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14/01/1992 | FRANCE | N°89-20576

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 janvier 1992, 89-20576


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société anonyme Le Bureau Véritas, dont le siège social est 17 bis, place des Reflets à Courbevoie (Hauts-de-Seine),

en cassation d'un arrêt rendu le 11 octobre 1989 par la cour d'appel de Paris (1re Chambre, Section concurrence), au profit de M. le ministre chargé de l'Economie, des Finances et du Budget, Direction de la concurrence, ... (16e),

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'

appui de son pourvoi, les huit moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, e...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société anonyme Le Bureau Véritas, dont le siège social est 17 bis, place des Reflets à Courbevoie (Hauts-de-Seine),

en cassation d'un arrêt rendu le 11 octobre 1989 par la cour d'appel de Paris (1re Chambre, Section concurrence), au profit de M. le ministre chargé de l'Economie, des Finances et du Budget, Direction de la concurrence, ... (16e),

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les huit moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 20 novembre 1991, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Léonnet, conseiller rapporteur, M. Hatoux, Mme Loreau, MM. Vigneron, Leclercq, Gomez, conseillers, M. Lacan, Mme Geerssen, M. Rémery, conseillers référendaires, M. Jeol, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Léonnet, les observations de Me Ryziger, avocat de la société Le Bureau Véritas, de Me Ricard, avocat du ministre chargé de l'Economie, des Finances et du Budget, les conclusions de M. Jeol, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 11 octobre 1989) que le ministre chargé de la concurrence a saisi le 6 juillet 1987, en application de l'article 11 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le conseil de la concurrence afin d'enquêter sur les agissements des sociétés spécialisées dans le contrôle technique, notamment dans le domaine de la construction ; qu'à la suite de l'enquête faite par un rapporteur désigné par le président du conseil de la concurrence et après notification des griefs et dépôt du rapport, le conseil, par décision du 21 mars 1989, a enjoint au Comité professionnel de la prévention du contrôle technique (COPREC) et à certaines entreprises, en outre condamnées à des sanctions pécuniaires, de cesser d'élaborer et de diffuser des clauses de rémunération uniformes destinées à être insérées dans les conventions cadre ainsi que des documents contenant des dispositions tarifaires ; que la société anonyme Bureau Véritas (la société) a formé un recours contre cette décision ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société reproche à l'arrêt d'avoir noté que le ministère public a déposé des conclusions écrites, sans qu'il résulte de cet arrêt, ni de la procédure, que ces conclusions aient été mises à la disposition des parties ou leur aient été communiquées, alors que, selon le pourvoi, si le ministère public veut faire connaître son avis à la juridiction en lui adressant des conclusions écrites, ces conclusions doivent être mises à la disposition des parties, pour que le respect des droits de la défense soit assuré ; que, dès lors qu'il ne résulte pas de la décision attaquée que la société ait été avisée du dépôt des conclusions du ministère public, et que celles-ci aient été mises à sa disposition, soit par la notification qui lui en aurait été faite, soit par une communication directe au greffe, précédée d'une invitation à venir en prendre connaissance, la Cour de

Cassation n'est pas à même de s'assurer que les droits de la défense ont été respectés, de telle sorte que l'arrêt est dépourvu de base légale au vu de l'article 431 du nouveau Code de procédure civile, de l'article 16 du même code et du principe général du respect des droits de la défense ;

Mais attendu que, dès lors qu'il n'est pas allégué qu'une contestation à ce sujet ait été soulevée avant la clôture des débats devant la cour d'appel par la société, à qui il appartenait éventuellement de faire état d'une violation des droits de la défense relative à ce grief, la cour d'appel n'était pas tenue de faire mention, dans son arrêt, du fait que les conclusions écrites du ministère public avaient été mises à la disposition des parties avant l'audience ; d'où il suit que moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens réunis, pris en leurs diverses branches :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir refusé d'annuler l'audition du président de la société, à laquelle le rapporteur désigné par le président du conseil de la concurrence a procédé le 2 février 1988, après l'avoir convoqué par lettre en l'informant de ce qu'il pouvait être assisté d'un conseil, mais sans lui indiquer, lors de l'audition, le but de celle-ci et les infractions sur lesquelles il enquêtait, le compte-rendu de cette audition, rédigé unilatéralement par le rapporteur n'étant pas, au surplus, signé par la personne entendue, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la procédure devant le conseil de la concurrence doit être pleinement contradictoire ; que, dès la saisine du conseil de la concurrence, les parties doivent être à même de débattre des moyens, explications, documents susceptibles de fonder la décision ; que lorsque le rapporteur avise une partie qu'elle peut être asistée d'un conseil, il en résulte nécessairement que des infractions sont susceptibles d'être retenues à son encontre ; que, dès lors, à supposer que le rapporteur puisse procéder à une audition de cette nature, avant toute notification des griefs, il ne pourrait procéder à une telle audition sans avoir, au moins, indiqué à la personne qu'il entend, les faits susceptibles d'être qualifiés d'infractions dont le conseil a été saisi, et sur lesquelles lui-même enquête ; que la société avait fait valoir, dans ses conclusions, que l'audition à laquelle il avait été procédé avait permis au rapporteur d'obtenir des éléments complémentaires ; que

