Joint les pourvois n° 90-11.565 et n° 90-11.811 qui attaquent le même arrêt ;.
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 17 janvier 1990) que, saisi par la société France-Loisirs de pratiques de la Société pour l'administration du droit de reproduction mécanique des auteurs, compositeurs et éditeurs (SDRM) en matière de fixation du taux de redevance phonographique, le Conseil de la concurrence a par décision n° 89 D 24 rendue le 4 juillet 1989 estimé que l'entente réalisée entre la SDRM et le Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP) créait une discrimination de traitement interdite par la réglementation entre le club Dial et la société France-Loisirs en limitant la capacité concurrentielle de celle-ci et prononcé des sanctions pécuniaires à l'encontre de la SDRM et du SNEP en leur enjoignant de supprimer dans un délai de 6 mois toute discrimination de traitement ; que ces deux groupements ont formé un recours principal contre cette décision et que la société France-Loisirs et le ministre chargé de l'Economie ont formé un recours incident ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° 90-11.565 et sur le moyen unique du pourvoi n° 90-11.811 réunis :
Attendu que la SDRM et le SNEP font grief à l'arrêt d'avoir écarté leurs recours, alors, selon les pourvois que les " ministres intéressés ", au sens de l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ne sont pas seulement ceux qui seraient intervenus " pour apprécier, favoriser ou condamner les pratiques d'entente examinées " mais ceux qui exercent leur autorité et leur action sur le secteur économique dont dépendent les activités incriminées et qui, à ce titre, disposent des éléments de connaissance de ce secteur pouvant être portés à l'appréciation du Cconseil, et que la SDRM est une société de perception et de répartition des droits d'auteur régie par le titre IV de la loi du 3 juillet 1985 dont les dispositions soumettent au ministre de la Culture les modalités des statuts de cette société, ses comptes annuels, les documents qui la concernent et qui sont relatifs à la perception et à la répartition des droits, ainsi que le texte des conventions passées à cet égard avec les tiers ; qu'en se déterminant par une définition erronée, apportant au texte des restrictions qu'il ne comporte pas, et en refusant à reconnaître au ministre de la Culture la qualité de ministre intéressé dans un différend relatif à la perception de ces droits, l'arrêt viole à la fois l'article 21, alinéa 2, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et les articles 38 et suivants de la loi du 3 juillet 1985 ;
Mais attendu que l'arrêt a relevé qu'il n'était pas allégué que le ministre chargé de la Culture était intervenu à un quelconque moment pour apprécier, favoriser ou condamner les pratiques d'entente examinées par le Conseil et qu'il a retenu que ces pratiques étaient d'ailleurs étrangères à l'application d'un texte définissant sa mission ministérielle ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a décidé exactement que ce ministre n'avait pas, dans le cas de l'espèce, la qualité de ministre intéressé à qui le rapport fait au Conseil de la concurrence aurait dû être notifié ; que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 90-11.565 :
Attendu que la SDRM fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que lui étaient applicables les dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 alors, selon le pourvoi, que le fait d'autoriser, moyennant une redevance, la reproduction d'une oeuvre de l'esprit ne saurait être considérée comme une " activité de service " ; qu'en décidant néanmoins que l'ordonnance du 1er décembre 1986 était applicable au litige opposant la SDRM à la société France-Loisirs, l'arrêt viole par fausse application l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que l'arrêt a constaté, au regard de l'article 5 des statuts de la SDRM qui déterminent son objet, que si cette société exerce par délégation des auteurs le droit discrétionnaire dont ceux-ci disposent sur leurs oeuvres, elle n'en n'est pas moins une entreprise qui effectue de nombreuses activités de services pour la gestion du patrimoine d'autrui et que dans cette gestion elle agit de façon autonome et parfois exclusive ; qu'il a relevé qu'elle était en l'espèce mise en cause à l'occasion de ses pouvoirs propres de négociation, d'application d'une convention et de fixation du taux d'une redevance ; que la cour d'appel a décidé à juste titre que la SDRM relevait en tant que prestataire de services des dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi n° 90-11.565 :
Attendu que la SDRM fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé la décision du Conseil de la concurrence, la condamnant à une amende et à l'exécution de diverses mesures, alors, selon le pourvoi, qu'il résulte des constatations de l'arrêt " que France-Loisirs a demandé, dès 1979, l'obtention du traitement appliqué aux clubs " ; que dans un premier temps sa demande a été favorablement accueillie par la SDRM qui, par courrier du 28 février 1979, faisant connaître au SNEP qu'elle envisageait de lui faire signer le contrat type BIEM/IFPI et de lui consentir " en tout état de cause " le même traitement qu'à DIAL " puisque leurs pratiques commerciales sont dorénavant très sensiblement les mêmes " mais qui s'est heurtée à l'opposition du syndicat des producteurs ; que par la suite plusieurs propositions faites à ce syndicat par la SDRM en vue de remplacer ou d'aménager le régime des clubs n'ont pas abouti, du moins à la connaissance de la cour d'appel... que la SDRM n'a pas abusé de sa position dominante et que " son comportement en faveur de France-Loisirs, puis ses efforts pour aménager, voire supprimer l'accord, démontrent... " qu'elle " n'a pas su résister aux refus réitérés de son partenaire " ; que les motifs de la décision confirmée relèvent eux-mêmes " que la SDRM a tenté en plusieurs circonstances d'obtenir du SNEP la modification
du protocole de son application à la société France-Loisirs mais que le SNEP s'est à chaque fois opposé aux propositions de la SDRM " ; que la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations et a violé l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, en appliquant la qualification juridique d'entente au comportement de la SDRM ainsi défini ;
Mais attendu que l'arrêt, après avoir relevé que la SDRM et le SNEP soutenaient que la société France-Loisirs ne pouvait prétendre obtenir le même régime que le club Dial parce qu'elle ne remplissait pas les conditions fixées par l'accord qu'ils avaient établi, a constaté qu'au contraire ces deux exploitants intervenaient sur le même marché, proposaient les mêmes objets à l'achat et utilisaient des procédés de vente voisins ; qu'il a retenu qu'ainsi, dans leur application conjointe de leur accord, la SDRM et le SNEP avaient fait supporter à la société France-Loisirs un traitement discriminatoire né de cette entente et que le comportement de la SDRM en faveur de France-Loisirs démontrait qu'il n'avait pu résister aux refus de son partenaire ; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois