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23/04/1991 | FRANCE | N°90-81801

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 avril 1991, 90-81801


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingttrois avril mil neuf cent quatre vingt onze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLIN, les observations de Me B... et de la société civile professionnelle CELICE et BLANCPAIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

A... Liliane, épouse X..., partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, du 26

février 1990 qui, dans la procédure suivie contre Alain Z... pour blessures inv...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingttrois avril mil neuf cent quatre vingt onze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLIN, les observations de Me B... et de la société civile professionnelle CELICE et BLANCPAIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

A... Liliane, épouse X..., partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, du 26 février 1990 qui, dans la procédure suivie contre Alain Z... pour blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

d Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 1351 et 1382 du Code civil, manque de base légale, insuffisance, contradiction et défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a débouté Mme X... de sa demande tendant à ce que Z... soit condamné à lui verser des dommages-intérêts de 901 152 francs en réparation de son préjudice professionnel ;

"aux motifs propres et adoptés que, par son jugement du 21 janvier 1986, le tribunal correctionnel de Rouen a déclaré Z... entièrement responsable de l'accident dont a été victime Mme X... ; que cette décision, qui a entériné le rapport d'expertise médicale du 23 avril 1985, liquidait divers postes du préjudice corporel de la susnommée, et ordonnait une expertise comptable en vue de déterminer le préjudice économique et professionnel de celle-ci ; que l'expert Y..., dans son rapport du 23 juin 1987, relevait que Mme X... avait cessé son activité à 60 ans et vendu son officine le 30 juin 1986, et évaluait à 901 152 francs le préjudice financier constitué par la perte de revenus consécutive à cette retraite anticipée ; que Mme X... soutient que dans son jugement, devenu irrévocable, du 21 janvier 1986, le tribunal avait admis l'existence d'un préjudice financier conformément aux conclusions entérinées de l'expert M. C..., ce dommage ne pouvant plus dès lors être dénié dans son principe ; que, dans le jugement précité, en approuvant les conclusions de l'expert pour liquider les préjudices causés par les incapacités temporaire et permanente, le tribunal, s'il a admis avec le technicien la possibilité d'une incidence de l'état de la victime sur l'exercice de sa profession, ne s'est nullement prononcé sur le principe d'un préjudice financier dont l'existence, pour être démontrée, suppose établi que la gêne occasionnée par les séquelles des blessures ait provoqué un manque à gagner ou un surcroît de frais par rapport à la poursuite normale des activités intéressées, point qu'il était justement demandé à l'expert comptable d'examiner ; que Mme X... a continué après l'accident à exploiter sa pharmacie pendant deux ans jusqu'à la cession du fonds le 1er juin 1986 ; que le chiffre d'affaires a continué de progresser comme le note l'expert Y... ; que l'existence d'un lien de causalité n'est pas démontré entre l'accident et la décision de Mme X... de vendre sa pharmacie ; qu'il résulte du rapport de

l'expert C... du d 23 avril 1985 que Mme X... ne pouvait plus exercer son métier de pharmacienne dans les mêmes conditions qu'avant l'accident sans que son incapacité permanente limitée à 12 % la rendît pour autant inapte à continuer son activité professionnelle ; que la demanderesse ne prouve pas que son état se fût aggravé dans les mois suivants au point de la contraindre à céder son officine ; que les conclusions de l'expert C... ne sauraient se voir utilement opposer la décision de la commission régionale d'invalidité et d'incapacité permanente de Rouen, cette sentence, non motivée, n'intéressant que les droits de Mme X... à l'allocation d'une pension de vieillesse par la caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens ;

"1°) alors qu'une cour d'appel ne peut énoncer un motif en contradiction avec les faits relevés par le rapport d'expertise auquel elle prétend l'emprunter ; que la cour d'appel a énoncé que, si le rapport d'expertise entériné par le jugement du 21 janvier 1986 avait admis la possibilité d'une incidence de l'état de la victime sur l'exercice de sa profession, il ne s'était, en revanche, pas prononcé sur le principe d'un préjudice financier ; que l'expert ayant, au contraire, indiqué dans son rapport que "du fait des difficultés "entraînées par la profession de pharmacienne (...) "Mme X... (n'était) pas apte à reprendre ses activités professionnelles dans les mêmes conditions qu'avant l'accident", d'où il se déduisait, de manière implicite mais certaine, que l'accident avait eu une incidence sur l'activité professionnelle de la demanderesse, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction qui la prive de motifs en violation des textes visés au moyen" ;

"2) alors que, lorsqu'une décision devenue définitive a entériné les conclusions d'un rapport d'expertise retenant l'incidence d'un accident sur l'exercice de l'activité professionnelle de la victime, les juges du fond appelés à liquider le montant des dommagesintérêts ne peuvent dénier l'existence de ce chef du préjudice sans méconnaître l'autorité de la chose jugée ; que la portée du dispositif d'un jugement doit être éclairée par les motifs qui en sont le soutien nécessaire ; que le jugement du 21 janvier 1986 avait, dans ses motifs, indiqué que la demande en réparation de la demanderesse était recevable et bien fondée, sauf à déterminer, par une expertise comptable, le préjudice professionnel et économique subi par la victime ; qu'en entérinant, dans son dispositif, le rapport de l'expert, le jugement précité a donc d nécessairement entériné les conclusions de celui-ci relatives à l'incidence de l'accident sur l'exercice, par la demanderesse, de son activité professionnelle ; qu'en déniant à Mme X... l'existence d'un préjudice professionnel en relation avec l'accident, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée ;