la décision attaquée n'a pu, sans violation de l'article 18 de l'ordonnance, et, du principe du respects des droits de la défense, décider qu'il ne résultait aucune nullité du procédé employé, en retenant que les dispositons de l'article 20 du décret du 29 décembre 1986, qui fixent les modalités de garanties des auditions recueillies dans le cadre de l'enquête à laquelle les rapporteurs du conseil de la concurrence ont le pourvoir de procéder pour les affaires dont celui-ci est saisi n'imposent pas de communication préalables de la procédure, cette formalité n'étant prévue que lorsque la saisine est suivie d'une notification de griefs ; alors, d'autre part, que la violation des droits de la défense doit être sanctionnée par la nullité, du seul fait de son existence, sans qu'il soit nécessaire que cette violation soit constitutive ou assortie de manoeuvres destinées à faire échec aux droits de la défense ; qu'en refusant d'annuler l'audition

litigieuse, par le motif qu'il n'était pas établi que celle-ci, ni aucune investigation effectuée par le rapporteur soit constitutive de manoeuvres destinées à faire échec aux droits de la défense, la décision attaquée a violé l'article 18 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et le principe du respect des droits de la défense, alors, encore, que les droits de la défense se trouvent violés, dès lors qu'un rapporteur obtient, de façon irrégulière, des renseignements qu'il ne possédait pas et qui lui permetttent de modifier son enquête sans qu'il soit nécessaire que les renseignements obtenus soient ensuite énumérés au nombre des griefs, ou retenus par le conseil de la concurrence ; qu'en l'espèce, la société avait fait valoir que l'audition litigieuse avait permis au rapporteur d'obtenir des éléments complémentaires, sans que la société puisse assurer sa défense ; qu'en refusant d'annuler l'audition litigieuse et les acte subséquents par le motif que l'audition du président de cette société a débuté par une présentation de son activité et s'est pourvuivie par des généralités sur le marché en cause et des observations en forme de dénégation sur certaines pratiques résultant de documents ou de faits qu'il n'ignorait pas, qu'aucun des propos recueillis n'a été retenu à l'encontre de son entreprise ou de quiconque dans les griefs, le rapport ou la décision, de sorte qu'il n'est pas établi que l'audition litigieuse ni aucune investigation effectuée par le rapporteur avant notification des griefs soit

constitutive de manoeuvres destinées à faire échec aux

droits de la défense, mais sans rechercher si les éléments recueillis au cours de cette audition avaient permis au rapporteur de recueillir de nouveaux éléments susceptibles de faire progresser son enquête, la décision attaquée a privé son arrêt de base légale au regar e l'article 18 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et du principe du respect des droits de la défense ; et alors, enfin, que la rédaction d'un procès-verbal d'une audition effectée par le rapporteur du conseil de la concurrence, et sa signature par la personne entendue, sont destinés à authentifier la relation de l'audition et à conférer à la procédure un caractére pleinement contradictoire ; que cette formalité est substantielle et qu'il ne saurait y être suppléé par une communication des résultats de l'audition, même au cas d'absence de protestations de la part de celui qui a été entendu ; que la décision attaqué en refusant d'annuler une audition n'ayant pas fait l'objet d'un procès-verbal, et le compte-rendu d'audition établi par le rapporteur a donc violé l'article 20 du décret du 19 décembre 1986 ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'article 45, alinéa 2, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dispose qu'un rapporteur du conseil de la concurrence peut procéder aux enquêtes nécessaires à l'application des dispositions de cette ordonnance ; que les auditions auxquelles il procède lors de cette phase préparatoire, et qui n'imposent pas que l'intéressé soit à cette occasion assisté d'un conseil, ne doivent pas être assimilées à celles donnant lieu à rédaction d'un procès-verbal lors du déroulement de la procédure d'instruction devant le conseil de la concurrence qui suppose, aux termes des articles 18 et 21 de l'ordonnance précités, la communication préalable des griefs et la mise à la disposition des intéressés de l'ensemble du dossier ; que, par ce motif de pur droit

