LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Cochery Bourdin Chausse, dont le siège social est à Nanterre (Hauts-de-Seine), ..., venant aux droits de l'Entreprise Albert Cochery, dont le siège est à Rouen (Seine-Maritime), ... des Tonneliers,
en cassation d'un arrêt rendu le 15 mars 1989 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre), au profit de :
1°/ la compagnie Les Assurances générales de France, dont le siège est à Paris (1er), ...,
2°/ M. B...,
3°/ M. Y...,
géomètres-experts, demeurant à Mont Saint-Aignan (Seine-Maritime), ...,
4°/ l'entreprise Quillery Saint-Maur, dont le siège est au Grand Quevilly (Seine-Maritime), ...,
5°/ la société civile immobilière du Val-de-Seine, dont le siège social est à Paris (1er), ...,
6°/ la société Sefi Real, dont le siège est à Paris (12e), ...
défendeurs à la cassation ; MM. B... et Y... ont formé, par un mémoire déposé au greffe le 16 novembre 1989, un pourvoi incident contre le même arrêt ; La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 22 octobre 1991, où étaient présents :
M. Senselme, président, M. Valdès, conseiller rapporteur, MM. D..., X..., Z..., C...
A..., MM. Chemin, Boscheron, conseillers, MM. Chollet, Chapron, Pronier, conseillers référendaires, M. Marcelli, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Valdès, les observations de la SCP Vier et Barthélémy, avocat de la société Cochery Bourdin Chausse, de la SCP Boré et Xavier, avocat de MM. B... et Y..., de la SCP Coutard et Mayer, avocat de la SCI du Val-de-Seine, les conclusions de M. Marcelli, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Donne acte à la société Cochery Bourdin Chausse de son désistement de pourvoi, en tant que dirigé contre la société Sefi Real, la compagnie AGF et l'entreprise Quillery Saint-Maur ;
Sur la recevabilité du pourvoi incident, contestée par la défense :
Attendu qu'une même personne, agissant en la même qualité, ne peut former qu'un seul pourvoi en cassation contre la même décision ; Attendu que MM. B... et Y..., qui ont formé, le 16 novembre 1989, un pourvoi incident contre un arrêt de la cour d'appel de Rouen du 15 mars 1989, avaient déjà, en la même qualité, formé contre la même décision, le 20 septembre 1989, un pourvoi principal enregistré sous le numéro K 89-19.593 ; D'où il suit que le pourvoi incident est irrecevable ; Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 15 mars 1989), que pour la construction d'un groupe de pavillons, la société civile immobilière du Val-de-Seine, maitre de l'ouvrage, a, sous la maîtrise d'oeuvre de MM. B... et Y..., géomètres-experts, chargé, suivant marché du 14 janvier 1977, la société Entreprise Albert Cochery (société Cochery), aux droits de laquelle se trouve la société Cochery Bourdin Chausse, de l'exécution des travaux de voirie et réseaux divers, qui ont fait l'objet d'une réception provisoire avec réserves le 12 septembre 1977 ; que des désordres affectant ces ouvrages s'étant généralisés et aggravés, malgré l'exécution en 1978 d'une première tranche de travaux de consolidation de la voirie détériorée par des engins, le maître de l'ouvrage a, en juillet 1984, fait assigner en réparation les maîtres d'oeuvre et l'entrepreneur ; Attendu que la société Cochery fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec les maîtres
d'oeuvre, à payer au maître de l'ouvrage diverses sommes, alors, selon le moyen, "1°) que faute d'avoir examiné en fait les éléments de la cause, autres que l'expertise critiquée, à partir desquels l'entreprise, comme d'ailleurs le maître d'oeuvre, entendait démontrer que les travaux concernant la première phase étaient des travaux supplémentaires hors marché ayant fait l'objet de commandes spéciales, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du
nouveau Code de procédure civile ; 2°) que la cour d'appel, ayant relevé le caractère apparent des déblais et remblais à propos desquels aucune réserve n'avait été mentionnée lors de la réception, n'a pu retenir à cet égard la garantie de la société Cochery, à qui aucun rôle d'assistance du maître de l'ouvrage dans la réception des travaux n'était contractuellement dévolu ; qu'elle a ainsi violé l'article 1792, ensemble l'article 1147 du Code civil ; 3°) que la société Cochery n'avait, aux termes du marché de travaux la liant au maître de l'ouvrage, d'autre mission que de réaliser les travaux prévus sous la direction du Cabinet B... et Y..., investi quant à lui d'une mission beaucoup plus large d'assistance du maître de l'ouvrage à tous les stades du projet (conception, réalisation, réception) ; qu'en affirmant néanmoins la prépondérance des responsabilités prises en charge par la société Cochery, par rapport aux ingénieurs
VRD, maîtres d'oeuvre, la cour d'appel a méconnu les documents contractuels applicables en la cause et violé de la sorte l'article 1134 du Code civil ; 4°) qu'en se bornant à relever, à l'encontre des ingénieurs VRD comme de la société Cochery, de vagues griefs relatifs à la conception et à l'exécution des travaux, ainsi qu'au devoir de conseil, sans caractériser aucun manquement précis propre à l'entreprise, qui n'était investie d'aucune mission quant à la conception du projet et exposait dans ses conclusions qu'elle avait mis en garde les ingénieurs VRD contre les risques de détérioration des voies, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard tant de l'article 1147 que de l'article 1792 du Code civil" ; Mais attendu, d'une part, que la société Cochery n'ayant pas invoqué devant la cour d'appel le caractère apparent des désordres affectant les déblais et les remblais, le moyen est, de ce chef, nouveau et mélangé de fait et de droit ; Attendu, d'autre part, qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, qu'aucun élément de la cause ne contredisait le rapport d'expertise, selon lequel la prise en charge des travaux de la première phase n'incombait pas au maître de l'ouvrage, mais notamment à la société Cochery et à MM. B... et Y..., responsables des dégradations ayant donné
lieu à des travaux de reprise de voiries déjà exécutés, la cour d'appel, qui a retenu la mauvaise qualité de la mise en oeuvre et le manquement de l'entrepreneur à son obligation de conseil envers le maître de l'ouvrage, a caractérisé les fautes de la société Cochery à l'origine de l'entier dommage, et souverainement apprécié le partage des responsabilités dans ses rapports avec les maîtres d'oeuvre ; D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal ; DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi incident ;