LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean-Pierre X..., demeurant à Medan (Yvelines), ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 28 janvier 1988 par la cour d'appel de Paris (21e chambre B), au profit :
1°/ de la Société automobiles Peugeot, dont le siège est à Paris (17e), ... Armée,
2°/ de la société anonyme Botzaris Paris 10 automobiles, dont le siège est à Paris (10e), ...,
3°/ de la société anonyme Société commerciale automobile, dont le siège est à Paris (17e), ... Armée,
défenderesses à la cassation ; LA COUR, en l'audience publique du 22 octobre 1991, où étaient présents :
M. Cochard, président, M. Boittiaux, conseiller rapporteur, MM. E..., Y..., C..., F..., D..., B..., Pierre, conseillers, Mme Z..., M. A..., Laurent-Atthalin, Mme Pams-Tatu, conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Boittiaux, les observations de Me Jacoupy, avocat de M. X..., de la SCP Desaché et Gatineau, avocat de la Société automobiles Peugeot, de la société Botzaris Paris 10 automobiles et de la Société commerciale automobile, les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... a été informé, le 12 janvier 1970, par la société Simca, qu'il pouvait devenir dirigeant de la Société de distribution automobiles (SDA), concessionnaire de Simca et titulaire d'un contrat de location-gérance de fonds de commerce pour exploiter la concession ; qu'il est devenu, le 13 avril 1970, actionnaire de la société SDA, président du directoire et, simultanément, a été engagé en qualité de directeur commercial et financier ; que, par la suite il a acquis, avec sa famille ou ses proches, la totalité du capital de la société ; qu'il a démissionné le 12 janvier 1983 de son mandat social et le lendemain, a été engagé, en qualité de directeur commercial et financier, par son épouse, devenue président directeur général ; que la Société automobiles-Peugeot, venant aux droits des sociétés Simca et Simca-Chrysler, a mis fin le 1er janvier 1985, à la concession dont bénéficiait la société SDA tandis que la Société commerciale automobiles (SCA), devenue propriétaire du fonds de commerce, a mis fin au contrat de location-gérance ; que les contrats de travail des employés de la SDA ont été transférés, en application de l'article L. 122-12 du Code du travail,
à la société Botzaris-Automobiles (ou "Botzaris Paris 10 Automobiles") nouveau titulaire de la concession et du contrat de location-gérance ; que M. X... en a été exclu, la société Botzaris-Automobiles lui déniant la qualité de salarié ; Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 23 janvier 1988) d'avoir jugé qu'il n'était pas salarié de la société SDA et de l'avoir débouté de ses demandes tendant à voir condamner
solidairement la société Botzaris-Automobiles, la Société commerciale automobile et la société Automobiles-Peugeot à lui payer diverses sommes à titre de salaire, de congés-payés, d'indemnités de préavis et de licenciement, et des dommages et intérêts alors que selon le moyen, d'une part, il était établi que la société SDA Paris-Est avait consenti à M. X..., le 13 avril 1970, un contrat de travail de directeur commercial et financier, fonctions pour lesquelles l'intéressé avait toujours perçu un salaire, et que la direction centrale du personnel de la société Peugeot, en 1982, avait également reconnu à M. X... la qualité de salarié entraînant droit "à la retraite Talbot" en raison de son appartenance "à la suite économique de la société des automobiles Simca devenue Chrysler France, puis Automobiles Talbot" ; que M. X... ayant ainsi apporté la preuve, lui incombant, du contrat de travail dont il se prévalait, la charge de la preuve de la nullité dudit contrat, invoquée par les sociétés, leur incombait ; qu'ainsi, en retenant, pour débouter M. X... de ses demandes, qu'il ne démontrait pas que ses fonctions de directeur commercial étaient distinctes de ses fonctions de président du directoire de la société SDA Paris-Est, la cour d'appel a renversé la fardeau de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil, alors, d'autre part, que si M. X... s'était vu conférer "les attributions les plus larges", c'était dans le cadre de ses fonctions salariées de directeur commercial et financier ; qu'ainsi, en énonçant que la formulation utilisée dans la délibération du 13 avril 1970 démontrait que les fonctions de directeur commercial et celles de président du directoire se confondaient, la cour d'appel a dénaturé ladite délibération et violé l'article 1134 du Code civil, alors, enfin, qu'en s'abstenant de rechercher si, quels qu'aient été les termes de la délibération du 13 avril 1970, M. X... n'avait pas effectivement exercé des fonctions salariées distinctes de son mandat social, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 121-1 du Code du travail ; Mais attendu que la cour d'appel, sans renverser la charge de la preuve, hors de toute dénaturation et procédant aux recherches prétendûment omises, a relevé, d'une part, qu'aucun contrat de travail n'avait précédé l'exercice du mandat social au sein de la société SDA et que les fonctions de directeur commercial et financier et celles conférées
par le mandat social ne pouvaient se distinguer,
d'autre part que M. X... était toujours resté le dirigeant de droit
ou de fait de la société ; qu'elle a pu décider qu'il n'avait pas bénéficié d'un contrat de travail vis-à-vis de la société SDA ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le deuxième et le troisième moyens réunis :
Attendu que M. X... fait également grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé qu'il n'était pas le salarié de la société Automobiles-Peugeot et de l'avoir débouté de ses demandes alors que, selon le moyen, de première part, l'état de subordination de la société SDA Paris-Est et de son personnel à l'égard du constructeur se trouvait établie par le fait que le réembauchage de M. X..., en 1970, avait été décidé, non par cette société, mais par la société Simca ; qu'ainsi, en énonçant qu'il ne pouvait être tiré aucune conséquence juridique de la lettre du 12 janvier 1970 de la société Peugeot (en réalité Simca), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient légalement de ses constatations et a violé l'article L. 122-4 du Code du travail, alors, d'autre part, qu'en s'abstenant de rechercher si, comme il l'était soutenu, l'interdépendance des contrats de concession et de location-gérance n'avait pas eu pour conséquence de maintenir la société SDA Paris-Est et M. X... dans un état de subordination de fait à l'égard du constructeur, Simca, puis Peugeot, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 121-1 et L. 122-4 du Code du travail ; alors que, dans ses conclusions d'appel, M. X... avait fait valoir que la société Automobiles-Peugeot avait adopté une attitude discriminatoire à son égard en lui déniant la qualité de salarié, alors qu'elle avait reconnu cette qualité à tous ses collègues se trouvant dans la même situation que lui, c'est-à-dire aux présidents directeurs généraux devenus actionnaires majoritaires de leurs sociétés respectives ; que M. X... invoquait, à cet égard, des attestations établies par plusieurs cadres supérieurs de la société Peugeot ; qu'en ne répondant, par aucun motif, à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a relevé, d'une part, que la lettre du 12 janvier 1970, émanant de la société Simca, n'avait
été suivie d'aucun contrat de travail avec cette société, qu'elle a fait ressortir que la société n'avait pris aucun engagement particulier ; qu'elle a retenu à bon droit, d'autre part, que la dépendance économique entre la société Simca et la société SDA ne pouvait, à elle seule, caractériser l'existence d'un contrat de travail entre les salariés de la société SDA et la société Simca ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., envers les défenderesses, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt novembre mil neuf cent quatre vingt onze.