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19/12/1990 | FRANCE | N°89-11672

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 décembre 1990, 89-11672


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Roy, Vincent Z..., demeurant domaine de Saint-Bernard à Saverdun, Montaud (Ariège),

M. Richard B..., demeurant ... (Ariège), agissant en qualité d'administrateur au règlement judiciaire de M. Roy, Vincent Z..., déclare reprendre l'instance par mémoire produit le 9 novembre 1990, signifié à M. Jean Y..., pris en qualité de représentant des créanciers au règlement judiciaire de M. Roy, Vincent Z..., demeurant ... (Ariège),

en

cassation d'un arrêt rendu le 22 novembre 1988 par la cour d'appel de Toulouse (1re cha...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Roy, Vincent Z..., demeurant domaine de Saint-Bernard à Saverdun, Montaud (Ariège),

M. Richard B..., demeurant ... (Ariège), agissant en qualité d'administrateur au règlement judiciaire de M. Roy, Vincent Z..., déclare reprendre l'instance par mémoire produit le 9 novembre 1990, signifié à M. Jean Y..., pris en qualité de représentant des créanciers au règlement judiciaire de M. Roy, Vincent Z..., demeurant ... (Ariège),

en cassation d'un arrêt rendu le 22 novembre 1988 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre), au profit de :

1°/ M. Michel X..., demeurant ...,

2°/ Mme Michel X..., née Andrée, Jacqueline A..., demeurant au lieudit Kaskara à Ascain (Pyrénées-Atlantiques),

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 20 novembre 1990, où étaient présents : M. Senselme, président, M. Cathala, rapporteur, MM. Paulot, Vaissette, Chevreau, Gautier, Douvreleur, Capoulade, Peyre, Deville, Mme Giannotti, MM. Aydalot, Chemin, conseillers, MM. Garban, Chollet, Mme Cobert, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mme Prax, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Cathala, les observations de Me Consolo, avocat de M. Z... et de M. B..., ès qualités, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des époux X..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

! - Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 22 novembre 1988), que les époux X..., vis-à-vis desquels M. Z... s'est engagé, pour acquérir le domaine agricole représenté par les parts de la société civile immobilière (SCI) de Saint-Bernard, d'abord à payer 70 % de ces parts ainsi que le solde du compte courant des époux X... dans la société, puis à régler le solde des parts, ont assigné l'acquéreur en paiement, avec les intérêts convenus, du solde du compte courant et du prix des parts sociales ;

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli ces demandes, alors, selon le moyen, "1°/ qu'aux termes de l'article 1858 du Code civil, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales qu'après avoir prélablement et vainement poursuivi la personne morale ; que la cour d'appel, qui a constaté que le solde du compte courant dont les époux X... étaient titulaires au sein de la SCI constituait une dette de la société et qui a

cependant considéré que la SCI n'avait pas à être préalablement poursuivie pour le paiement de cette dette, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations de fait, violant ainsi, par fausse application, l'article 1858 du Code civil ; 2°/ qu'il résulte de l'article 1250-1° du Code civil que la subrogation

conventionnelle doit être expresse et non tacite ; qu'en se bornant à constater que, dès lors que M. Z... s'est engagé à régler le compte courant, il est, par cela même, subrogé dans les droits de M. X... et est devenu à son tour créancier de la société, sans rechercher si M. Z... avait été, de manière expresse, subrogé dans le droits des époux X... à l'égard de la SCI, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1250-1° du Code civil ; 3°/ que c'est le paiement qui donne à la subrogation personnelle son fondement ; que la subrogation conventionnelle ne peut intervenir qu'au moment du paiement ; que la cour d'appel, qui a considéré que M. Z..., qui s'était engagé à régler le compte courant, était "par cela même" subrogé dans les droits de M. X... et était devenu à son tour créancier de la société, alors qu'elle avait par ailleurs relevé que le solde du compte courant n'avait pas été réglé par M. Z..., a violé, par fausse application, l'article 1250-1° du Code civil" ;

