LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le six janvier mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller GONDRE, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GALAND ; Statuant sur les pourvois formés par :
Z... Louis, K
A... Christiane, veuve X..., K
contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 22 novembre 1990, qui les a condamnés pour exploitation de jeux de hasard à des amendes pénales, et pour infractions à la législation sur les contributions indirectes à des amendes et pénalités fiscales, et qui a prononcé la confiscation pénale et fiscale des appareils et des sommes saisis ; b Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Sur le pourvoi de Louis Z... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit à l'appui du pourvoi ; Sur le pourvoi de Christiane A..., veuve X... :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1559, 1560, 1565, 1791, 1797, 1799, 1799 A du Code général des impôts, 124, 124 A, 126 B, 126 D, 146, 152 et 154 de l'annexe IV à ce Code, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a, sur l'action de la Direction des services fiscaux, condamné Christiane B... pour diverses infractions en matière d'impôts sur les spectacles de 4ème et 5ème catégories ; "aux motifs que la prévenue aurait participé à l'exploitation des appareils litigieux et en a tiré profit, soit 40% environ des sommes encaisées ; "alors qu'aux termes de l'article 126 B de l'annexe IV au Code général des impôts, ne sont considérés comme exploitants d'appareils automatiques, soumis aux obligations de déclaration de mise en service et de paiement de la taxe annuelle, que ceux qui en assurent l'entretien, encaissent la totalité des recettes et enregistrent les bénéfices et les pertes ; que l'arrêt attaqué a constaté que la prévnue, simple dépositaire des appareils litigieux, ne percevrait qu'une partie des recettes ;
qu'elle ne pouvait en conséquence être considérée comme étant redevable des obligations susvisées" ; Vu lesdits articles ; Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; Attendu qu'aux termes de l'article 126 B de l'annexe IV du Code général des impôts, sont considérés d comme exploitants d'appareils automatiques, redevables de la taxe annuelle, ceux qui en assurent l'entretien, qui encaissent la totalité des recettes et qui enregistrent les bénéfices ou les pertes ; Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des procès-verbaux en date du 12 février 1990, base des poursuites fiscales, que Christiane A..., veuve X... est prévenue d'infractions en matière d'impôt sur les spectables, d'une part, de la 4ème catégorie, pour ouverture d'une maison de jeux sans déclaration, défaut de tenue de comptabilité, défaut de déclaration de recettes et de paiement de la taxe, d'autre part, de la 5ème catégorie, pour défaut de déclaration de mise en service de cinq appareils automatiques et de paiement de la taxe ; Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable de ces infractions, les juges se bornent à énoncer que l'intéressée a participé à l'exploitation des appareils litigieux, installés dans son débit de boissons par un tiers qui en était propriétaire, et qu'elle en a tiré profit en percevant 40 % des sommes encaissées ; Mais attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, qui ne caractérisent pas la qualité d'exploitant au regard du texte susrappelé, l'arrêt attaqué n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision ; D'où il suit que la cassation est encourue ; Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 1791 du Code général des impôts, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la condamnation de la prévenue au paiement, au profit de la direction générale des impôts, de trois fois la somme de 22 500 francs, soit la somme de 67 500 francs pour tenir lieu de confiscation des recettes et de deux fois la somme de 10 000 francs, soit la somme de 20 000 francs au titre de confiscation des appareils de jeux ; "alors qu'en application des dispositions de l'article 1791 du Code général des impôts, la confiscation n'est ordonnée qu'une fois pour un même objet de fraude saisi ; qu'en conséquence, la cour d'appel ne pouvait valablement prononcer, autant de fois d qu'elle relevait d'infractions fiscales, la confiscation du montant des recettes et de la valeur des appareils fictivement saisis" ;
Vu lesdits articles ; Attendu qu'en matière de contributions indirectes la confiscation ne peut être ordonnée que pour les objets, produits ou marchandises préalablement saisis ; qu'il s'ensuit que cette mesure ne peut être prononcée qu'une fois pour un même objet de fraude, même si plusieurs infractions ont été relevées et quelle que soit la modalité, réelle ou fictive, de la saisie opérée ; Attendu qu'après avoir déclaré Christiane A..., veuve X... coupable de cinq infractions à la législation sur les contributions indirectes, à la suite de la saisie dans son débit de boissons d'appareils de jeux automatiques et des recettes s'y rapportant, la cour d'appel a prononcé, à la demande de l'administration des Impôts, trois fois la confiscation des recettes évaluées à 22 500 francs et deux fois la confiscation des appareils de jeux dont la valeur a été estimée à 10 000 francs ; Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le principe susrappelé ; Que, dès lors, la cassation est encore encourue ; Par ces motifs ; Sur le pourvoi de Louis Z... :
REJETTE le pourvoi ; Condamne le demandeur aux dépens ; Sur le pourvoi de Christiane A..., veuve X... :
CASSE et ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 22 novembre 1990, mais seulement en ses dispositions portant condamnation de Christiane A..., veuve X... pour infractions à la législation sur les contributions indirectes, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; b Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi dans la limite de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Pau, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Toulouse et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents :
M. Le Gunehec président, M. Gondre conseiller rapporteur,
MM. Tacchella, Souppe, Hébrard, Hecquard, Culié, Jorda conseillers de la chambre, MM. Y..., de Mordant de Massiac conseillers référendaires, M. Galand avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;