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22/01/1991 | FRANCE | N°90-82824

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 janvier 1991, 90-82824


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingt-deux janvier mil neuf cent quatre vingt onze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DARDEL, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GALAND ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

Y... Adrien, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de FORT-DE-FRANCE, en

date du 12 mars 1990 qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irr...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingt-deux janvier mil neuf cent quatre vingt onze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DARDEL, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GALAND ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

Y... Adrien, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de FORT-DE-FRANCE, en date du 12 mars 1990 qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile du chef de violences volontaires et le renvoyant à se pourvoir ;

Vu le mémoire produit ;

Vu l'article 575, 2ème alinéa 2° du Code de procédure pénale ; d

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 186 et 309 du Code pénal, 575 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Y... ;

"aux motifs que l'article 85 du Code de procédure pénale n'autorise la constitution de partie civile au stade de l'information préalable par voie d'intervention principale qu'en matière de délit ou de crime et ne s'applique pas à la matière des contraventions ;

"que l'expertise a mis en évidence une incapacité de travail personnelle totale de 3 jours ; que les blessures dont se plaint Y..., à les supposer causées par les gendarmes, ne pouvaient constituer qu'une contravention" ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 186 et 309 du Code pénal, 675 et 693 du Code de procédure pénale, défaut de réponse sur l'articulation essentielle du mémoire, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré irrecevable la plainte avec constitution de partie civile de Y... ;

"aux motifs que si les coups et violences commis à l'aide ou sous la menace d'une arme constitue le délit de coups et blessures volontaires même lorsqu'ils ont entraîné une ITT n'excédant pas huit jours, il s'avère cependant que dans sa plainte avec constitution de partie civile Y... reproche aux gendarmes de l'avoir frappé à coup de poing et enchaîné ; qu'il ne s'est jamais plaint d'avoir été frappé avec les menottes ; que le simple fait de passer les menottes ne constitue pas une violence ou une voie de faits de la part d'un agent de la force publique ;

"que la notion d'armes visée par l'article 309 alinéa 2-6 du Code pénal devant s'apprécier au regard de la définition donnée par l'article 102 du même Code et s'entendant, par conséquent, de tout objet qui employé dans des conditions non conformes à son usage normal, est susceptible de porter atteinte à l'intégrité d physique d'autrui, la chambre d'accusation qui s'est abstenue de rechercher, comme l'y invitait le mémoire déposé par Y..., si le fait d'utiliser des menottes en passant la chaîne autour du cou de la personne arrêtée de manière à l'étrangler ne constitue pas un usage anormal de cet instrument caractérisant une violence avec arme, ne

permet pas davantage, en l'état de ce défaut de réponse, à la chambre criminelle, d'exercer son contrôle sur la légalité de sa décision excluant toute qualification délictuelle aux faits dénoncés et partant la recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile de Y... ;

"alors que la chambre d'accusation qui tout en rappelant les conclusions de l'expertise, selon lesquelles Y... avait subi, non seulement une incapacité totale de travail de trois jours mais également une incapacité à se rendre à son travail de dix-neuf jours, a néanmoins considéré que son incapacité totale de travail n'avait pas excédé huit jours et que dès lors les faits dénoncés par lui ne pouvaient, tout au plus, constituer que la contravention prévue par l'article R. 40-3 du Code pénal, a non seulement méconnu la notion d'incapacité totale de travail personnel qui s'entend l'impossibilité totale de se livrer à des activités professionnelles ou économiques sans éprouver son état de santé, mais encore entaché sa décision d'une contradiction et d'une insuffisance de motifs ne permettant pas à la chambre criminelle d'exercer son contrôle sur la légalité de sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que, selon l'article 593 du Code de procédure pénale, sont déclarés nuls les arrêts des chambres d'accusation s'ils ne contiennent pas de motifs ou si leurs motifs sont insuffisants ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile d'Adrien Y..., pour coups et blessures volontaires, l'arrêt attaqué énonce que l'expertise médicale de la victime a mis en évidence une incapacité totale de travail personnel de trois jours ; que, dans sa plainte, Y... reproche aux gendarmes de l'avoir frappé à coups de poing et ne fait pas état de coups portés avec des menottes ; que l'usage de celles-ci de la part des agents de la force publique ne constitue pas des violences ou voies de fait ; que les blessures alléguées ne peuvent constituer qu'une d contravention ; que l'article 85 du Code de procédure pénale n'autorise la constitution de partie civile en vue d'une information préalable qu'en matière de crime ou de délit et ne s'étend pas au domaine des contraventions ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi sans mieux s'en expliquer alors que l'expertise médicale faisait ressortir en outre que les violences alléguées avaient entraîné pour le demandeur une incapacité à reprendre son travail de dix-neuf jours et alors que celui-ci soutenait dans sa plainte avoir été enchaîné, les juges n'ont pas suffisamment justifié leur décision ;

Que l'arrêt encourt la cassation de ce chef ;

Et sur le moyen relevé d'office et pris de la violation des articles 3, 86 et 87 du Code de procédure pénale ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que l'irrecevabilité de l'action civile portée devant le juge d'instruction conformément aux dispositions de l'article 85 du Code de procédure pénale ne saurait atteindre l'action publique laquelle subsiste toute entière et prend sa source exclusivement dans les réquisitions du ministère public, tendant après la communication prescrite par l'article 86 du même Code à ce qu'il soit informé par le juge d'instruction ; qu'il n'en irait autrement

que si la plainte de la victime était nécessaire pour mettre l'action publique en mouvement ;

Attendu qu'il appert des actes de la procédure et de l'arrêt attaqué que Y... s'est constitué partie civile devant le juge d'instruction le 3 mars 1989 en portant plainte contre les gendarmes Michel A..., Richard Z... et Alain X..., de la brigade du Lorrain ; qu'après que la Cour de Cassation eut déclaré n'y avoir lieu à désignation de juridiction, et après que le plaignant eut versé la consignation fixée par le juge d'instruction, le procureur de la République a, au vu de la communication de la plainte, pris le 13 septembre 1989 des réquisitions visant l'article 309 du Code pénal, tendant à ce qu'il soit informé du chef de coups et blessures volontaires contre toute personne que l'information ferait connaître, et à ce qu'il soit ordonné une expertise médicale pour déterminer la durée de l'incapacité totale de travail ;

d Attendu qu'en se bornant, par les motifs repris ci-dessus à confirmer l'ordonnance entreprise qui déclarait irrecevable la constitution de partie civile du plaignant et renvoyait celui-ci à se pourvoir suivant les dispositions des articles 531 et suivants du Code de procédure pénale, la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée du principe susénoncé ;

D'où il suit que l'arrêt encourt derechef la cassation ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Fort-de-France du 12 mars 1990,

Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Basse-Terre, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Fort-de-France et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Berthiau conseiller doyen faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Dardel conseiller rapporteur, MM. Zambeaux, Dumont, Fontaine, Milleville, Alphand, Guerder conseillers de la chambre, Mme Guirimand conseiller référendaire, M. Galand avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 90-82824
Date de la décision : 22/01/1991
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre d'accusation de la cour d'appel de Fort-de-France, 12 mars 1990


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 jan. 1991, pourvoi n°90-82824


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:90.82824
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