Mais attendu que l'arrêt, qui retient que les époux X... ont agi pour obtenir le paiement du solde du compte courant, non contre la société, ni contre les associés, mais contre l'acheteur au titre de la dette personnelle reconnue par celui-ci en paiement du prix de la cession, est, par ce seul motif, légalement justifié de ce chef ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à rembourser le montant du compte courant des époux X..., alors, selon le moyen, "1°/ qu'une contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d'appel ne pouvait énoncer que les époux X... étaient en droit de demander le règlement du prix de la cession, alors qu'elle a constaté, d'un côté, que M. Z... s'était engagé auprès des époux X... à acheter l'intégralité des parts sociales pour le prix de 5 650 000 francs,

et, de l'autre, que M. Z... s'était engagé à acheter, pour ce prix, l'ensemble du domaine ; que ces motifs contradictoires équivalent à un défaut de motifs en ce qui concerne la question de savoir si le remboursement du compte courant était dû au titre du paiement du prix de cession des parts sociales ou au titre du paiement du prix de vente du domaine ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2°/ que les juges du fond modifient l'objet du litige lorsqu'ils prennent en considération un fait qui n'était pas invoqué dans les conclusions des parties ; que, dans des conclusions non contestées sur ce point par M. Z..., les époux X... avaient rappelé que celui-ci avait souhaité acheter le domaine de la SCI pour le prix de 5 650 000 francs et que celui-ci se décomposait ainsi :

3 227 000 francs pour la valeur de l'ensemble des parts et 2 423 000 francs pour le remboursement du compte courant ; qu'en considérant, d'une part, que les parts sociales devaient être acquises pour le prix de 5 650 000 francs, d'autre part, que le remboursement du compte courant constituait une modalité de paiement du prix d'achat des parts, la cour d'appel a invoqué des faits qui n'étaient pas dans les conclusions des parties, violant ainsi l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; 3°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis d'une convention ; qu'en considérant que, par la lettre du 9 janvier 1984, M. Z... s'était engagé à acquérir le domaine, dès lors qu'il y

avait accord sur la chose et sur le prix, alors que M. Z... y indiquait qu'il paierait le prix de 5 650 000 francs "en cas de réalisation", ce dont il résultait nécessairement que l'obligation d'acquérir de M. Z... était subordonnée à la réalisation de la cession, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre précitée du 9 janvier 1984, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; 4°/ que la cour d'appel ne pouvait décider que les époux X... étaient en droit de réclamer le prix de la cession, alors qu'elle ne donne de précision ni sur la date, ni sur l'objet exact d'une telle cession, ni sur la conclusion par les parties d'une convention ayant force obligatoire sur ce point ; que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; 5°/ que les dispositions de l'article 1865, alinéa 1, du Code civil exigent à titre de preuve que la cession des parts sociales soit constatée par un écrit comportant l'objet, la date et le prix de la cession ; qu'en ne constatant pas l'existence d'un écrit par lequel les parties auraient convenu qu'une partie des parts sociales vendues pour le prix de 5 650 000 francs serait payée par M. Z... sous la forme du remboursement du compte courant dont étaient titulaires les époux X... au sein de la SCI, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1865, alinéa 1, du Code civil" ;

Mais attendu que, sans se contredire, ni modifier l'objet du litige, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé la convention des parties et n'avait pas à exiger, dans les rapports entre celles-ci, la preuve écrite de la cession des parts sociales, a légalement justifié sa décision de ce chef, en relevant que, par acte notarié du 21 août 1984, M. Z... avait reconnu que le compte courant des époux X... s'élevait à 2 423 000 francs, remboursables immédiatement à hauteur de 941 000 francs et, le 31 mars 1985 à hauteur de 1 481 900 francs ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer aux époux X... le prix des 30 % des parts sociales, alors, selon le moyen, "1°/ qu'après avoir constaté que "la cession de 30 % des parts sociales restantes n'est pas encore réalisée, la cour d'appel, qui a cependant considéré que M. Z... devait en payer le prix (958 100 francs), et ce avec intérêts à 15 % à compter du 8 août 1984, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations de fait, violant ainsi, par fausse application, l'article 1134 du Code civil ; 2°/ qu'il résulte de l'article 1810 du Code général des Impôts qu'est nulle et de nul effet toute contre lettre ayant pour objet de dissimuler une partie du prix de vente d'un immeuble ; que cette nullité est d'ordre public ; que la contre-lettre prévue par le texte précité suppose l'existence d'un acte ostensible mentionnant un prix de vente fictif et d'un acte occulte modifiant les stipulations du premier, de telle sorte qu'une partie du prix de vente de l'immeuble se trouve dissimulée à l'administration de l'enregistrement ; qu'en se bornant à affirmer, par un motif d'ordre général, qu'il y avait seulement en l'espèce une suite d'actes multiples, sans rechercher s'il ne résultait pas des circonstances de

