AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
I Sur le pourvoi n° X 89-19.420 formé par :
1°/ la société anonyme Dimex, société anonyme, dont le siège social est à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), zone industrielle de Liane, rue Bleriot,
2°/ M. D. Z..., domicilié à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), ..., pris en sa qualité de syndic du règlement judiciaire de la société anonyme Dimex,
3°/ M. René Y...,
4°/ Mme Denise X..., épouse Y...,
demeurant ensemble au Cannet Rocheville (Alpes-Maritimes), Les Eglantines, ...,
II Sur le pourvoi n° J 89-19.937 formé par la société Bertin et compagnie, société anonyme, dont le siège social est à Plaisir (Yvelines), allée Gabriel Voisin, zone industrielle,
en cassation d'un arrêt rendu le 25 mai 1989 par la cour d'appel de Douai (2e chambre civile), au profit de la société Bail équipement, société anonyme, dont le siège est à Paris (1er), 22, place Vendôme,
défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs au pourvoi n° X 89-19.420 invoquent, à l'appui de leur pourvoi, cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi n° J 89-19.937 invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 1er octobre 1991, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Apollis, conseiller rapporteur, M. Hatoux, Mme Pasturel, MM. Edin, Grimaldi, Mme Clavery, M. Lassalle, conseillers, Mme Desgranges, MM. Le Dauphin, Rémery, conseillers référendaires, M. Patin, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Apollis, les observations de Me Hennuyer, avocat de la société Dimex, de M. Z..., ès qualités, et de M. Y..., de la SCP de Chaisemartin, avocat de la société Bertin et compagnie, de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat de la société Bail équipement, les conclusions de M. Patin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Joint le pourvoi n° J 89-19.937 formé par la société Bertin et compagnie et le pourvoi n° X 89-19.420 formé par la société Dimex, M. Z..., ès qualités de syndic du règlement judiciaire de cette société et des époux Y..., qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Bail équipement a donné en crédit-bail à la société dimex une installation de traitement des coquilles Saint-Jacques qu'elle a achetée à la société Bertin et compagnie (la société Bertin) ; que la société Dimex, qui n'a pas été satisfaite de cet équipement, a refusé d'en signer le procès-verbal de réception destiné à la société Bail équipement ; que cette dernière a alors assigné les sociétés Bertin et Dimex en remboursement des acomptes qu'elle a versés à son vendeur ; que, de son côté, la société Dimex a assigné en responsabilité la société Bertin ; que le syndic du règlement judiciaire de cette société et les époux Y..., lesquels s'étaient à divers titres engagés financièrement auprès de la société Dimex,
se sont joints à l'action de cette dernière société ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches du pourvoi n° J 89-19.937 :
Attendu que la société Bertin fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à restituer à la société Bail équipement les acomptes perçus sur le prix de vente du matériel livré à la société Dimex alors, selon le pourvoi, que, d'une part, d'après les termes mêmes du contrat de vente, la société Bail équipement constituait le preneur comme son mandataire pour la réception du matériel ; que, dès lors, le vendeur est fondé à invoquer à son profit la clause du contrat de mandat prévoyant que le refus de prise en charge par ce mandataire doit être effectué dans les huit jours et que "passé ce délai, il serait censé avoir accepté sans réserve le matériel mis à sa disposition" ; que cette acceptation du matériel, valable à l'égard du mandant, ne peut rester sans effet à l'égard du vendeur ; qu'en refusant d'admettre le vendeur à invoquer cette clause, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1134 et 1984 et suivants du Code civil, alors que, d'autre part, en énonçant que les deux clauses précitées n'étaient nullement en contradiction, de sorte qu'il n'y avait pas à rechercher si la seconde dérogeait à la première, la cour d'appel a méconnu les conséquences de ses propres constatations ; qu'en effet, le matériel ne peut être à la fois, en cas de silence du locataire-mandataire, réputé accepté à l'égard de l'acheteur, par le jeu de la seconde clause, et non accepté à l'égard du vendeur, par le jeu de la première clause ; que la cour d'appel a donc violé l'article 1134 du Code civil, alors qu'enfin, toujours d'après les constatations mêmes de l'arrêt, la condition suspensive affectait le transfert de propriété mais non la vente elle-même ; que seule la résolution de la vente aux torts du vendeur aurait justifié la restitution du prix par celui-ci ; que cette résolution n'a été ni demandée ni prononcée, la cour d'appel ne relevant de plus à la charge du vendeur qu'une part de responsabilité dans des défauts de fonctionnement auxquels il était techniquement possible de remédier, ce qui ne fait pas ressortir que les conditions d'une résolution aient été remplies ; que, dès lors, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à la condamnation du vendeur à restitution du prix en violation des articles 1134, 1184 et 1641 du Code civil, ensemble l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que, dès lors qu'il a été constaté que la société Bertin, qui n'était liée avec la société Bail équipement que par un contrat de vente d'une machine, était étrangère au contrat de crédit-bail, relatif à cette machine, passé entre la société Bail équipement et la société Dimex, l'arrêt retient à bon droit que la société Bertin n'est pas fondée à invoquer le bénéfice des clauses de ce dernier contrat, concernant la réception du matériel, par le crédit preneur dans ses rapports avec le crédit-bailleur ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que la condition suspensive à laquelle était subordonnée la vente ne s'étant pas réalisée, le transfert de propriété ne s'est pas opéré au profit de la société Bail équipement, peu important les défectuosités de la machine qu'elle a commandée ; qu'il a ainsi légalement justifié sa décision de condamner le vendeur à restituer le prix ;
Que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses trois branches ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche du pourvoi n° X 89-19.420 :
Vu les articles 7 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour imputer à la société Dimex une part de responsabilité dans l'échec de la réalisation de l'installation litigieuse en raison de ce que le réglage de cette installation lui aurait incombé, l'arrêt retient que cette société a négligé de faire parvenir des coquilles fraîches pour permettre les essais et la mise au point nécessaires, qu'elle s'est désintéressée du mauvais fonctionnement des moto-pompes et a refusé de les démonter et de les envoyer en réparation sous la garantie de la société Bertin et enfin, qu'elle ne démontre pas avoir cherché à utiliser la machine durant la saison 1980-1981 ;
Attendu qu'en se déterminant par de telles circonstances, sans qu'il résulte de l'arrêt que les moyens tirés de ces faits aient été soumis à la discussion contradictoire des parties, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi n° J 89-19.937 et, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 25 mai 1989, mais uniquement en ce qu'il a dit que la responsabilité de l'échec de la réalisation de la machine prototype incombait pour moitié à la société Bertin et pour moitié à la société Dimex, en ce qu'il a débouté la société Dimex, M. Z..., ès qualités, et les époux Y... de toutes les demandes qu'ils ont formées contre la société Bertin, en ce qu'il a fixé la créance de la société Bertin contre la société Dimex à la somme de 321 551,70 francs et en ce qu'enfin il a statué sur les dépens ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Bertin et compagnie et la société Bail équipement aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Douai, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du douze novembre mil neuf cent quatre vingt onze.