LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société anonyme d'Economie mixte de construction du département de l'Ain (SEMCODA), dont le siège est à Bourg en Bresse (Ain), hôtel du département et les bureaux à Maginot (Ain), ..., BP 1007,
en cassation de l'arrêt n° 21 rendu le 14 juin 1990 par la cour d'appel de Paris (15e chambre, section B), au profit de la Caisse de retraite des établissements de soins privés (CRESP), dont le siège est à Suresnes (Hauts-de-Seine), ...,
défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 3 décembre 1991, où étaient présents :
M. Massip, conseiller doyen faisant fonctions de président,
M. Gélineau-Larrivet, conseiller rapporteur, MM. X..., Bernard de Saint-Affrique, Thierry, Averseng, Lemontey, Forget, conseillers, M. Lupi, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Gélineau-Larrivet, les observations de Me Boullez, avocat de la SEMCODA, de la SCP Boré et Xavier, avocat de la Caisse de retraite des établissements de soins privés, les conclusions de M. Lupi, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que par acte sous seing privé du 20 novembre 1973, la Caisse de retraite des établissements de soins privés (CRESP), a consenti à la Société anonyme d'économie mixte de construction du département de l'Ain (SEMCODA) un prêt de 1 500 000 francs, remboursable en 25 ans, au taux d'intérêt nominal de 4 % ; qu'il a été prévu à la clause 6 de ce contrat que "l'intérêt nominal et la partie du capital nominal compris dans chaque annuité d'amortissement seront majorés en fonction de l'indice du coût de la construction publié trimestriellement par l'INSEE... ; le montant de chaque annuité sera établi en multipliant son montant de base par le rapport entre le dernier indice publié à la date d'échéance et l'indice de référence" ; que la clause 11 a mis à la charge de l'emprunteur l'ensemble des impôts, droits et taxes se rapportant au prêt ; qu'en 1987, la SEMCODA a assigné la CRESP, à titre principal, en annulation du contrat, au motif que le taux effectif global du prêt n'avait pas été mentionné dans l'acte, et, subsidiairement, en annulation des clauses relatives aux intérêts et à l'indexation, ainsi que de la clause concernant les incidences fiscales ; que, refusant de prononcer la nullité du contrat, la cour d'appel a substitué au taux d'intérêt conventionnel, à compter de la date du prêt, le taux d'intérêt légal, en précisant que celui-ci serait soumis aux dispositions légales de révision, et a dit que le capital
serait remboursé en tenant compte de l'indexation conventionnelle ; Sur le premier moyen :
Attendu que la SEMCODA fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 14 juin 1990), d'avoir décidé que le taux légal substitué au taux conventionnel serait soumis aux variations législatives, alors, selon le moyen, que l'intérêt légal substitué au taux indétermimé dans le contrat ne peut être que celui en vigueur au jour du contrat ; qu'ainsi, la cour d'appel a méconnu l'article 1907 du Code civil ; Mais attendu qu'aux termes de la loi du 11 juillet 1975, modifiée par la loi du 23 juin 1989, le taux de l'intérêt légal est en toute matière fixé pour la durée de l'année civile ; qu'en l'espèce, après avoir décidé à bon droit qu'en matière de prêt d'argent l'indication par écrit du taux effectif global est une condition de validité de la stipulation d'intérêts, à défaut de laquelle le taux d'intérêt légal est substitué, à compter de la date du prêt, au taux conventionnel, l'arrêt énonce justement que le taux légal est celui fixé par la loi en vigueur au moment où il est acquis et qu'il doit en conséquence subir les modifications successives que la loi lui apporte ; qu'ainsi, loin de violer le texte visé au moyen, la cour d'appel en a fait une exacte application ; que le moyen ne peut donc être accueilli ; Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir déclaré non fondée l'action en annulation de la clause d'indexation du capital insérée dans le contrat, alors, selon le moyen, que l'indexation prévue par la loi du 9 juillet 1970 visée dans l'arrêt- ne concerne que les immeubles bâtis et qu'il résulte des énonciations des juges du fond que le prêt litigieux a été contracté pour des immeubles à bâtir ; Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé qu'il existait une relation directe entre, d'une part, l'activité de la SEMCODA et l'objet du contrat et, d'autre part, l'indice choisi ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ; Mais sur le troisième moyen :
Vu les articles 3 et 4 de la loi du 28 décembre 1966 ; Attendu que le contrat conclu par la CRESP et la SEMCODA comporte une clause n° 11 aux termes de laquelle "l'emprunteur s'engage à prendre à sa charge les impôts, charges, droits et taxes présents et futurs se rapportant au présent emprunt, en principal et intérêts, et à les verser entre les mains du prêteur" ; Attendu que pour écarter les conclusions de la SEMCODA qui faisait
valoir qu'il s'agissait d'un complément d'intérêts et que la clause ne pouvait recevoir application dès lors que le taux effectif global n'avait pas été mentionné dans le contrat, l'arrêt énonce que cette obligation a été librement consentie, qu'elle ne revèle aucune condition potestative et qu'elle est parfaitement déterminable en fin d'exercice ; Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les impôts, taxes et droits, mis à la charge de l'emprunteur ne constituaient pas un accroissement des charges de l'emprunt, faisant en conséquence partie du taux effectif global, réductible au taux de l'intérêt légal, en raison de la méconnaissance par le rédacteur du contrat de l'article 4 de la loi du 28 décembre 1966, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives aux incidences fiscales du prêt, l'arrêt n° 21 rendu le 14 juin 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Condamne la Caisse de retraite des établissements de soins privés, envers la SEMCODA, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt et un janvier mil neuf cent quatre vingt douze.