LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Sur le pourvoi formé par : 1°/ M. Ange, Ernest Y..., gérant de société, demeurant boulevard Dominique Durandy, résidence "Les Moulins" à Saint-Jean Cap Ferrat (Alpes-Maritimes),
2°/ La société civile particulière "Résidence Sommet du Cap Ferrat", dont le siège social est quartier du Pont Saint-Jean à Saint-Jean Cap Ferrat (Alpes-Maritimes),
en cassation d'un arrêt rendu le 17 mars 1989 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (4e chambre civile, section B), au profit de : 1°/ Mme Emilie Z..., veuve Soula, épouse X..., demeurant boulevard Général de Gaulle, villa "Canta la mar" à Saint-Jean Cap Ferrat (Alpes-Maritimes),
2°/ La "Société civile immobilière du sommet du Cap Ferrat", dont le siège social est à Saint-Jean Cap Ferrat (Alpes-Maritimes),
défenderesses à la cassation ; Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 12 février 1991, où étaient présents : M. Grégoire, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Bernard de Saint-Affrique, rapporteur, MM. Zennaro, Thierry, Averseng, Lemontey, Gélineau-Larrivet, conseillers, M. Savatier, conseiller référendaire, M. Sadon, premier avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Bernard de Saint-Affrique, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Ange Y... et de la société civile particulière "Résidence Sommet du Cap Ferrat", de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de Mme Emilie Z..., veuve Soula, épouse X..., les conclusions de M. Sadon, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! - Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, suivant acte sous seing privé du 1er septembre 1967, Charles Louis Y... a reconnu à Jean Soula un droit en toute propriété sur le tiers des 500 parts sociales affectées à son nom dans une société dite "Société civile immobilière du sommet du Cap Ferrat" ; que Mme Emilie Z..., épouse X..., venant aux droits de Jean Soula, décédé, qu'elle avait épousé en premières noces, et dont elle était l'unique héritière, a assigné M. Ange Y..., qui avait succédé à son père Charles, également décédé, pour obtenir la mise en harmonie des statuts de la société précitée, de manière à y être mentionnée comme titulaire du tiers des parts sociales ; que le tribunal de grande instance de Nice a fait droit à cette demande ;
que, par une intervention volontaire en appel, la société civile particulière "Résidence Sommet du Cap Ferrat" et M. Ange Y... ont opposé le défaut d'existence légale de la société civile immobilière "Sommet du Cap Ferrat", et demandé que leur soit déclarée inopposable la
procédure intentée par Mme X... ; qu'ils ont sollicité la condamnation de celle-ci à des dommages-intérêts pour avoir tenté, intentionnellement et par malice, de créer une confusion entre eux et une société dépourvue d'existence légale, en vue de s'approprier une part de leurs biens ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 17 mars 1989) a rejeté ces prétentions ; Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : Attendu que la société civile particulière "Résidence Sommet du Cap Ferrat" et M. Ange Y... reprochent à la cour d'appel d'avoir admis que le transfert de parts sociales, que stipulait l'acte sous seing privé du 1er septembre 1967, était parfait dans les rapports du cédant et du cessionnaire et devait recevoir exécution, alors, selon le moyen, d'une part, que cet écrit, qui constituait une donation, n'engageait le donateur et ses héritiers que dans la mesure où il y avait eu acceptation expresse du donataire, de sorte qu'en ne constatant pas cette acceptation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ; alors, d'autre part, qu'en faisant produire effet à un écrit sous seing privé comportant une donation entre vifs qui aurait dû être régularisée par acte authentique, les juges d'appel ont violé l'article 931 du Code civil ; et alors, enfin, qu'en s'abstenant de répondre à des conclusions soutenant que le donataire n'avait pas rempli les conditions sous lesquelles la libéralité litigieuse lui avait été faite, en ne participant ni aux dépenses engagées par la société, ni aux assemblées générales, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu, sur le premier grief, que la cour d'appel n'était pas tenue de prendre en considération les affirmations que comportaient les conclusions d'appel de la société civile particulière "Résidence Sommet du Cap Ferrat" et de M. Ange Y..., qui alléguaient que ni Jean Soula ni sa veuve n'avaient accepté l'acte prétendument à titre gratuit que constituait l'écrit sous seing privé du 1er septembre 1967, sans en tirer les conséquences juridiques dont fait état le moyen ; que celui-ci n'est donc pas fondé en sa première branche ; Et attendu qu'il ne résulte ni des conclusions, ni de l'arrêt attaqué que la société civile particulière "Résidence Sommet du Cap Ferrat" et M. Ange Y... aient invoqué devant la cour d'appel la nullité de la donation que constituait, selon eux, l'acte du 1er septembre 1967, pour ne pas avoir été établi en la forme authentique, ou le défaut d'exécution d'obligations l'assortissant ;
