LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq décembre mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MALIBERT, les observations de la société civile professionnelle GUIGUET, BACHELLIER et POTIER de LA VARDE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LECOCQ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
X... Christian,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de COLMAR, en date du 4 janvier 1990, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prescrivant la fermeture à titre provisoire d'un débit de boissons ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 172, 591, 593, 802 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction du tribunal correctionnel de Strasbourg prescrivant à titre provisoire et pour une durée de six mois la fermeture du débit de boissons La Cafet, sis... à Strasbourg ;
" aux motifs que l'ordonnance a été rendue selon la procédure prévue par la loi ; qu'il n'a pas été contrevenu aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par absence de respect du contradictoire dès lors qu'était et demeure ouverte à l'inculpé, à tout moment, la possibilité de présenter une demande en mainlevée de la mesure de sûreté infligée ;
" alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, tout prévenu a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement ainsi qu'à se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défendeur, que conformément à l'article 172 du Code de procédure pénale, dont le prévenu s'était également prévalu, la violation des droits de la défense entraîne l'annulation des actes d'information, que l'ordonnance du juge d'instruction est intervenue le jour même de l'interrogatoire de première comparution du prévenu, sans que ce dernier ait été informé de la mesure envisagée à son encontre, que l'arrêt attaqué qui tout en constatant l'absence de respect du contradictoire, s'est refusé à prononcer la nullité de l'ordonnance entreprise, n'est donc pas légalement justifié ;
" et alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, la décision de fermeture initiale aura nécessairement une répercussion quant à la validité de la licence IV et à l'octroi d'une nouvelle autorisation d'exploitation et qu'elle entraînera pour le prévenu un préjudice qu'une éventuelle décision de mainlevée sera insusceptible de réparer, que l'arrêt attaqué a ainsi de ce chef également violé les textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et de l'ordonnance qu'il confirme qu'à la suite de l'inculpation de Christian X... du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, le juge d'instruction a ordonné à titre provisoire pour une durée de six mois la fermeture du débit de boissons que l'inculpé exploitait en qualité de gérant ;
Attendu que, saisie d'un recours contre cette décision, c'est à bon droit que pour la confirmer, la chambre d'accusation a rejeté les conclusions de Christian X... prises d'une prétendue violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 172 du Code de procédure pénale ; qu'en effet, la fermeture d'un débit de boissons prise par le juge d'instruction en application de l'article 629-1 du Code de la santé publique constitue une mesure de sûreté à caractère réel et que dès lors ne lui sont pas applicables les dispositions légales et conventionnelles visées au moyen, lequel n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 629-1 du Code de la santé publique, 591, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction près le tribunal correctionnel de Strasbourg prescrivant à titre provisoire et pour une durée de six mois la fermeture du débit de boissons La Cafet, sis... à Strasbourg ;
" aux motifs que cet établissement était devenu notoirement le lieu d'un important négoce d'héroïne, que trois incidents graves imputables à l'absorption de surdoses s'y étaient produits, soit au vu, soit au su de X..., que ce dernier, loin de réagir face à une telle situation, a contribué à l'aggraver en devenant lui-même toxicomane en mai 1989, que ce n'est qu'après l'ouverture de l'enquête qu'il a pris des dispositions et pour se faire soigner et pour assainir la clientèle de son établissement, que si, quant à présent, X... ne se trouve pas poursuivi du chef de complicité par aide et assistance au trafic, il demeure qu'il a apparemment gravement engagé sa responsabilité à cet égard, dans la seule considération de son chiffre d'affaires commercial semble-t-il, qu'il en découle que la décision du premier juge est à confirmer et dans son principe et dans sa durée de fermeture, que l'ordonnance a été rendue selon la procédure prévue par la loi ;
" alors que l'article L. 629-1 du Code de la santé publique qui constitue le fondement de l'ordonnance du juge d'instruction ne permet au magistrat instructeur en cas de poursuites exercées pour l'un des délits prévus aux articles L. 627 et L. 628 d'ordonner à titre provisoire et pour une durée limitée la fermeture de tout... débit de boissons... ou lieu quelconque ouvert au public ou utilisé par le public, où ont été commis ces délits par l'exploitant ou avec sa complicité, que la chambre d'accusation qui relevait que X... n'était pas poursuivi du chef de complicité par aide et assistance au trafic auquel il ne participait pas, ne pouvait que constater que le juge d'instruction avait excédé ses pouvoirs et annuler l'ordonnance entreprise " ;
Attendu que l'ordonnance du juge d'instruction confirmée par l'arrêt attaqué constate, d'une part, que Christian X... est inculpé sur le fondement des articles L. 626, L. 627, L. 628 du Code de la santé publique et, d'autre part, que l'établissement " La Cafet " dont il est le gérant apparaît " comme un lieu où des transactions d'héroïne sont effectuées régulièrement " ;
Attendu qu'en cet état, les juges ont justifié leur décision au regard de l'article L. 629-1 du Code susvisé sans encourir les griefs du moyen, lequel doit être écarté ;
Et attendu que la procédure est régulière ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Angevin conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Malibert conseiller rapporteur, MM. Diémer, Guth, Guilloux, Massé Z conseillers de la chambre, MM. Pelletier, Nivôse conseillers référendaires, M. Lecocq avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.