AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société à responsabilité limitée Ardéchoise Laurans, dont le siège est sis ... (Ardèche),
en cassation d'un arrêt rendu le 20 décembre 1989 par la cour d'appel de Nîmes (1re Chambre), au profit :
1°) de Mme Françoise Z..., épouse X..., demeurant ... (Ardèche),
2°) de M. Robert Z..., demeurant ... d'Indy à Aubenas (Ardèche),
3°) de Mme Odile Y..., veuve Z..., demeurant ... (Ardèche), prise en qualité d'administratrice légale des biens de ses enfants mineurs Mélanie et Mathieu,
4°) de Mme Josée B..., divorcée Z..., demeurant à Papeete (Polynésie française), prise en qualité d'administratrice légale des biens de son fils mineur Laurent,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 novembre 1991, où étaient présents : M. Cochard, président, M. Lecante, conseiller rapporteur, M. Benhamou, conseiller, Mme Pams-Tatu, conseiller référendaire, M. Graziani, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Lecante, les observations de Me Boullez, avocat de la société Ardéchoise
Z...
, de la SCP Riché et Thomas-Raquin, avocat des consorts Z..., les conclusions de M. Graziani, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la société Ardéchoise
Z...
, qui a acquis le fonds de commerce appartenant aux consorts Z..., fait grief à l'arrêt attaqué (Nîmes, 20 décembre 1989) d'avoir mis à sa charge les indemnités de rupture dues à un salarié, M. A..., alors, d'une part, que, dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation ; qu'en l'espèce, l'explication plausible retenue par la cour d'appel quant à la rature du nom de M. A... sur l'état du personnel annexé à l'acte de cession était insuffisante pour écarter le doute sur l'intention des parties ; que l'arrêt, en décidant cependant que les indemnités remises à M. A... incombaient à la société, a violé l'article 1162 du Code civil ; alors que, d'autre part, selon l'article L. 122-12-1, alinéa 1er, du Code du travail, le premier employeur est tenu de rembourser les sommes acquittées par le nouvel employeur sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ses obligations dans la convention intervenue entre eux ; qu'en l'espèce, la société avait fait valoir dans ses conclusions demeurées sans réponse qu'en l'absence d'abattement effectif sur le prix de cession, la mise à sa charge des indemnités de rupture dues à M. A... équivalait à un enrichissement sans cause des consorts Z... ; que la cour d'appel, qui constate l'absence de minoration
du prix de cession et qui met à la charge
de la société les indemnités de rupture dues à M. A..., n'a pas suffisamment motivé sa décision au regard des articles 1371 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin, que si le second employeur est tenu vis-à-vis du salarié des indemnités de rupture, il n'en résulte pas pour autant que le second employeur doive supporter la charge définitive de celles-ci, si un accord est intervenu entre les employeurs successifs ; qu'en l'espèce, l'arrêt relève l'existence d'un reçu du notaire du 3 décembre 1985 ainsi libellé : "solde prix acquisition des consorts Z... indemnité licenciement M. A... 55 567,94 francs", ce dont il résultait que la prise en charge des indemnités dues à M. A... incombait aux consorts Z..., peu important l'absence de minoration du prix de la cession du fonds de commerce ; que la cour d'appel, en estimant que les indemnités remises à M. A... incombaient à la société, n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales au regard de l'article L. 122-12-1, alinéa 2, du Code du travail ;
Mais attendu que l'arrêt, après avoir constaté que le congédiement du salarié avait été décidé par la société Ardéchoise
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postérieurement à la cession du fonds de commerce, a relevé que ce licenciement n'avait pas été envisagé par les parties lors de la conclusion de leurs accords et que la mention portée sur le reçu du notaire résultait des seules déclarations du représentant de la société et ne pouvait donc être opposée aux consorts Z... ; que le moyen ne saurait donc être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
! Condamne la société Ardéchoise
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, envers les consorts Z..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du onze décembre mil neuf cent quatre vingt onze.