AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Roger X..., demeurant à Cheminon, Sermaize-les-Bains (Marne),
en cassation d'un arrêt rendu le 18 octobre 1989 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), au profit de la Société nanceienne de crédit industriel et Varin Bernier (SNVB), société anonyme, dont le siège social est à Nancy (Meurthe-et-Moselle), 4, place Maginot,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 juin 1991, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, MM. Hatoux, Mme Loreau, MM. Vigneron, Dumas, Gomez, Leonnet, conseillers, Mme Geerssen, conseiller référendaire, M. Patin, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Leclercq, les observations de Me Vuitton, avocat de M. X..., de la SCP Jean et Didier Le Prado, avocat de la Société nanceienne de crédit industriel et Varin Bernier, les conclusions de M. Patin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 18 octobre 1989), que, poursuivi par la Société nancéienne de crédit industriel et Varin-Bernier (la banque) en paiement du montant d'une lettre de change qu'elle avait prise à l'escompte et qui était revêtue d'une mention d'acceptation au nom de M. X..., celuici a contesté l'authenticité de la signature ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son exception de dénégation d'écriture, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, affirmer, d'abord, qu'il n'y avait pas de similitude entre les signatures de M. X... apposées sur le bon de livraison et l'accusé de réception de la lettre recommandée du 14 février 1985, et, ensuite, qu'il n'y avait pas de différence évidente entre ces trois signatures et la signature litigieuse ; qu'en se déterminant par de tels motifs entachés de contradiction, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ; et alors, d'autre part, qu'en décidant que la lettre de change émise à l'ordre de la société Paget ne pouvait manquer d'être en la possession de M. X..., puisque le prix du tracteur ayant été payé par d'autre moyens, la société Paget "lui aurait certainement" restitué cet effet, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs hypothétiques et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé la diversité des formes de la signature de M. X... dans plusieurs documents, c'est sans se contredire que, faisant ressortir que la signature litigieuse n'avait pas davantage de différence avec chacun des échantillons avec lesquels elle a été comparée que chacun de ceux-ci entre eux, la cour d'appel a retenu que la falsification n'était pas apparente ;
Attendu, d'autre part, qu'en rappelant que, sauf circonstances
particulières non invoquées en l'espèce, celui qui a payé le montant d'une lettre de change se fait remettre celle-ci avec mention d'acquit, puis en faisant grief à M. X... de ne pas produire la lettre de change prétendument réglée pour le même objet que celle pour laquelle il était poursuivi, la cour d'appel ne s'est pas prononcée par des motifs hypothétiques ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait également grief à l'arrêt de ne pas l'avoir admis à faire valoir contre la banque les exceptions qu'il aurait pu opposer contre le tireur, alors, selon le pourvoi, qu'à supposer la lettre de change non entachée de faux, ces exceptions sont opposables au porteur de mauvaise foi ; que, dès lors, en condamnant M. X..., supposé tiré accepteur, à payer à la banque, porteur, le montant de la lettre de change, sans rechercher si, lorsqu'elle avait acquis ladite lettre de change, la banque savait que la situation de la société Soubert, tireur, était irrémédiablement compromise, et si elle avait ou non agi sciemment au détriment du débiteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 121 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni des conclusions des parties, ni de l'arrêt, que M. X... ait soutenu devant la cour d'appel que la banque ait su, lorsqu'elle a pris la lettre de change litigieuse à l'escompte, que la situation du tireur était irrémédiablement compromise, que l'effet, dépourvu de provision, le resterait probablement à l'échéance, et qu'en le faisant endosser à son profit, elle agissait au préjudice du tiré ; que M. X... ne peut donc faire grief à la cour d'appel d'avoir omis une recherche qu'il ne lui avait pas demandée ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
! Condamne M. X..., envers la Société nanceienne de crédit industriel et Varin Bernier, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du seize juillet mil neuf cent quatre vingt onze.