"3°) alors que, dans ses conclusions d'appel, Mme X... avait demandé à la cour d'appel d'entériner les rapports d'expertise de M. Y... ; qu'en se bornant à constater que la demanderesse ne démontrait pas que son état s'était aggravé depuis que le docteur C... l'avait examinée, sans aucunement s'expliquer sur la force probante des deux rapports d'expertise complémentaires aux termes desquels M. Y... avait constaté que Mme X... avait dû vendre son officine de pharmacie en raison de l'incapacité "résultant

directement de l'accident qu'elle a subi", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen" ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'appelé à se prononcer sur les conséquences dommageables d'un accident dont Alain Z..., reconnu coupable de blessures involontaires sur la personne de Liliane A..., pharmacienne, a été déclaré responsable, le tribunal correctionnel, entérinant les conclusions du rapport d'expertise médicale, a notamment alloué à la victime 52 000 francs au titre de son incapacité temporaire totale de travail et 32 000 francs au titre de son incapacité permanente et a ordonné une expertise comptable pour déterminer son "préjudice économique et professionnel" ; que, par une deuxième décision, devenue également définitive, le premier juge a alloué à l'intéressée un solde de 10 600 francs au titre du préjudice commercial subi pendant la période d'incapacité totale de travail et a ordonné un complément d'expertise à l'effet d'évaluer le préjudice résultant "éventuellement" de l'accroissement des charges que Liliane A... qui avait cessé son activité à 60 ans et vendu son officine en juin 1986 aurait dû supporter si elle avait exercé sa profession jusqu'en 1991 ; qu'enfin le tribunal, par un troisième jugement, a débouté la victime de sa prétention à l'indemnisation d'un préjudice professionnel d'ordre financier ;

Attendu que, pour confirmer cette dernière décision, les juges du second degré retiennent que si, par son premier jugement, le tribunal "a admis avec le technicien la possibilité d'une incidence de l'état de d la victime sur l'exercice de sa profession", il "ne s'est en revanche nullement prononcé sur le principe d'un préjudice financier" ;

Que les juges observent que si Liliane A... a dû, à raison de son incapacité temporaire totale en mars, avril et mai 1984, supporter une augmentation de ses frais de personnel dont elle a été dédommagée par les deux premiers jugements du tribunal, elle a, postérieurement à cette période, continué à exploiter sa pharmacie pendant deux années, avec une progression du chiffre d'affaires, jusqu'à la cession de ce fonds, laquelle est sans lien de causalité avec l'accident ; qu'ils relèvent à cet égard que l'expert médical n'indiquait aucunement que la victime fût désormais inapte à l'exercice de sa profession et que celle-ci ne justifie pas que son état consécutif à l'accident se soit aggravé depuis son examen par ledit expert ; qu'ils ajoutent que, compte tenu de la cession du fonds, l'accroissement éventuel de ses frais d'exploitation jusqu'en 1991 n'est pas susceptible de constituer un préjudice ;

Attendu que les juges relèvent aussi qu'aux termes du rapport d'expertise médicale, "parmi les séquelles des blessures de la victime" déterminant son incapacité permanente de 12 %, indemnisée par ailleurs, "il existait des douleurs suscitées par la station debout prolongée qui empêcheraient l'intéressée de reprendre ses activités professionnelles dans les mêmes conditions qu'avant l'accident" ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a, sans contradiction et sans méconnaître l'autorité de la chose jugée, justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des

articles 473 dernier alinéa, 475, 519, 514, R. 246, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a condamné Mme X... aux dépens de l'action civile ;

"1°) alors que, lorsque le prévenu est reconnu coupable de l'infraction sur laquelle est fondée l'action de la partie civile, celle-ci n'est jamais tenue des frais, sauf de ceux occasionnées par elle et qui ont été déclarés frustatoires ; qu'en condamnant la demanderesse aux dépens de l'action civile sans relever d l'existence d'aucun frais occasionné par la demanderesse et qui aurait été déclaré frustratoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 473 dernier alinéa et R. 252 du Code de procédure pénale ;

"2°) alors que, lorsque le prévenu a été déclaré coupable des infractions sur lesquelles est fondée la demande de dommages-intérêts, et que la cour d'appel s'est bornée à rejeter une partie de la demande d'indemnisation de la partie civile, celle-ci, n'ayant pas succombé, ne sauraît être tenue des frais d'appel ; que la cour d'appel qui, après un jugement devenu définitif ayant indemnisé la demanderesse d'une partie de son préjudice, s'est bornée à rejeter la demande de celle-ci tendant à la réparation de son préjudice professionnel, ne pouvait condamner la demanderesse aux frais d'appel sans violer les textes visés au moyen" ;

Attendu que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que le tribunal correctionnel a condamné le prévenu aux dépens de l'action civile par son jugement du 9 décembre 1987 allouant à Liliane A... un complément d'indemnisation au titre de son préjudice commercial ; qu'il en résulte que la condamnation de cette dernière aux dépens de son action, prononcée par l'arrêt attaqué, ne peut s'entendre que de ceux exposés postérieurement au jugement précité, devenu définitif ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, dès lors que la partie civile a succombé en toutes ses prétentions maintenues ou formulées après ledit jugement, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux dépens ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Blin conseiller rapporteur, MM. Gondre, de Bouillane d de Lacoste, Jean Simon, Hecquard, Carlioz conseillers de la chambre, MM. Louise, de Mordant de Massiac conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 90-81801
Date de la décision : 23/04/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, 26 février 1990


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 avr. 1991, pourvoi n°90-81801


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:90.81801
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