Banque financière parisienne (BAFIP), dont le siège est ... (16e),
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 3 décembre 1991, où étaient présents : M. Massip, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Gélineau-Larrivet, conseiller rapporteur, MM. Grégoire, Bernard de Saint-Affrique, Thierry, Averseng, Lemontey, Forget, conseillers, M. Lupi, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Gélineau-Larrivet, les observations de Me Boullez, avocat de la Société anonyme d'économie mixte de construction du département de l'Ain (SEMCODA), de Me Foussard, avocat de la Caisse de retraite des notaires, de la SCP Boré et Xavier, avocat de la Banque financière parisienne (BAFIP), les conclusions de M. Lupi, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
! - Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par acte sous seing privé du 30 septembre 1974, la Caisse de retraite des notaires a consenti à la Société anonyme d'économie mixte de construction du département de l'Ain (SEMCODA) un prêt de 6 500 000 francs, remboursable en 25 ans, au taux d'intérêt nominal de 4 %, avec indexation des annuités de l'intérêt et de l'amortissement du capital en fonction de l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE ; qu'en outre, l'emprunteur s'est engagé à prendre à sa charge "les impôts, droits et taxes présents et futurs se rapportant au présent emprunt, de telle sorte que le prêteur reçoive les annuités... nettes de tous impôts, droits, taxes, charges et retenues quelconques" ; qu'en 1986 la SEMCODA a assigné la Caisse de retraite des notaires, à titre principal, en annulation du contrat, pour absence de toute mention du taux effectif global, et, subsidiairement, en annulation des clauses relatives aux intérêts et à l'indexation, ainsi que de la clause concernant les incidences fiscales de l'emprunt ; que la cour d'appel a déclaré prescrites, en application de l'article 1304 du Code civil, l'action en annulation du contrat et celle en annulation de la clause sur les incidences fiscales ; qu'elle a, enfin, déclaré recevable, mais non fondée, la demande tendant à l'annulation de la clause d'indexation du capital et des intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la SEMCODA fait grief à l'arrêt attaqué (Paris,
14 juin 1990) d'avoir déclaré prescrites son action principale en annulation du contrat et son action tendant, subsidiairement, à l'annulation de la clause prévoyant la prise en charge par l'emprunteur des taxes et impôts afférents aux annuités de remboursement, au motif que l'omission de la mention du taux effectif global du prêt dans le contrat est sanctionnée par une nullité soumise à la prescription quinquennale de l'article 1304 du Code civil, alors, selon le moyen, d'une part, que les dispositions de la loi du 28 décembre 1966 concernent, non seulement la protection de l'emprunteur, mais aussi la politique de direction du crédit et que l'article 16 de cette loi assortit l'obligation de mentionner le taux effectif global, prévue à l'article 4, d'une amende pénale, qu'il en résulte que la méconnaissance de ce texte est sanctionnée par une nullité absolue rendant l'action recevable pendant le délai de trente ans, et alors, d'autre part, que l'article 1304 du Code civil, visant uniquement une convention, la prescription abrégée ne saurait s'appliquer à l'annulation d'une clause de la convention ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1304 du Code civil et 124 du Code général des Impôts ;
Mais attendu que les dispositions d'ordre public de l'article 4 de la loi du 28 décembre 1966 ayant été édictées dans le seul intérêt de l'emprunteur, leur méconnaissance est sanctionnée par la nullité relative de la clause de stipulation des intérêts conventionnels ; que l'action en nullité s'éteint si elle n'a pas été exercée pendant cinq ans à compter de la signature du contrat de prêt ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'action en nullité avait été exercée plus de cinq ans après la conclusion de ce contrat ; qu'elle a ainsi, sans violer les textes visés au moyen, légalement justifié sa décision ; d'où il suit qu'en aucune de ses branches, le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen, tel qu'énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe du présent arrêt :
Attendu que ce moyen, qui critique des motifs surabondants, est dès lors inopérant ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir déclaré non fondée l'action en annulation de la clause d'indexation insérée dans le contrat, alors, selon le moyen, d'une part, que la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel, lorsque le taux effectif global n'a pas été mentionné conformément aux prescriptions de l'article 4 de la loi du 28 décembre 1966, exclut l'indexation du taux d'intérêt légal ; alors, d'autre part, que, selon l'article 2 de la loi précitée, l'indexation du remboursement du capital n'est licite que dans la mesure où elle est intégrée au taux effectif global ; qu'à défaut d'indexation de ce taux dans le contrat, il est substitué l'intérêt légal ; qu'ainsi, c'est à tort qu'il a été déclaré que l'indexation est valable en son principe dès lors que le taux d'intérêt légal ne peut s'appliquer que sur le nominal de l'emprunt sans autre indication du capital ; et alors, enfin, que l'indexation prévue par la loi du 9 juillet 1970 ne concerne que les immeubles bâtis alors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que le prêt litigieux a été contracté en vue d'immeubles à construire ;
Mais attendu que l'action en nullité ayant été déclarée prescrite, les deux premières branches sont inopérantes ;
Et attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé qu'il existait une relation directe entre, d'une part, l'activité de la SEMCODA et l'objet du contrat, et, d'autre part, l'indice choisi ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
D'où il suit qu'en aucun de ses griefs le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
-d! Condamne la Société anonyme d'économie mixte de construction du département de l'Ain (SEMCODA), envers la Caisse de retraite des notaires et la Banque financière parisienne (BAFIP), aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-et-un janvier mil neuf cent quatre vingt douze.