substitué à ceux de l'arrêt, la décision se trouve justifiée en ce qu'elle a retenu que la société, après avoir eu connaissance des griefs la concernant et les documents sur lesquels ils étaient fondés a eu accès au dossier et a pu librement développer ses moyens et observations ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt a relevé qu'à l'issue de l'audition du président de la société par le rapporteur, au cours de l'enquête préparatoire,

le compte-rendu des propos recueillis n'avait pas été signé par l'intéressé, qui en avait toutefois eu communication et n'avait alors exprimé aucune réserve ; qu'en énoncant qu'hors le cas prévu par l'article 20 du décret du 19 décembre 1986, qui prévoit la signature des procès-verbaux par les personnes entendues par le rapporteur en cours de procédure devant le conseil de la concurrence, il ne pouvait être tiré aucun moyen de nullité de cette absence de signature, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il résulte que les deux moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;

Sur les quatrièmes, cinquième et sixième moyens, pris en leur diverses branches :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé les injonctions et condamnations prononcées à son encontre, alors que, selon le pourvoi, d'une part, les dispositions de l'article 51 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 ont pour objet de faire échapper aux interdictions de l'article 50 des actions concertées conventions ou ententes qui, normalement, tomberaient sous l'application de ce texte ; que les circonstances prévues par l'article 51 constituent, en réalité, un fait justificatif lequel ne peu être examiné qu'une fois la culpabilité établie dans le cadre de l'article 50 ; qu'en examinant si la société pouvait bénéficier de ce fait justificatif sans avoir préalablement examiné si les faits qui lui étaient reprochés était établis et tombaient sous le coup de l'article 50 de l'ordonnance, la décision attaquée a violé ces deux textes ; alors, d'autre part, que, par ailleurs, seul un acte positif ayant pour objet d'empêcher de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence est de nature à tomber sous le coup de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, à l'exclusion d'une simple abstention ; que le fait pour le COPREC de ne pas avoir précisé que les documents que ses membres s'engagent à respecter ne peuvent être que des documents techniques, sans références tarifaires, ne peut constituer qu'une abstention qu'elle n'est, dès lors, pas susceptible de tomber sous le coup de l'article 50 de l'ordonnance et que, dans la mesure où la cour d'appel a entendu faire siens les motifs précités du conseil de la concurrence, sa décision se trouve entachée de violation de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ; alors, encore, que le

conseil de la concurrence ayant énoncé que les dispositions du réglement intérieur du COPREC qui prévoit que "les membres s'engagent à respecter les clauses des conventions types ou documents types approuvés par le COPREC" sont, en l'état de leur rédaction, de nature à influencer le jeu normal de la concurrence, dès lors qu'il n'est pas expressément précisé que les documents auxquels il est fait allusion ne peuvent être que des documents

techniques sans références tarifaires, la société avait fait valoir dans ses conclusions devant la cour d'appel que les documents et conventions types élaborés par le COPREC ne concernent que les missions des contrôleurs techniques et n'abordent jamais les références tarifaires ; qu'en ne se prononçant pas sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que ne tombent sous le coup de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 que les actions concertées, conventions, ententes ou coalitions, sous quelque forme et pour quelque cause que ce soit, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'empêcher de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la concertation qui aurait eu lieu en 1982, et qui serait constitutive d'une entente ou action concertée au sens de l'article 50 est prescrite ; que, dès lors, l'utilisation par la société d'un barème arrêté à l'occasion d'une concertation atteinte par la prescription n'aurait pu être considérée comme tombant sous le coup de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 que s'il avait été établi que ledit barème avait été utilisé en vertu d'une action concertée d'une convention ou d'une entente intéressant plusieurs entreprises se situant à une date postérieure à la période prescrite ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, analysant les agissements litigieux faussant le jeu de la libre concurrence réprimés par l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 alors applicable, et qui pouvait confronter les faits de la cause aux textes de cette ordonnance selon la méthode qui lui paraissait la plus apte à asseoir sa décision, a décidé que le réglement intérieur du COPREC qui obligeait ses membres à respecter les clauses des conventions et document types approuvés par cet organisme présentait un caractère anti-concurrentiel ; que tel était notamment le cas, selon les constatations

