AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société anonyme Constructions industrielles du Sud-Ouest, dont le siège est à Onet Le Château (Aveyron), zone artisanale du Bel Air,
en cassation d'un arrêt rendu le 29 juin 1989 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre, section A), au profit de :
1°/ l'Association pour la gestion du régime des créances des salariés (AGS), dont le siège est à Toulon (Var), ...,
2°/ l'ASSEDIC Toulouse Midi Pyrénées, dont le siège est à Toulouse (Haute-Garonne), ...,
3°/ M. Henri X..., syndic, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société anonyme Constructions métalliques du Sud-Ouest, demeurant à Rodez (Aveyron), ...,
4°/ M. Jean Y..., demeurant à Rodez (Aveyron), ..., ès qualités de représentant des créanciers de la société anonyme Constructions métalliques du Sud-Ouest,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 28 mai 1991, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Pasturel, conseiller rapporteur, M. Hatoux, conseiller, M. Jeol, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Pasturel, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Constructions industrielles du Sud-Ouest, de Me Boullez, avocat de l'Association pour la gestion du régime des créances des salariés et de l'ASSEDIC Toulouse Midi Pyrénées, de Me Ricard, avocat de M. X..., ès qualités, de Me Choucroy, avocat de M. Y..., ès qualités, les conclusions de M. Jeol, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les deux moyens réunis :
Attendu que le tribunal ayant, sur assignation de l'ASSEDIC Toulouse Midi Pyrénées (l'ASSEDIC), ouvert par jugement du 24 mai 1988 une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Constructions industrielles du Sud-Ouest (société CISO) et un plan de cession de l'entreprise ayant été ultérieurement arrêté, la débitrice fait grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 29 juin 1989) d'avoir déclaré recevable l'action de l'ASSEDIC et de l'avoir accueillie, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge doit apprécier si les conditions du redressement judiciaire sont remplies au jour où il statue et non au jour de l'assignation ; qu'ainsi, la demande émanant d'un créancier ne peut être déclarée recevable si ce créancier a été désintéressé par le débiteur, avant que le juge ne statue ; qu'en l'espèce,
la cour d'appel a constaté que la société CISO devait 48 292 francs pour le 26 avril à l'ASSEDIC, mais que des versements ont eu lieu le 27 mai et le 3 juin ; qu'en refusant de tenir compte de ces versements, sans même rechercher s'ils n'avaient pas contribué à éteindre la dette de la société CISO à l'égard de l'ASSEDIC, la cour
d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 4, alinéa 1, de la loi du 25 janvier 1985, et alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985, le redressement judiciaire peut être prononcé pour toute entreprise qui est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; que le tribunal doit apprécier la situation au jour où il statue, et non au jour de l'assignation, ni a fortiori bien avant le déclenchement de la procédure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société CISO devait 48 292 francs à l'ASSEDIC, mais qu'elle a effectué deux versements postérieurement à la prétendue date de cessation des paiements, fixée au 24 mai 1988 ; que la cour d'appel s'est ensuite fondée sur le rapport du commissaire aux comptes datant du 31 décembre 1987 ; qu'à aucun moment, les juges du fond n'ont donc constaté qu'au jour de l'ouverture du redressement judiciaire, la société CISO était dans l'impossibilité de faire face à une dette échue avec son actif disponible ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu que, selon le rapport présenté par le commissaire aux comptes à l'assemblée générale des associés réunie le 31 décembre 1987, la société CISO, qui avait perdu plus de la moitié de son capital social, ne pouvait plus faire face à ses obligations vis-à-vis du Trésor public, de l'URSSAF et de la Caisse des congés payés et que cette analyse était confirmée par les observations formulées en appel par l'administrateur et le représentant des créanciers ; qu'ainsi, se plaçant au jour où elle statuait pour apprécier l'impossibilité pour la débitrice de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, elle a justifié légalement sa décision ; d'où il suit qu'aucun des moyens n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
! Condamne la société Constructions industrielles du Sud-Ouest, envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du neuf juillet mil neuf cent quatre vingt onze.