LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Sobomar, société anonyme, dont le siège social est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 10 mai 1988 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale), au profit de Mme Martine D..., demeurant ... (Gironde),
défenderesse à la cassation ; LA COUR, en l'audience publique du 26 novembre 1991, où étaient présents :
M. Cochard, président, M. Monboisse, conseiller rapporteur, M. C..., M. E..., M. G..., M. Z..., M. H..., M. Ferrieu, conseillers, Mme A..., M. X..., Mme Y..., Mlle F..., M. B..., Mme Chaussade, conseillers référendaires, M. Graziani, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Monboisse, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Sobomar, de Me Guinard, avocat de Mme D..., les conclusions de M. Graziani, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! Attendu que, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Bordeaux, 10 mai 1988) et la procédure, Mme Martine D... a été engagée le 6 septembre 1972 par la société Sobomar en qualité d'employée de bureau ; que le 10 octobre 1984, l'employeur a adressé un avertissement à la salariée ; que le 12 octobre, lors d'un entretien, une dispute a opposé les parties et que la salariée a délivré un reçu pour solde de tout compte ; que Mme D... a dénoncé ce reçu le 13 octobre ; qu'elle a contesté avoir démissionné comme le prétendait l'employeur ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale aux fins de condamnation de l'employeur au paiement de différentes sommes ; Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Sobomar à payer à Mme D... des indemnités de préavis, de licenciement et de rupture sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la rupture du contrat de travail, nonobstant l'absence de démission du salarié, peut néanmoins être imputable à celui-ci ; qu'en déduisant l'existence d'un licenciement de la seule absence de démission, la cour d'appel a violé l'article L. 122-4 du Code du travail, alors, d'autre part, que l'existence d'une rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur suppose la volonté de celui-ci de mettre fin au contrat ; qu'en l'espèce, les juges du fond ne constatent à aucun moment que
l'employeur ait, d'une façon quelconque, eu la volonté de rompre le contrat de travail ou pris une initiative en ce sens ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué se trouve privé de toute base légale au regard de l'article L. 122-4 du Code du travail, alors, de surcroît, qu'il résulte des constatations des premiers juges que l'employeur a pu croire, de bonne foi, que Mme D... a eu réellement l'intention de démissionner le 12 octobre 1984 ; que l'employeur était en droit de prendre acte de cette rupture à l'initiative de la salariée dès le 12 octobre 1984 et que le fait que la salariée soit revenue sur sa décision le lendemain était insuffisant pour faire peser la charge de la rupture sur l'employeur ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article L. 122-4 du Code du travail, alors, enfin, que l'employeur faisait valoir que Mme D..., dès le lendemain de l'entretien, s'est abstenue volontairement de se présenter à son travail, qu'en s'abstenant de rechercher si cette circonstance ne manifestait pas l'intention non équivoque de la salariée de démissionner, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-4 du Code du travail ; Mais attendu que la cour d'appel a fait ressortir que le départ de la salariée avait été provoqué par le comportement de l'employeur ; qu'elle a donc pu décider que la rupture était imputable à l'employeur ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Sobomar à payer à Mme D... des indemnités de préavis, de licenciement, et de licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'absence de cause de licenciement ne peut se déduire de la seule absence de démission de la salariée ; qu'ainsi l'arrêt a violé les articles L. 122-6 et L. 122-9 du Code du travail, alors, d'autre part, qu'il ressort expressément des constatations des juges du fond, que Mme D..., en réaction à de justes observations de son employeur, a eu avec les représentants de celui-ci, un entretien orageux à la suite duquel elle ne s'est plus présentée à son poste et a réclamé une lettre de licenciement ; qu'en s'abstenant de rechercher si ce
comportement ne constituait pas une faute grave de la salariée ou à tout le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 122-6 et L. 122-9 du Code du travail, alors, de surcroît et en tout hypothèse, qu'il résulte de l'arrêt attaqué lui-même que la salariée, dès le lendemain de la rupture, ne s'est pas présentée volontairement à son poste, puis s'est trouvée en arrêt de maladie, c'est-à-dire dans l'incapacité d'exécuter son préavis ; qu'en condamnant néanmoins l'employeur à lui régler son indemnité de préavis, la cour d'appel a violé l'article L. 122-8 du Code du
travail, alors, enfin, que la rupture est intervenue le 12 octobre 1984 soit avant le jour -16 octobre- où la maladie de la salariée a été déclarée et que, de surcroît, cette maladie non professionnelle ne faisait pas obstacle à une décision de licenciement ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé les articles L. 122-4 et L. 122-32-1 du Code du travail ; Mais attendu que la cour d'appel, devant laquelle l'employeur se bornait à soutenir que la rupture était uniquement due à la démission de la salariée, n'avait pas à apprécier des éléments qui n'étaient pas invoqués ; qu'après avoir retenu que la salariée n'avait pas démissionné, elle n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du
Code du travail en décidant, par motifs propres et adoptés, que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;