de l'arrêt qui répondait ainsi aux conclusions de la société, du "barème COPREC" et de certaines conventions cadre comprenant des références tarifaires, puisqu'ils avaient pour effet de donner force contraignante à ces tarifs ; qu'ils permettaient de déterminer automatiquement et uniformément des prix de prestations par l'application de coefficients techniques en fonction du type de mission et de sa difficulté, et que, même si ce barème pouvait laisser place à des variantes, cette grille de calcul était de nature à dissuader les entreprises de procéder à la fixation autonome de leur prix ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt pour retenir le caractère anti-concurrentiel de ces pratiques tarifaires dans les domaines de la construction ne s'est pas fondé pour confirmer la décision du conseil de la concurrence, sur le barème qui aurait été élaboré entre les différentes parties au mois de septembre 1982, mais a seulement retenu, afin de "tenir compte du délai de prescription", l'utilisation faite par ces entreprises de ce document en période non prescrite cette utilisation étant rendue possible par la mise en oeuvre "de paramètres d'application permanente" ; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que les trois moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;

Sur le septième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société reproche encore à l'arrêt d'avoir décidé que les conventions-cadres passées entre l'ensemble des grandes entreprises de contrôle ou leurs organismes professionnels et les groupements des maîtres d'ouvrages tombaient sous le coup de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, aux motifs qu'ils ont nécessairement pour objet de limiter la concurrence par les prix ; qu'en outre, selon les constatations de l'arrêt, ils ont réellement produit de tels effets ; que la transparence des prix et l'équilibre des relations contractuelles résultent précisément de la comparaison par le maître le l'ouvrage des tarifs fournis par chacune des entreprises consultées, à la condition qu'ils soient fixés de manière autonome, en fonction des coûts de

production de chacune d'elles, mais qu'ils sont totalement faussés lorsque les prix proposés, même s'ils résultent de négociations inter-professionnelles, procèdent de l'application mathématique d'un barème commun ; que cette pratique illicite ne saurait être validée par l'absence de suite immédiatement données à une précédente enquête administrative effectuée en 1980 et portant sur les même accords, alors, d'une part, selon le pourvoi, qu'en prohibant les conventions ou ententes ayant pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, le législateur a entendu réprimer les comportements inspirés par une intention anti-concurrentielle, laquelle suppose que les professionnels transgressent la loi en toute connaissance de cause ; qu'en refusant de tenir compte de l'absence de suites données à une enquête administrative effectuée en 1980, par le seul motif que la pratique illicite ne saurait être validée par l'absence de suites données à cette enquête, sans rechercher si, comme l'avait soutenu la société Bureau Véritas dans sa certitude de licéité des accords cadres, la décision attaquée a privé son arrêt de base légal au regar e l'article 50 de l'ordonnance n° 1483 du 30 juin 1945 ; alors, d'autre part, que la société avait fait valoir que les accords cadres ne constituaient pas une atteinte à la concurence, dans la mesure où ces accords conclus avec les groupements de constructeurs, accordaient, en réalité, des avantages aux constructeurs, et permettaient de donner une base de départ pour la négociation qui aboutissait à des rabais considérables ; que le conseil de la concurrence s'était contenté de considérer que les accords litigieux pouvaient avoir pour effet de limiter la concurrence par les prix ; qu'en déclarant qu'il résultait des constatations de la décision du conseil de la concurrence que les accords cadres avaient réellement eu pour effet de limiter la concurrence par les prix, la décision attaquée a dénaturé la décision du conseil et, par là-même, violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a analysé l'effet anti-concurrentiel des conventions cadre auxquelles avait participé la société en relevant que ces conventions comprenaient des barèmes de rémunération et qu'elles avaient donc "nécessairement pour objet de "limiter la concurrence par les prix" la transparence de ces derniers ne pouvant résulter que de la fixation" de manière autonome "en fonction des coûts de production" pour chaque entreprise ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt, qui a constaté que la

pratique litigieuse avait fait l'objet d'un accor e l'Administration après l'enquête faite en 1980, a, effectuant ainsi les recherches prétendument omises, retenu que cette pratique illicite ne "saurait être validée par l'absence de suites immédiatement données" à cette enquête ; que la cour d'appel a, ainsi, hors toute dénaturation, légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le huitième moyen de cassation, pris en ses deux branches :