que, dès lors, les critiques énoncées par les deux dernières branches du moyen sont nouvelles, mélangées de fait et de droit, et, par là même, irrecevables ; D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses trois branches ; Sur le second moyen, pris en ses trois branches : Attendu que la société civile particulière "Résidence Sommet du Cap Ferrat" et M. Ange Y... font également grief à la cour d'appel d'avoir condamné la première à mettre ses statuts en conformité, pour que Mme X... y soit mentionnée comme titulaire du tiers des parts sociales dont disposait Charles Y..., alors, selon le moyen, d'une part, que la cession de ces effets, intervenue entre celui-ci et Jean Soula, auteur de Mme X..., se trouve entachée de nullité, faute d'avoir obtenu l'agrément des associés, si bien que le cédant est demeuré propriétaire des parts au regard de la société, et que l'arrêt attaqué, en statuant comme il a fait, a violé l'article 1867 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'à défaut de signification de la cession des parts litigieuses à la société, celle-ci a pu, au décès de Charles Y..., attribuer les droits de ce dernier à M. Ange Y..., et lui rendre inopposable la cession non signifiée avant cette attribution, de telle sorte qu'en retenant que la signification de la cession pouvait avoir été valablement faite après le transfert de ces droits, la cour d'appel a violé les articles 1865 et 1690 du Code civil ; et alors, enfin, que la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, en constatant que les associés avaient le choix, soit de donner leur consentement à la cession, soit d'indemniser Mme X..., veuve Soula, de la valeur des parts sociales dont elle serait titulaire, tout en condamnant la société, sous astreinte, à modifier ses statuts pour faire figurer l'intéressée en qualité de titulaire de ces parts ; Mais attendu, sur le premier grief, qu'il ne résulte ni des conclusions d'appel, ni de l'arrêt attaqué que la société civile particulière "Résidence Sommet du Cap Ferrat" et M. Ange Y... se soient prévalus devant la cour d'appel de la nullité de la cession de parts litigieuses pour avoir été effectuée sans que l'agrément des associés ait été obtenu, ni même demandé ; que le moyen est donc nouveau, sur ce point, et que, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ; Attendu, sur le second grief, qu'après avoir exactement retenu que le défaut de signification de la cession de parts ne rendait pas le cessionnaire irrecevable à réclamer du débiteur cédé, l'exécution de son obligation, quand cette exécution n'était susceptible de faire grief à aucun droit intervenu depuis la naissance de la créance, notamment au profit d'un autre cessionnaire, la cour d'appel a justement relevé que M. Ange Y... ne pouvait se prévaloir de cette qualité, au regard des parts litigieuses, puisque, du fait de leur cession consentie par son père en 1967, celles-ci ne figuraient plus
dans le patrimoine qu'il avait recueilli de lui, à son décès survenu le 22 juillet 1975 ; qu'elle a donc pu en déduire, par motifs propres et adoptés, qu'il y avait eu signification de cession valable par l'effet de l'assignation délivrée le 12 décembre 1984, par Mme X..., en vue de régulariser la cession litigieuse à l'égard de la société civile particulière "Résidence Sommet du Cap Ferrat" se confondant avec la "Société civile immobilière du Sommet du Cap Ferrat", de sorte que la demande ainsi formée par l'intéressée apparaissait fondée ; que l'arrêt est donc légalement justifié ; Attendu, sur le troisième grief, que, suivant les constatations de l'arrêt attaqué, la condamnation à modifier les statuts ne porte pas atteinte à la faculté que les associés tiennent de l'article 9 de ces statuts, de refuser cette modification, à charge d'indemniser le cessionnaire ; que le moyen n'est donc pas fondé en sa troisième branche ; D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;