la cause l'existence d'une contre-lettre destinée à occulter une

partie du prix de vente du domaine, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1840 du Code général des Impôts ; 3°/ que M. Z... soutenait dans ses conclusions d'appel que seul l'acte notarié du 21 août 1984, portant cession de 70 % des parts sociales, avait été régulièrement déposé à l'enregistrement, tandis que les actes sous seing privé relatifs, soit à la cession du domaine, soit à la cession de 30 % des parts sociales, n'avaient été ni déclarés à l'administration de l'enregistrement, ni transcrits sur les registres de la société, que les époux X... participaient toujours à la vie de cette société en qualité d'associés porteurs de 30 % des parts sociales ; que M. Z... déduisait de ces faits, dans ses conclusions, que les actes sous seing privé, ainsi que l'échange de lettres du 9 janvier 1984 par lequel les parties s'étaient entendues sur le prix de vente du domaine, constituaient des actes occultes ; que la simulation avait eu pour but et pour résultat de ne déclarer à l'administration de l'enregistrement que le prix de 2 258 900 francs mentionné dans l'acte notarié du 21 août 1984 au titre de la cession de 70 % des parts sociales, alors que le prix réel et occulte de la vente du domaine était de 5 650 000 francs ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions péremptoires, dont il se déduisait que les actes occultes étaient entachés d'une nullité d'ordre public, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de motifs entraînant la censure pour violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 4°/ que M. Z... soutenait aussi dans ses conclusions d'appel que le caractère occulte de la cession de 30 % des parts sociales avait pour but d'éluder l'application de la doctrine fiscale de l'époque, selon laquelle une cession de la totalité des parts sociales devait être taxée de la même façon qu'une vente des biens représentés par les droits sociaux cédés, une telle cession entraînant nécessairement la dissolution de la société et la constitution d'une société nouvelle ; qu'en ne répondant pas davantage à ces conclusions de nature à démontrer le caractère occulte de la cession de 30 % des parts sociales, la cour d'appel a de nouveau entaché son arrêt d'un défaut de motifs entraînant la censure pour violation de l'article 455 de nouveau Code de procédure civile ; 5°/ qu'aux termes de l'article 635-2-7° du Code général des Impôts, les actes sous seing privé synallagmatiques doivent être

enregistrés dans le délai d'un mois à compter de leur date ; qu'en ne recherchant pas si la cession (supposée réalisée) de 30 % des parts sociales avait été enregistrée dans le délai d'un mois à compter de sa date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard dudit article 635-2-7° du Code général des Impôts" ;

Mais attendu qu'ayant constaté, répondant aux conclusions, qu'il n'y avait pas eu acte apparent et contre-lettre, mais une suite de conventions multiples et successives, et retenu que le fait de réaliser la vente en plusieurs cessions dans le but de minorer les droits d'enregistrement ne constituait pas en soi une fraude, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer des recherches inopérantes, a légalement justifié sa décision de ce chef en relevant que la convention du 21 août 1984 devait recevoir application ;

Sur le cinquième moyen, ci-après annexé :

Attendu que les précédents moyens ayant été écartés, la demande de

cassation par voie de conséquence des chefs de l'arrêt validant l'inscription de nantissement sur les parts sociales détenues par M. Z... et allouant une somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, est devenue sans portée ;

Mais sur la quatrième moyen :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que pour condamner M. Z... au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt se borne à relever que les époux X... soutiennent que le comportement malveillant et la résistance abusive de M. Z... leur ont causé un préjudice matériel ;

Qu'en statuant ainsi, sans caractériser aucune circonstance de nature à faire dégénérer en abus le droit de M. Z... de se défendre en justice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Z... à payer 25 000 francs de dommages-intérêts aux époux X..., l'arrêt rendu le 22 novembre 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

Laisse les dépens de cassation, liquidés à la somme de deux cent soixante-quinze francs, à la charge entière de M. Z... ;

Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Toulouse, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix-neuf décembre mil neuf cent quatre vingt dix.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 89-11672
Date de la décision : 19/12/1990
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse (1re chambre), 22 novembre 1988


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 19 déc. 1990, pourvoi n°89-11672


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:89.11672
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