Attendu que la société reproche, enfin, à l'arrêt d'avoir confirmé la décision du conseil de la concurrence, en tant qu'il avait déclaré que tombait sous le coup de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 le fait que, pour répondre à un appel d'offre lancé en mai 1985, par le département de la Marne, pour une mission de diagnostic thermique et de vérification des installations électriques, le Bureau Véritas ait présenté une offre groupée avec trois autres entreprises, aux motifs, que le conseil de la concurrence a justement qualifié les faits d'entente portant sur la répartition de marchés publics ou privés dans divers secteurs ; que la décision attaquée s'est, par ce motif, référée aux motifs du conseil de la concurrence selon lequel, pour répondre à l'appel d'offres lancés en mai 1945 par le département de la Marne, pour une mission de diagnostic thermique et de sécurité incendie dans les collèges, SOCOTEC, CEP, Ceten Apave et Bureau Véritas ont présenté une offre groupée, chaque entreprise proposant d'effectuer le contrôle d'un certain nombre d'établissements ; que si les intéressés motivent ce groupement par l'impossibilité dans laquelle aurait été chaque organisme d'effectuer seul l'ensemble des contrôles dans le délai imparti, il n'apporte aucun élément de nature à justifier une répartitiion par quart du marché ; qu'à supposer même que les nécessités techniques alléguées soient établies, les organismes en cause qui sont, au surplus, les seuls organismes nationaux implantés dans le département de la Marne ne

pouvaient, sous le couvert d'un groupement, procéder à une répartition du marché sur des bases préétablies ;

alors, d'une part, selon le pourvoi, que rien n'interdit à des entreprises qui, individuellement, ne peuvent conclure un contrat portant sur une opération trop importante pour chacune d'entre elle, de se grouper pour pouvoir réaliser une opération ; qu'un tel groupement, loin de restreindre le jeu de la concurrence permet à des entreprise qui n'auraient pu soumissionner de le réaliser ; qu'en l'espèce, l'exposante avait fait valoir que, compte tenu du délai imparti pour la réalisation du contrôle de cinquante collèges dans le département de la Marne, ce groupement pouvait seul répondre à l'appel du département que la société n'aurait pu, quant à elle, répondre à l'appel d'offres, compte tenu du fait que l'activité de son bureau de Reims était planifiée jusqu'au mois de décembre 1985 ; qu'en ne recherchant pas si, dans les circonstances de l'espèce, il aurait été possible à l'exposante (ou aux autres entreprises) de répondre à l'appel d'offres sans former de groupement, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale ; que celui-ci encourt donc la cassation au vu de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ; alors, d'autre part, que la constitution d'un groupement en vue de réaliser une mission donnée suppose nécesairement que les parties conviennent des

modalités d'exécution de l'opération et à sa répartition entre elles ; que l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 n'apporte aucune limitation à la liberté contractuelle lorsqu'elle n'a pas pour effet de restreindre ou de fauser le jeu de la concurrence ; qu'en considérant le groupement comme illicite par le seul motif qu'il prévoyait une répatition du marché entre les diverses entreprises, la cour d'appel a violé l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ;

Mais attendu que, s'il est vrai que les entreprises peuvent se grouper pour soumissionner à un marché dans un but de complémentarité sans enfreindre les dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, alors applicable, ce groupement, lorsqu'il devient systématique entre certaines entreprises ayant le même objet et qu'il aboutit à une répartition à parts égales entre elles, ainsi qu'il résulte notamment des constatations du conseil de la concurrence pour les opérations de vérification des installations des collèges construits dans le département de la Marne, peut être qualifié d'entente ; que la cour d'appel, en approuvant la qualification

donnée à ces agissements illicites par le conseil de la concurrence, n'a pas méconnu les dispositions de l'ordonnance précitée ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

! Condamne la société Le Bureau Véritas, envers le ministre chargé de l'Economie, des Finances et du Budget, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du quatorze janvier mil neuf cent quatre vingt douze.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 89-20576
Date de la décision : 14/01/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (1re Chambre, Section concurrence), 11 octobre 1989


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 jan. 1992, pourvoi n°89-20576


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:89.20576
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