LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme C.,
en cassation d'un arrêt rendu le 23 janvier 1990 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile), au profit de Mlle Elisabeth L.,
défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 3 décembre 1991, où étaient présents :
M. Massip, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Gélineau-Larrivet, conseiller rapporteur, MM. Grégoire, Bernard de Saint-Affrique, Thierry, Averseng, Lemontey, Forget, conseillers, M. Lupi, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Gélineau-Larrivet, les observations de la SCP Rouvière, Lepitre et Boutet, avocat de Mme B., de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de Mme L., les conclusions de M. Lupi, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le premier moyen :
Attendu que l'arrêt attaqué (Besançon, 23 janvier 1990) mentionne que l'audience des plaidoiries a été tenue, avec l'accord des avocats, par le premier président, magistrat rapporteur, et que celui-ci a rendu compte aux deux conseillers de la chambre ; Attendu que Mme B. reproche à la cour d'appel d'avoir siégé dans cette composition, conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, alors que les dispositions de l'article L. 311-10 du Code de l'organisation judiciaire rendraient ces textes inapplicables en matière de déclaration d'abandon d'enfant ; Mais attendu que l'article L. 311-10 du Code de l'organisation judiciaire, propre au fonctionnement du tribunal de grande instance, ne concerne que l'attribution de certaines affaires à un juge unique ; qu'en revanche, les dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, qui ne dérogent pas au principe de la collégialité devant la cour d'appel, sont applicables quelle que soit la nature du litige ; que, dès lors, le moyen est sans fondement ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Mme B. a mis au monde, le 23 janvier 1979, un garçon prénommé Jean-Pierre qu'elle a remis, le 18 août 1984, à l'association Enfance et partage pourqu'il bénéficie d'un "parrainage à temps complet, à titre gracieux, dans une famille française jusqu'à sa majorité" ; que cet enfant a été aussitôt confié à Mme L. qui l'élève depuis cette époque ; que Mme B. a ensuite contracté mariage le 21 octobre 1986 ; que, le 19 février 1987, Mme L., agissant sur le fondement de l'article 350 du Code civil, a déposé une requête aux fins de déclaration d'abandon et d'adoption plénière ; que rejetant cette dernière demande, le tribunal de grande instance a déclaré l'enfant abandonné et délégué l'autorité parentale à Mme L. ; que Mme B., qui n'avait pas comparu en première instance, a relevé appel de ce jugement ; que la cour d'appel a confirmé la décision des premiers juges ; Attendu que Mme B. reproche à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué alors, d'une part, qu'il incombait au demandeur à l'action en déclaration d'abandon d'établir le désintérêt manifeste de la mère envers son fils, de sorte qu'en imposant à Mme B. de prouver la réalité de ses démarches et son attachement à l'enfant, les juges d'appel auraient inversé la charge de la preuve ; alors, d'autre part, que, faute d'analyser les attestations produites par Mme B., l'arrêt ne serait pas motivé sur ce point ; alors, enfin, qu'en considérant que la mère s'était désintéressée de l'enfant, tout en constatant qu'elle se prévalait de diverses démarches, et en faisant état des attestations concernant ses sentiments à l'égard de son fils, la juridiction du second degré aurait privé sa décision de base légale ; Mais attendu que l'arrêt constate qu'entre le 18 août 1984 et le 19 février 1987, date du dépôt de la requête en déclaration d'abandon, Mme B. n'a pas cherché à entretenir avec son fils les relations nécessaires au maintien de liens affectifs ; que, relevant ensuite que les attestations produites se bornent à relater que la mère aimait l'enfant quand il vivait avec elle et qu'à une époque récente, -postérieure au dépôt de la requête-, elle a manifesté la désir de reprendre contact avec lui, il précise que ces documents ne permettent pas à Mme B. de rapporter la preuve du caractère involontaire de son désintérêt ; que, par ces énonciations souveraines, la cour d'appel, qui a analysé la portée des attestations soumises à son examen, a, sans inverser la charge de la preuve, caractérisé le désintérêt manifeste de Mme B. pour son enfant et légalement justifié sa décision ; d'où il suit qu'en aucune de ses diverses branches, le moyen ne peut être accueilli ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;